💥 Comment Madoff aurait pu être arrêté en 10 minutes ?
Grâce à une formule mathématique très facile.
Bonjour à tous,
A l’occasion de la semaine de l’éducation financière, j’ai publié sur LinkedIn une série de 5 posts, dont l’un sur le PFOF. Cette manière d’être rémunéré par son market maker aurait été invité par l’ex-patron du Nasdaq, et auteur du plus gros et plus long Ponzi du monde : Bernard Madoff.
Si à peu près tout a été dit au sujet de ses 48 années d’escroquerie (puisque son placement n’a été qu’une escroquerie tout au long de son existence), c’est un fait qu’il aurait pu être découvert bien plus tôt. Pas uniquement par la SEC, qui avait connaissance des signalements, mais par… n’importe qui. Avec des documents publics et un simple tableau Excel. En seulement quelques minutes.
Et c’est le sujet du jour.
💻 Envie d’entreprendre, sans repartir de zéro ?
Avec DotMarket 🇫🇷, accédez à des sites, fonds de commerce & entreprises numériques déjà rentables, analysés et valorisés par des pros.
📩 Chaque semaine, recevez des annonces exclusives, filtrées selon votre profil.
🔍 Annonces vérifiées & pré-valorisées
🛡️ Plateforme sécurisée pour tous les budgets
🤝 Accompagnement sur-mesure jusqu’à la reprise
📈 Side business, croissance externe ou reprise à plein temps : investissez sur des bases solides.
🎯 Déjà +40 avis clients (Trustscore 4,8/5)
🎙️ Vu dans Les Échos, Snowball, Semrush, La Martingale…
👉 Découvrez les opportunités disponibles sur dotmarket.eu
Avant de commencer…
Tu peux t’abonner à mon autre newsletter gratuite A Free Lunch, qui résume l’actu finance-immo tous les matins du lundi au vendredi. Tu peux aussi la sponsoriser pour apparaître dedans, et avant regarder les stats et les formats.
Zero Bullshit propose désormais des formats de sponsorisations, pour des raisons expliquées ici.
Si toi aussi tu veux lancer ta newsletter ou prendre la parole sur LinkedIn, je propose désormais des accompagnements individualisés, sans bullshit, sans template tout fait, sans bootcamp.
Tu peux également soutenir le contenu via un don ou un abonnement, sans contrepartie.
Et évidemment tu peux me solliciter pour mes prestations de conseils en communication, branding, social média ou création de contenus.
Enfin tu peux toujours me suivre sur LinkedIn, suivre Zero Bullshit ou Mèmes financiers pour rigoler.
La chute d’un empire
New York, 11 décembre 2008.
La neige tombe doucement sur Manhattan. Au 133 East 64th Street, dans son somptueux penthouse en duplex de l'Upper East Side, Bernard Madoff commence sa journée. Les vastes fenêtres cintrées du salon offrent une vue imprenable sur les immeubles qui s'élèvent vers le ciel de décembre. L'appartement, estimé à 5 millions de dollars à l'époque, avec ses murs lambrissés d'acajou, ses œuvres d'art soigneusement sélectionnées et ses terrasses qui ceignent l'espace sur trois côtés, témoigne de la réussite apparente de son occupant.
À 8h03 précisément, deux agents fédéraux sonnent à la porte de l'appartement. Madoff, en robe de chambre, les fait entrer. À ses côtés, Ruth Madoff, son épouse, reste silencieuse.
Dans ce cadre luxueux aux parquets en chevron et aux moulures élégantes, les agents demandent à Madoff s'il sait pourquoi ils sont là. Sa réponse est immédiate : « Oui, je sais pourquoi. » Après avoir été informé de ses droits, il choisit de parler sans avocat.
« J'ai décidé que je ne pouvais plus continuer », confie-t-il avec une étrange sérénité. « Je suis ruiné. »
Dans cette première rencontre avec les autorités, il déclare :
« Nous avions beaucoup d'argent de clients et je l'ai perdu. Nous sommes insolvables. J'ai payé des clients avec de l'argent qui n'existait pas. »
L'arrestation se déroule sans incident. Les agents lui signifient les charges retenues contre lui. Madoff n'oppose aucune résistance. Il comprend que la plus grande escroquerie financière de l'histoire vient d'être mise au jour.
Avant midi, les médias s'emparent de l'affaire. Le monde financier vacille sous le choc. Bernard L. Madoff Investment Securities, fondé en 1960 avec seulement 5000 dollars, n'est qu'une façade. Derrière les rendements miraculeusement stables de 10 à 12% par an, se cache un système frauduleux d'une ampleur sans précédent.
Cinquante milliards de dollars. C'est l'estimation initiale du gouffre, un montant qui sera revu à 65G$, dont 17,5G$ réellement investis par des clients. Quinze mille victimes : des fondations caritatives, des hôpitaux, des fonds de pension, des millionnaires, des célébrités, mais aussi des retraités qui avaient confié leurs économies de toute une vie à l'ancien président du NASDAQ.
Dans les bureaux de la SEC1, le gendarme des marchés américains, c'est la consternation. Harry Markopolos, analyste financier et lanceur d'alerte, les avait pourtant prévenus. Dès 1999, il avait compris que les performances de Madoff défiaient les lois mathématiques. Il avait soumis cinq rapports détaillés à la SEC, dont le dernier portait un titre sans équivoque : « Le plus grand hedge fund du monde est une fraude ». Personne ne l'avait pris au sérieux.
Ce qui stupéfie les experts, ce n'est pas uniquement l'ampleur astronomique de l'escroquerie, mais sa longévité. Comment un schéma frauduleux a-t-il pu prospérer pendant près de trois décennies sous le nez des régulateurs ? Comment l'un des acteurs les plus respectés de Wall Street, philanthrope reconnu, membre éminent de la communauté juive new-yorkaise, a-t-il pu orchestrer cette mascarade ?
Markopolos, lui, n'avait eu besoin que de quatre heures et quelques calculs pour détecter l'imposture. « C'était mathématiquement impossible », témoignera-t-il plus tard devant le Congrès. Les rendements de Madoff ne correspondaient à aucune réalité du marché. Ils étaient trop constants, trop parfaits. La réalité des marchés financiers est faite de volatilité, de hauts et de bas. Pas de cette ligne presque droite, ascendante, que présentaient les relevés de compte des clients Madoff.
Mais au-delà de cette incohérence flagrante, un signal mathématique aurait pu alerter les autorités bien plus tôt. Un simple calcul, qu’il était possible de faire en quelques minutes.
Un test basé sur une loi mathématique découverte fortuitement un siècle auparavant par un astronome feuilletant des tables de logarithmes.
Rapport du FBI sur l’arrestation de Bernard Madoff
Une anomalie invisible
Washington, 1881.
Un homme se penche sur un ouvrage à la reliure usée dans une salle de la bibliothèque navale américaine. Simon Newcomb, astronome et mathématicien, manipule pour la énième fois les tables de logarithmes dont les scientifiques de l'époque ne peuvent se passer pour leurs calculs complexes. C'est alors qu'il remarque quelque chose d'étrange : les premières pages du livre sont nettement plus abîmées que les dernières. Les tables des logarithmes commençant par le chiffre 1 sont noircies, cornées, presque en lambeaux. Celles des logarithmes commençant par 8 ou 9 semblent presque neuves.
Un détail insignifiant ? Pas pour cet esprit rigoureux. Né dans la pauvreté en Nouvelle-Écosse, autodidacte devenu l'un des plus éminents scientifiques américains de son temps, Newcomb a l'habitude d'interroger les anomalies. Cette observation le conduit à une conclusion surprenante : les nombres commençant par 1 semblent tout simplement plus fréquents dans la nature que ceux commençant par 8 ou 9.
Dans un court article publié dans l'American Journal of Mathematics, il note :
« Les dix chiffres n'apparaissent pas avec la même fréquence... Les pages contenant les logarithmes des nombres commençant par 1 sont beaucoup plus usées que les autres. »
Puis, le silence.
L'observation de Newcomb tombe dans l'oubli. Personne ne semble s'intéresser à ce phénomène curieux. Après tout, selon toute logique, les chiffres devraient apparaître avec une fréquence identique, n'est-ce pas ? Dans un monde aléatoire, on s'attendrait à une répartition équilibrée. Le 1 devrait apparaître en première position dans environ 11,1% des cas, tout comme le 2, le 3, et ainsi de suite jusqu'au 9.
New York, 1938.
Cinquante-sept ans plus tard, au laboratoire de recherche de la General Electric, un physicien du nom de Frank Benford redécouvre par hasard le même phénomène. Comme Newcomb, il manipule fréquemment des tables de logarithmes et remarque leur usure inégale. Mais contrairement à son prédécesseur, Benford décide d'aller plus loin.
Il entame alors un travail titanesque, presque obsessionnel. Il compile 20’229 nombres issus de sources profondément différentes : surfaces de rivières, populations de villes, constantes physiques, adresses, numéros issus des pages sportives des journaux. Dans chaque cas, il analyse méticuleusement la fréquence d'apparition du premier chiffre.
Les résultats confirment son intuition : le chiffre 1 apparaît en première position dans environ 30% des nombres, le 2 dans 17,6%, puis les fréquences diminuent progressivement jusqu'au 9, qui n'apparaît qu'à 4,6%. Une distribution précise, mathématique, prévisible.
Le chiffre 1 apparaît en première position dans 30,1% des cas
Le chiffre 2 apparaît en première position dans 17,6% des cas
Le chiffre 3 apparaît en première position dans 12,5% des cas
Le chiffre 4 apparaît en première position dans 9,7% des cas
Le chiffre 5 apparaît en première position dans 7,9% des cas
Le chiffre 6 apparaît en première position dans 6,7% des cas
Le chiffre 7 apparaît en première position dans 5,8% des cas
Le chiffre 8 apparaît en première position dans 5,1% des cas
Le chiffre 9 apparaît en première position dans 4,6% des cas
Visualisation de la loi de Benford sur le premier chiffre
Ce n'est pas une simple curiosité, mais une loi mathématique robuste. Benford formalise ce qu'on appellera désormais la « loi de Benford » (au grand dam posthume de Newcomb) : la probabilité qu'un nombre tiré d'une source naturelle commence par le chiffre d est égale à log₁₀(1 + 1/d)2.
QG de Zero Bullshit, 2025.
Encore plein d’années plus tard, Benjamin Charles analyse à peu près tout, et notamment les stats… des newsletters Zero Bullshit et A Free Lunch, mais aussi des posts LinkedIn. En regardant les nombres de likes, il s’aperçoit qu’une grosse partie commençait par 1. Après tout c’est logique, puisqu’il y a à la fois les 1x et les 1xx. Pareil pour les impressions, sauf que là, les premiers chiffres apparaissent de 1 le plus fréquent, à 9 le moins fréquent. Là encore, ça peut sembler logique par la double présence du 1, et la difficulté d’avoir de plus en plus d’impressions.
Mais il3 se rappelle qu’il s’était déjà fait la remarque en regardant ses notes de frais. Grâce à Dougs (à qui il a oublié de demander d’être sponsor cette newsletter), il extrait ses données comptables et découvre une étrange distribution. Qu’il teste ensuite sur la population des villes ou les longueurs des fleuves… Le miracle.
La loi de Benford appliquée aux chiffres INSEE des 36’000 communes françaises.
À l'époque, les découvertes restent confinées aux cercles académiques de mathématiciens. Benford publia ses résultats en 1938 dans les Proceedings of the American Philosophical Society, mais son travail ne suscita qu'un intérêt limité. Il faudrait attendre des décennies pour que son potentiel pratique soit reconnu.
Comprendre la loi de Benford en 5 minutes
Sans doute que j’ai déjà perdu les plus allergiques aux maths. Mais en réalité, pas besoin d’être Cédric Villani pour comprendre pourquoi, in fine, c’est logique.
Certes, notre esprit cartésien s'attend à une distribution uniforme : chaque chiffre devrait apparaître environ 11% du temps (en comptant le 0). Pourtant, la réalité est tout autre.
L’explication, c’est l’échelle logarithmique de la croissance. Et même si les mots font peur, c’est pas si compliqué.
Pour comprendre cette distribution, imaginez une entreprise qui croît de 10% par an.
Lorsqu'elle démarre avec 100K€, son chiffre d'affaires commencera par le chiffre 1 ;
Avec 10% de croissance annuelle, il faudra attendre 8 ans4 pour que son chiffre d'affaires atteigne 200K€ et commence par le chiffre 2 ;
Mais une fois ce seuil franchi, il ne faudra que 4 ans pour passer à 300K€ (et donc à un chiffre commençant par 3) ;
Et seulement 3 ans pour atteindre 400K€. etc.
En d'autres termes, si nous suivons la croissance de cette entreprise sur 30 ans, son chiffre d'affaires commencera par 1 pendant 8 ans, par 2 pendant 4 ans, par 3 pendant 3 ans, et ainsi de suite. Quand il atteindra 900K€, il ne restera qu'un an avant qu'il ne passe à 1M€ et recommence le cycle avec 1 comme premier chiffre.
C'est le principe de l'échelle logarithmique :
Pour passer de 1 à 2, il faut doubler (augmentation de 100%) ;
Pour passer de 2 à 3, il faut augmenter de 50% ;
Pour passer de 3 à 4, il faut augmenter de 33% ;
Pour passer de 8 à 9, il faut augmenter de seulement 12,5% ;
Cette propriété s'observe dans toute suite de nombres qui suit une croissance proportionnelle. Prenez une simple suite où chaque nombre est le double du précédent : 1, 2, 4, 8, 16, 32, 64, 128, 256, 512, 1024...
Sur ces 11 nombres, 4 commencent par 1 (soit 36%), 2 commencent par 2 (soit 18%), 1 commence par 3, 1 par 4, 1 par 5, 1 par 6, et 1 par 8. On retrouve approximativement la distribution de Benford.
Cette loi se vérifie dans un nombre assez étonnant de domaines :
Les données financières : bilans comptables, cours de bourse, montants de transactions ;
Les données démographiques : populations des villes, taux de natalité ;
Les données physiques : débits des fleuves, surfaces des lacs, hauteurs des montagnes ;
Les constantes scientifiques : masses atomiques, constantes physiques ;
Les données économiques : PIB des pays, inflation, indices boursiers.
Mais cela nécessite quand même quelques règles et amène des limitations pour quelques exceptions :
Les nombres attribués arbitrairement : numéros de téléphone, codes postaux, numéros de sécurité sociale ;
Les données contraintes par des limites humaines : tailles et poids des adultes (qui varient dans des plages restreintes) ;
Les données trop homogènes ou trop limitées en amplitude.
Et c’est justement l’incapacité des humains à générer du vrai aléatoire, ou à trop reste dans une répartition uniforme qui permet de détecter une fraude.
Prenons l’exemple d’une personne malhonnête qui invente des chiffres : elle a tendance à répartir les premiers chiffres de manière plus uniforme qu'ils ne le seraient naturellement. Au lieu d'avoir 30% de chiffres commençant par 1 et seulement 4,6% par 9, les données falsifiées montrent souvent une distribution plus équilibrée.
De même, les fraudeurs évitent souvent les chiffres ronds et privilégient les chiffres comme 53, 87, ou 29, qui semblent plus aléatoires à l'esprit humain. Par cette tentative même de rendre les chiffres plus crédibles, ils créent des anomalies statistiques détectables, avec une simple loi de Benford qui fonctionne sans même comprendre le contexte des chiffres analysés.
Et les autorités ont fini par le comprendre.
Un outil institutionnel
La pluie battante frappe les vitres d'un immeuble gris de Washington. Dans les bureaux de l'Internal Revenue Service5, des agents penchés sur des piles de déclarations fiscales et de listings informatiques scrutent chaque anomalie. Au mur, des courbes étranges, des statistiques, des pourcentages racontent une histoire invisible au profane. Nous sommes à la fin des années 1990, et dans ce département anonyme du fisc américain, une révolution silencieuse est en marche.
En 1996, alors que l'IRS commence ses expérimentations, le mathématicien et professeur de comptabilité Mark Nigrini publie un article fondateur qui va poser Benford au centre de la recherche de fraude67. Trois ans plus tard, il présente des tests statistiques précis, des méthodes d'échantillonnage, des seuils d'alerte et transforme l'intuition en méthode scientifique8.
Dans son petit bureau universitaire, Nigrini ne soupçonne pas qu'il est en train de changer à jamais le monde de l'audit. Les agents de l'IRS dévorent ses publications. Des séminaires sont organisés. Des procédures internes sont réécrites, aidées par l’arrivée massive de l’informatique. Les contrôles fiscaux, autrefois aléatoires, ciblent désormais les déclarations dont la distribution des chiffres trahit la manipulation humaine.
Le discours de la méthode
Un jour de printemps, Nigrini reçoit un appel du fisc américain. Ses méthodes ont permis d'identifier une fraude majeure. Puis un autre appel. Puis des dizaines. Son travail théorique sauve des millions de dollars aux contribuables honnêtes. Le monde académique rencontre la réalité du terrain, et la synergie est parfaite.
Parce qu’à l’IRS on avait bien compris que c’était magique, mais sans trouver de méthodologie. Nigrini l’établit clairement :
Sur les données
Se baser sur les états financiers de plusieurs années (5 ans ou plus), et observer les tendances
Se focaliser sur les postes clés : total des actifs, des passifs, des capitaux propres, notamment
Avoir au moins 1000 entrées pour que les résultats soient significatifs
Exclure les données artificielles ou déterminées par d’autres factures (codes postaux, numéros de téléphone etc.)
Sur l’application de la loi de Benford
First Digit Test9 : comparer la fréquence des premiers chiffres des valeurs comptables
Extraire le premier chiffre de chaque valeur financière.
Calculer la fréquence d’apparition de chaque chiffre (1 à 9).
Comparer les fréquences réelles avec les fréquences attendues selon Benford.
Identifier les écarts anormaux (exemple : une surreprésentation du chiffre 9 peut suggérer une manipulation).
First Two-Digit Test10 : affiner l’analyse en vérifiant la fréquence des deux premiers chiffres des valeurs comptables.
Extraire les deux premiers chiffres de chaque valeur financière.
Calculer leur fréquence et comparer avec la distribution attendue.
Identifier des anomalies (ex. : si "50" apparaît trop souvent, cela peut signaler une fraude).
Khi-Square Test11 : déterminer si les écarts observés sont statistiquement significatifs.
Calculer la valeur
Comparer avec une valeur seuil critique
Si la valeur est supérieure à la valeur critique, il y a une anomalie statistiquement significative, potentiellement liée à une fraude.
Bon ok, ça paraît vachement compliqué, mais en réalité, ça ne l’est pas : l’idée c’est tout simplement d’avoir en tête le diagramme de répartition de Benford, et de voir si nos chiffres amènent à la même chose ou pas. La méthodologie permet surtout de voir si, en gros, y’a une potentielle fraude ou pas, et si le test du Khi-Carré d’aller regarder les transactions qui causent l’écart, et d’appliquer les méthodologie habituelles en cas de suspicion de fraude.
La mainstreamisation
Dans les tours de verre de Manhattan, les grands cabinets d'audit s'intéressent à la méthode. Deloitte, KPMG, Ernst & Young, PricewaterhouseCoopers. La nouvelle circule dans les étages supérieurs, dans les départements de recherche et développement. Des séminaires internes sont organisés, des consultants spécialisés engagés.
Pourtant, l'adoption reste superficielle, non systématique. La méthode, bien que connue, n'est pas véritablement institutionnalisée dans les processus d'audit. Elle reste souvent un outil parmi d'autres, utilisé de façon ponctuelle par quelques auditeurs curieux, mais rarement intégré aux procédures standards. Une connaissance théorique qui peine à s'imposer dans la pratique quotidienne.
Cette réticence à pleinement adopter la méthode aura des conséquences dramatiques. Certains des plus grands scandales financiers des années suivantes auraient pu être évités si la loi de Benford avait été systématiquement appliquée. L'outil existait, mais dormait dans un tiroir pendant que les fraudeurs œuvraient librement.
L'audit traditionnel restait ancré dans ses méthodes d'échantillonnage aléatoire, de vérifications manuelles, d'intuition des experts. La révolution numérique promise par Nigrini et l'IRS peinait à s'imposer dans un milieu conservateur, attaché à ses méthodes éprouvées mais dépassées.
Des premiers cas d’usages
Arizona, 1992. Bureau du Trésorier d'État. Un gestionnaire détourne près de 1,9M$ en émettant des chèques à des fournisseurs fictifs. L'homme se croit intouchable, jusqu'au jour où un comptable applique la loi de Benford à ses transactions. Révélation stupéfiante : plus de 90% des montants frauduleux commencent par 7, 8 ou 9. Une aberration statistique flagrante. Le gestionnaire est arrêté, les preuves sont mathématiquement accablantes. C’est d’ailleurs ce cas qui aurait inspiré Nigrini.
Extrait des chiffres vérifiés12
Dans une banque américaine, un audit de routine révèle une concentration anormale de transactions commençant par 48 et 49. En remontant le fil, les enquêteurs découvrent un système ingénieux. Un agent bancaire complice faisait obtenir des cartes de crédit à ses amis. Ceux-ci accumulaient des dettes juste en dessous de 5K$, le seuil critique au-delà duquel une approbation supplémentaire était requise. L'agent effaçait ensuite ces dettes des livres comptables. La distribution anormale des premiers chiffres l'a trahi. La signature invisible de sa fraude était là, inscrite dans les nombres comme un aveu mathématique.
À Detroit, un contrôleur financier d'une entreprise pharmaceutique avait créé des milliers de remboursements fictifs. Malgré sa créativité pour varier les montants, la distribution uniforme des premiers chiffres criait la fraude. L'homme avait tenté de simuler le hasard, ignorant que le vrai hasard n'est jamais uniforme.
La méthode finit par séduire au-delà des couloirs de l'IRS. La Securities and Exchange Commission l'utilise pour détecter les manipulations comptables dans les sociétés cotées. Le FBI l'intègre à son arsenal contre les crimes financiers. Les compagnies d'assurance l'appliquent aux déclarations de sinistres suspects. La fraude à l'assurance, les prix falsifiés, les rapports financiers maquillés - tout peut être analysé avec cette méthode qui ne nécessite qu’une compilation de données dans un simple tableau.
Dans l'arsenal des détecteurs de fraude, la loi de Benford est devenue incontournable. L'approche statistique suit une logique implacable. Une hypothèse nulle : les données ne sont pas compromises. Une hypothèse alternative : les données ont été manipulées. Entre les deux, un test mathématique, le khi-carré, qui mesure l'écart entre la distribution attendue selon Benford et la distribution observée dans les données suspectes.
La beauté de cette méthode ? Elle fonctionne sans comprendre le contexte des données. Que l'on analyse des déclarations fiscales, des factures médicales ou des rapports de dépenses, peu importe. Les mathématiques détectent l'intervention humaine dans ce qui devrait être un processus naturel. En calculant simplement la différence entre les fréquences observées et les fréquences attendues, en élevant cette différence au carré, puis en divisant par le nombre de fréquences attendues, on obtient une mesure précise de l'anomalie.
Quand la valeur calculée dépasse un seuil critique prédéterminé, l'alerte rouge s'allume. Les experts se penchent alors sur les données avec un regard nouveau. La loi de Benford n'accuse personne directement – elle pointe simplement vers les zones méritant une investigation approfondie.
Qui aurait pu prévoir ?
S’il est toujours plus facile de revenir après coup sur une histoire pour la réécrire à l’aune de ce qu’on sait après son dénouement, il se trouve quand même que nombre de fraudes financières majeures auraient pu être détectées plus tôt. Et avec peu d’efforts.
Enron : l’illusion comptable.
Enron : le géant de l’énergie qui a dupé le monde entier. Derrière l’image d’une entreprise visionnaire, les chiffres racontaient une toute autre histoire. La fraude était omniprésente, sophistiquée, et pourtant, un simple regard mathématique sur les comptes aurait pu trahir l’arnaque.
Tout commence avec une journaliste. En mars 2001, Bethany McLean, du magazine Fortune, pose une question qui aurait dû alerter tout Wall Street : « Enron est-il surcoté ? » À l’époque, les analystes recommandent encore massivement le titre à l’achat. Pourtant, McLean pointe du doigt un modèle opaque, un endettement massif et des profits qui semblent sortis de nulle part. La réponse des dirigeants d’Enron est évasive. Trop évasive.
Ce que personne ne voit encore – ou ne veut voir – c’est que l’empire repose sur une montagne de sociétés-écrans. Plus de 2000 entités offshore, servant à dissimuler les pertes et gonfler artificiellement les bénéfices. Un jeu comptable qui transforme des dettes en actifs, qui fait passer des prêts bancaires pour des revenus. Andrew Fastow, directeur financier, orchestre ces montages avec une audace déconcertante.
Le mécanisme ?
Enron vend du gaz ou de l’électricité à une société écran ;
Cette société écran revend à une banque, sans livraison réelle ;
Enron rachète plus tard, à un prix légèrement majoré ;
Résultat : la banque verse immédiatement des liquidités à la société écran, qui les reverse à Enron, comptabilisées comme un revenu ;
La dette associée, elle, disparaît du bilan.
Autre tour de passe-passe : le mark-to-market accounting, qui consiste à enregistrer dès aujourd’hui des profits futurs, supposés réalisés sur la durée de contrats à long terme. Peu importe si, en réalité, ces profits n’arriveront jamais. Tout ce qui compte, c’est l’effet immédiat sur le cours de l’action.
Et pourtant, la loi de Benford aurait pu/dû signaler l’alerte. Une analyse forensique des chiffres d’Enron a révélé que les revenus comptabilisés ne respectaient pas la répartition normale des premiers chiffres. Trop de chiffres arrondis, avec une tendance notable à des bénéfices ajustés sur des paliers artificiels ($0.10, $0.20, etc.), un signe évident de manipulation intentionnelle. Enron a également manipulé son net income, une catégorie qui a montré une forte déviation par rapport à Benford pendant la période précédant sa faillite.
En janvier 2002, Arthur Andersen, le prestigieux cabinet d’audit qui couvrait Enron, et qui utilisait Benford depuis 15 ans, détruit en urgence 1,7t de documents.
Mais la vérité, elle, est inscrite dans les chiffres.
Quand la bulle éclate, il est déjà trop tard. L’effondrement est brutal. Les dirigeants avaient vendu leurs actions par millions avant la faillite : Kenneth Lay, Jeffrey Skilling, Fastow lui-même. Ils savaient. Les employés, eux, ont tout perdu. Les retraites, les économies, la confiance dans le système.
Toshiba : fraude à la japonaise
Le géant japonais de l’électronique, a admis en 2015 avoir surévalué ses bénéfices de plus de 1,2G$ sur sept ans. L’enquête a révélé que l’entreprise avait manipulé ses comptes dès 2008, en comptabilisant prématurément des revenus futurs et en dissimulant des charges.
L’application de Benford a montré que les anomalies comptables étaient détectables bien avant la révélation du scandale13 : les bilans financiers de Toshiba entre 2008 et 2014 présentaient une surreprésentation anormale des chiffres 5 et 6 en première position, signe de manipulation. Cette distorsion n’a été observée dans aucun autre grand conglomérat japonais à l’époque, ce qui aurait pu inciter à une investigation plus approfondie.
Et surtout, ces écarts apparaissent à partir de 2008, ce qui signifie qu’un audit basé sur cette méthode aurait pu détecter des signaux d’alerte sept ans avant que l’enquête officielle ne soit ouverte. Et que Benford permettait de voir la fraude dès la première année.
Pourtant, ce n’est qu’après l’effondrement de l’action Toshiba en mai 2015 que les auditeurs et les autorités ont commencé à scruter ces anomalies.
Cette fraude massive a conduit à la démission du PDG Hisao Tanaka et de plusieurs cadres dirigeants, et a nécessité une restructuration complète de l’entreprise, avec des suppressions de plus de 8 000 postes et la vente de certaines divisions stratégiques.
Valeant
Valeant Pharmaceuticals, souvent comparé à Enron pour son utilisation d’entités satellites afin de gonfler artificiellement ses revenus, a vu son cours de bourse chuter de 90% après l’ouverture d’une enquête de la SEC en 2015.
Une étude14 menée par Deutsche Bank a appliqué la loi de Benford aux états financiers de Valeant en 2013 et 2014, et a identifié l’entreprise comme étant dans les 5% les plus susceptibles d’avoir des irrégularités comptables parmi les sociétés analysées
L’analyse a révélé une surreprésentation anormale des chiffres 2 et 8 en première position, un signe typique de manipulation de revenus :
Un modèle basé sur Benford a classé Valeant comme ayant un risque comptable élevé dès 2013, bien avant l’intervention des régulateurs ;
Ces anomalies suggéraient que l’entreprise manipulait la comptabilisation de ses ventes et de ses coûts pour masquer sa véritable situation financière.
Ce modèle n’a pourtant pas été utilisé de manière préventive. La SEC n’a commencé son enquête qu’en 2015, et il a fallu attendre 2020 pour que Valeant (renommée Bausch Health) soit formellement inculpée pour manipulation comptable.
L’enquête a révélé que Valeant utilisait des specialty pharmacies comme Philidor pour enregistrer des ventes fictives et gonfler artificiellement ses revenus. En 2014, plus de 10% du chiffre d’affaires de Valeant provenait de Philidor, ce qui a permis à l’entreprise de masquer des baisses de ventes sur d’autres segments15. La société a également procédé à des hausses de prix spectaculaires sur des médicaments essentiels, parfois de plus de 500% en un an, pour compenser les coûts de ses acquisitions agressives.
Suite aux annonces de la SEC, la valeur boursière de Valeant est passée de 90G$ en août 2015 à moins de 10G$ en 2017. La société a été contrainte de vendre plusieurs filiales pour éviter la faillite et a dû payer une amende de 45M€ à la SEC en 202016 pour avoir manipulé ses états financiers.
Le Libor : des taux interbancaires manipulés
Le scandale du Libor en 2012 a révélé comment des traders de plusieurs grandes banques ont manipulé les taux d'intérêt interbancaires à leur avantage. Pendant des années, ils ont soumis des taux artificiellement ajustés pour maximiser leurs profits.
Pourtant dès 2005, Benford pouvait mettre en évidence des anomalies statistiques significatives17, suggérant une manipulation bien plus précoce qu’initialement suspectée. Une étude couvrant la période 2005-2008 a montré que les taux soumis présentaient des écarts systématiques par rapport à la distribution de Benford, confirmant un schéma récurrent de manipulation.
Les principaux écarts observés :
Surreprésentation des chiffres 5 et 0 en deuxième position, indiquant un manque de variabilité typique d’un marché compétitif ;
Écarts observés entre le Libor et d’autres taux de référence : alors que le Federal Funds Rate et les T-Bills suivaient la distribution de Benford, le Libor s’en éloignait nettement ;
Périodes prolongées de stabilité anormale du Libor, particulièrement entre août 2007 et mai 2008, où les taux restaient quasi constants alors que d’autres indices montraient une forte volatilité.
Sept ans avant, il aurait été possible de découvrir la fraude18, qui a conduit à des sanctions massives :
Barclays : 450M€ d’amende ;
UBS : 1,5G€ ;
Deutsche Bank : 2,5G€.
Les salades grecques
Avant son entrée dans la zone euro, la Grèce a falsifié ses comptes publics pour répondre aux critères d'adhésion de l'Union européenne. Avec l'aide de Goldman Sachs, le pays a utilisé des swaps de devises complexes pour masquer la véritable ampleur de sa dette. Une analyse19 rétrospective des chiffres budgétaires grecs a révélé des écarts significatifs par rapport à la loi de Benford.
Surreprésentation des chiffres 1 et 2 en première position, indiquant une possible manipulation pour arrondir artificiellement les déficits budgétaires déclarés ;
Déviation marquée des comptes grecs par rapport aux autres pays de la zone euro : les chiffres de la dette et du déficit présentaient des écarts bien plus prononcés que ceux observés dans d’autres économies européennes ;
Incohérences dans les soumissions de données aux autorités européennes, avec des ajustements significatifs des chiffres rapportés d’une année sur l’autre .
Si la fraude est avérée en 2010, il aurait été possible de détecter des écarts significatifs en 2001 et 200920, années correspondant respectivement à l’entrée de la Grèce dans la zone euro et à la révision des statistiques budgétaires.
Plus largement une étude appliquée aux données économiques de 27 pays de l’UE aurait confirmé que la Grèce affichait les plus grandes déviations par rapport à la distribution de Benford, et aurait dû donner l’alerte21. D’autant que la fraude était visible sur 130 indicateurs macroéconomiques par an sur 11 ans22 et ne concernait que les chiffres grecs23.
Lorsque la vérité éclate en 2010, la Grèce est au bord de la faillite, déclenchant une crise majeure au sein de la zone euro. La révision des comptes grecs par Eurostat a confirmé une sous-estimation du déficit de plusieurs points de PIB, déclenchant une perte de confiance des marchés et forçant la mise en place de plans de sauvetage successifs24.
Bien que la manipulation des comptes grecs ait été un secret de Polichinelle parmi les institutions européennes, l’application systématique de Benford à la surveillance budgétaire aurait pu rendre ces anomalies plus visibles et incontestables bien avant l’effondrement du pays25.
Back to Bernard
L’arnaque de Bernie Madoff repose sur une illusion d’une simplicité terrifiante : des rendements trop parfaits. Des performances boursières qui défiaient toute logique, s’élevant sans à-coup, année après année. Les investisseurs s’arrachaient ses placements, croyant à un génie financier capable de dompter les marchés.
Alors, est-ce qu’on aurait pu prédire le Ponzi de Madoff avant ? La réponse est sans ambiguïté oui, et de manière très simple. L’application complète de la méthode m’a pris quelques dizaines de minutes.
1 - Les données
Prenons un des derniers rapports d’un des fonds de Fairfield Sentry Ltd, distribué à des clients. Et regardons de plus près les performances.
En passant ça dans un tableur, on peut le dérouler mois par mois simplement.
Déjà rien qu’en faisant ça, un truc très inhabituel apparaît.
Performances du fonds de Madoff et du S&P500 de décembre 1990 à octobre 2008
Ce qui est étrange, ce n’est pas tant que le fonds dépasse cet indice pris arbitrairement… c’est qu’aucun indice et aucun fonds n’ont une progression aussi linéaire. Rien que ça aurait dû alarmer n’importe qui, mais ce point a déjà été longtemps documenté.
Parce que le fonds de Madoff utilisait une stratégie de split strike, dite également protective collar, qui permet de limiter les pertes. En gros26 :
Tu achètes des actions : si ça monte c’est bien, si ça baisse… t’as compris ;
Tu te protèges avec une option PUT comme assurance : si ça baisse trop, tu peux revendre à un prix minimum ;
Tu vends grâce à une option CALL : tu définis un prix maximum de vente, donc tu limites ton gain, mais tu prends une prime dès que tu signes ;
Donc forcément tout ça coûte un peu cher et limite fortement les performances… mais surtout cette stratégie est fortement dépendante du marché, et notamment du marché actions… puisque le fonds achetait des action du S&P10027.
2 - Application de Benford
Mais que dit Benford ? Eh bien… il est catégorique.
First Digit Test - La courbe bleue de Madoff ne semble pas cohérente avec les chiffres de référence de Benford (bâtons roses)
Second Digit Test - La courbe bleue de Madoff présente manifestement une anomalie statistique en 7.
First & Second Digit Test - L’anomalie de la courbe de Madoff est là encore flagrante.
S’il n’est évidemment pas possible de conclure à une fraude uniquement grâce à ça, ce petit calcul manuel fait en quelques dizaines de minutes, avec des données publiques et n’importe quel tableau, aurait du forcer n’importe quel régulateur à se poser la question.
D’autant qu’en refaisant le même travail après 5, 10 ou 15 ans de performance, on arrive au même résultat : il y a une claire anomalie statistique. Et plusieurs études ont montré que c’était le cas depuis pas mal d’années, et sur plusieurs fonds2829.
Des tests plus approfondis, notamment le Pearson’s khi-square et le Kolmogorov-Smirnov goodness-of-fit, appliqués aux rendements de Madoff, ont confirmé que ses données ne suivaient pas Benford. Les résultats de ces tests ont montré des écarts statistiquement significatifs par rapport aux distributions attendues, renforçant encore l'hypothèse d’une manipulation systém(at)ique 30.
L’utilisation de Benford aurait donc pu être un outil clé dans la détection de cette fraude monumentale. Pourtant, il ne fut pas le seul indicateur. D’autres signaux existaient : l’absence de transparence sur les transactions, la structure en feeder funds qui éloignait les investisseurs des véritables performances et le refus de Madoff d’être audité de manière indépendante. D’autant que plusieurs enquêtes ont montré que la SEC était au courant depuis des années, et qu’elle n’a rien fait.
Les chiffres, eux, criaient déjà la fraude. Si quelqu’un avait pris le temps de les écouter.
Une demi-panacée
Alors, est-ce qu’on aurait pu deviner les fraudes évoquées, et sans doute d’autres, bien avant ? La réponse est oui. Et vu les puissances de calcul astronomiques à disposition aujourd’hui, ça ne serait pas très compliqué ni pour des auditeurs, ni pour des régulateurs d’appliquer Benford.
Alors pourquoi ce n’est pas fait ?
Une des raisons majeures c’est sans doute que… tout le monde s’en fout.
Les nombreuses enquêtes faites sur Madoff ont démontré que la SEC avait été alertée bien avant les révélations. Et plus largement, il suffisait de regarder la courbe que j’ai faite plus haut… et qui était un des arguments commerciaux de Madoff, pour se rendre compte du problème. Pareil pour les comptes de la Grèce, dont tous les experts savaient qu’ils avaient faux. Un certain degré de complaisance existe face à la fraude. Parce qu’on veut y croire. Parce que c’est arrangeant. Parce qu’aller contre c’est beaucoup d’énergie.
Ce qui amène évidemment au deuxième problème : Benford est un outil, mais ce n’est pas la justice. Si la règle met en évidence des incohérences, il y a eu à coup sûr une fraude. Mais on ne peut pas s’arrêter là comme un neuneu content d’avoir été diagnostiqué TSA-HPI-TDI-diesel-injection : une fois qu’on a le diagnostic, il faut mettre en place une procédure pour le résoudre. Et en l’espèce, Madoff c’est 3 ans d’enquête. Un temps durant lequel la fraude peut d’ailleurs continuer, puisqu’on ne condamne évidemment pas quelqu’un sur la base de 2 courbes incohérentes.
Et puis il y a évidemment ce que Benford ne peut pas démontrer : une fraude pensée… par quelqu’un qui connait la loi de Benford. Alors amis régulateurs et auditeurs, la prochaine fois qu’un truc vous semble louche, mais que les chiffres sont cohérents avec Benford, demandez vous si votre audité est abonné à Zero Bullshit !
Je m’appelle Benjamin Charles, et je fais du conseil en branding, positionnement et création de contenus pour des entreprises de la finance, de l’immobilier et du web3.
👉 Me contacter, ou répondre à ce post : benj@mincharl.es
👉 Me laisser un brief pour un projet pro
👉 Prendre RDV en visio pour présenter un projet ou un service (300€ le call)
Tu peux t’abonner à mon autre newsletter gratuite A Free Lunch, qui résume l’actu finance-immo tous les matins du lundi au vendredi. Tu peux aussi la sponsoriser pour apparaître dedans, et avant regarder les stats et les formats.
Zero Bullshit propose désormais des formats de sponsorisations, pour des raisons expliquées ici.
Si toi aussi tu veux lancer ta newsletter ou prendre la parole sur LinkedIn, je propose désormais des accompagnements individualisés, sans bullshit, sans template tout fait, sans bootcamp.
Tu peux également soutenir le contenu via un don ou un abonnement, sans contrepartie.
Et évidemment tu peux me solliciter pour mes prestations de conseils en communication, branding, social média ou création de contenus.
Enfin tu peux toujours me suivre sur LinkedIn, suivre Zero Bullshit ou Mèmes financiers pour rigoler.
Securities and Exchange Commission
Parce qu’il adore parler de lui à la 3e personne et être le héros de sa propre newsletter
IRS, le fisc des États-Unis
A taxpayer compliance application of Benford’s law, Mark Nigrini, The Journal of the American Taxation Association, 1996
Réédité en 2001 sous le nom Digital Analysis Using Benford's Law: Tests Statistics for Auditors
The use of Benford’s law as an aid in analytical procedurs, Mark Nigrini, Procedures, 1997
The Detection of Fraudulent Financial Statements Using Benford's Law, Mark Nigrini, 1999
I've Got Your Number, Mark Nigrini, Journal of accountancy (American Institute of CPA's) - Vol. 187, Iss: 5, pp 79, 1er mai 1999
Application of Forensic Tools to Detect Fraud: The Case of Toshiba, Mehta & Bhavani, 2017
Will big data mining prove a top sleuth for investors?, Robin Wigglesworth, Financial Times, 21 avril 2016
The Valeant Scandal: Inside the Enron of Pharma, Mark Jolley, 22 novembre 2024
SEC Enforcement Report, 2020
Tracking the Libor Rate, Abrantes-Metz, Villas-Boas & Judge, 2008
The LIBOR Scandal: A Case Study in Financial Fraud, The Economist, 2012
Benford’s Law and the Greek Debt Crisis, Rauch et al., 2011
Benford’s Law and Macroeconomic Data Quality in the EU, Rauch et al., 2013
Fact and Fiction in EU-Governmental Economic Data, Rauch et al., 2011
How Benford’s Law Could Have Prevented the Greek Disaster, Hans Christian Muller, 2011
Fraud Detection with Benford’s Law, Tufvesson, 2021
Eurostat Report on Greek Fiscal Data, 2010
Greece Financial Crisis: Data Science Could Have Exposed Warning Signs, Timo Elliott, SAP, 2015
Merci à Adil A. pour l’explication, en vrai j’avais aucune putain d’idée de ce que c’était.
J’ai pris les perfs du S&P500 pour comparer plus haut parce que j’ai pas réussi à remonter aussi loin pour le S&P100 mais les données montrent sensiblement la même chose.
The Madoff Case: Quantitative Beats Qualitative, Douady, Abdulali et Adlerberg, 2009
Juan Chang Thesis, Chang, 2012
Applying Visual Analytics to Fraud Detection Using Benford’s Law, Tilden & Janes, Journal of Finance and Accountancy, 2012