💥SCPI : la bonne planque des conseils de surveillance ?
💡 Qui sont ces membres qui accumulent les mandats ? Combien gagnent-ils ? A quoi servent-ils ? Enquête.
En début de semaine, Amundi a fait trembler la planète SCPI en faisant baisser le prix de parts de 3 véhicules de 15%. Mercredi soir, BNP a voté en AG une baisse de 17% de la part d’Accimmo. J’en avais parlé sur LinkedIn il y a quelques semaines, et m’étais fait réprimandé par plusieurs professionnels, alors même que la différence entre prix de valeur et valeur de reconstitution s’approchait dangereux de la limite basse, et que les signaux marchés étaient fort.
A LIRE SUR LINKEDIN
👀 SCPI : sous les pavés, la crise
👀 Amundi : la chute spectaculaire
Voyant que les prix ne baissaient pas, l’AMF avait demandé aux sociétés de gestion d’évaluer leur parc. Lors d’une récente réunion de l’ASPIM, où un très grand nombre de gérants étaient présents, beaucoup ont milité pour annoncer des baisses à la rentrée, et idéalement en fin d’année.
L’objectif ? Avoir un prix réduire au 1er janvier, afin de gonfler artificiellement les rendements, puisque désormais, l’AMF oblige de communiquer sur un TDVM avec le prix de la part au début d’année, et non en cours.
On peut, a minima, saluer le courage d’Amundi et BNP d’assumer cette baisse dès maintenant.
Parce que si certains gérants se bornent (mais toujours entre -10% et +10%, évidemment) à dire que les loyers commerciaux sont indexés sur l’inflation, ils sont plafonnés depuis maintenant 2 ans.
Pire. Avec la chute des prix de l’immo de bureaux, certains biens sont devenus complètement illiquides, invendables, même en solde. Une grande société de gestion ne trouve pas preneur à 40M€ pour un bien acquis 180M€ par son véhicule phare il y a quelques années. Un offre à 20M€ est sur la table.
Mais pour cette première newsletter (que vous êtes déjà 450 à suivre : merci 😎), c’est un autre sujet SCPI auquel je me suis intéressé : les conseils de surveillance.
Tout commence il y a 3 mois en regardant des bulletins annuels. Sur 3 SCPI que je suis régulièrement, je découvre des noms identiques sur les conseils de surveillance. En creusant un peu, j’apprends que nombreux sont ceux qui se plaignent de ces cercles fermés, auxquels personne ne comprend rien, et qu’il ne semble pas facile de rejoindre.
J’ai donc voulu comprendre.
Cette enquête de plusieurs semaines a été particulièrement longue. J’ai épluché les rapports annuels des 2 à 3 dernières années des 111 SCPI ouvertes à la souscription (hors véhicules fiscaux, donc), pour extraire les 1’047 noms qui composent les conseils de surveillance, puis les budgets qui leur sont alloués. Avant d’interroger une quinzaine de personnes, CGP, gérants ou membre de CS.
Au programme :
👉 Un rôle discutable
👉 Des ultra cumulards
👉 Un pognon de dingue
👉 Et pas beaucoup de gonzesses
🔔Commençons par le début
Un conseil de surveillance est un comité non exécutif (il n’a pas de fonction dans la SCPI) dont la mission est de vérifier le bon fonctionnement d’une entreprise, afin d’en rendre compte aux actionnaires. Il est différent du conseil d’administration qui joue un rôle dans la stratégie ou l’orientation de l’entreprise. Le CS, lui, veille a posteriori, aux intérêts des épargnants, qui sont associés.
“D’abord il faut réunir le capital pour monter cette SCPI. Le plus souvent les premiers membres du CS font des associés fondateurs” m’explique un patron de société de gestion.
Quand La Française lance LF Avenir Santé le CA est constitué de La Française, d’une SCPI du groupe, et 5 salariés. Ils démissionneront ensuite pour laisser la place à 9 personnes détenant entre 2 et 160 parts, qui se sont présentés. Cette méthode, déjà utilisée pour au lancement de LF Les Grand Palais en 2020 permet d’aller vite.
Idem chez Log In de Theoreim, petite SCPI à 80M€ de capitalisation. Au CA de la SCPI lancée en octobre on retrouve :
Pythagore : SCI de Theoreim, représentée par Matthieu Urruty, lui-même DG de Theoreim et actionnaire de l’entreprise
Edouard Michot : représentant MCO Participations, sa holding, avec laquelle il a pris plus de 50% des parts (4016/8016) dans la société. Patron d’AssuranceVie.com,
il serait en partie à l’origine de la forte collecte du véhicule (et dePythagore) en 2022.
Gaëlla Hellegouarch, DG-associée le justifie :
“On a pris nos premiers investisseurs. En cas de conflit d’intérêt, les personnes concernées s’abstiennent”.
Elle avance également la charge de travail que cela représente qui découragent beaucoup. “C’est un travail long et difficile dès lors qu’on est consciencieux” m’explique un ancien président. “On n’est pas des béni-oui-oui” renchérit Patrick Kontz, habitué des CS. Hélène Karsenty, qui a présidé plusieurs CS pendant 40 ans, abonde dans ce sens :
“Il faut être ferme. Je ne suis pas gérante, mais je jette toujours un œil. Les associés savent qu’ils peuvent m’écrire à tout moment : ils ont confiance”
🤨Un poids, une mesure
Les gérants de SCPI expliquent souvent que leurs intérêts sont alignés avec les épargnants : s’ils gagnent, tout le monde gagne. Mais c’est plutôt faux.
Les sociétés de gestion sont nommées dans les statuts de la SCPI. Pour en changer : il faut changer les statuts. Leur mandat n’est pas renouvelé, à l’inverse du CS ou d’un syndic’ de copropriété, par exemple.
“Pourtant c’est pareil : leur métier c’est de gérer des biens qui ne leur appartiennent pas, pour les comptes de gens qui se sont mis ensemble pour les acheter”, analyse Mme. Karsenty
De manière générale, les épargnants gagnent de l’argent de 2 manières :
Les rendements, issus des loyers, parfois des ventes
Les plus-values, lorsque le prix de part augmente
Les sociétés de gestion, elles, accumulent les frais. Exemple chez Épargne foncière (La Française), la plus grosse du marché :
Commission de souscription : 9% TTC sur les parts
Commission de gestion : 12% TTC sur les loyers
Commission d’acquisition-cession : 1,25% HT
Commission de travaux : 3% HT
Cession de part : 150€ HT / vente
Ces dernières années, les SCPI ont eu des collectes record. Même 2023, pourtant pourrie, sera dans le top 10 ever des collectes. Cet argent (10mds€ en 2022) il faut le dépenser ! Parce que cette collecte, c’est le plus souvent des nouvelles parts, donc des rendements supplémentaires à distribuer.
C’est tout le problème des dernières années.
Un ancien de BNP Real Estate m’a raconté comment une jeune SCPI créée il y a 4 ans a dépensé des centaines de millions, en étant promenée par le promoteur qui refourguait ce que personne d’autre ne voulait. À l’intérieur même de la société de gestion, on avoue, en off et à demi-mot, que le patrimoine est mauvais.
Non seulement les intérêts des gérants ne sont pas alignés avec les associés, mais surtout, le CS n’est que consultatif.
“On peut regretter que le CS n’ait pas plus de pouvoir sur la gestion, puisque les biens appartiennent aux associés” confie M. Kontz, avant de déplorer que “les associés donnent pouvoir à la société de gestion plutôt qu’au président du CS.
Un avis partagé par tous les membres de CS interrogés.
🚩Un casting difficile
Si ce sont les actionnaires qui votent pour le CS, plusieurs connaisseurs m’ont confirmé que les gérants pouvaient pousser “leurs poulains”. Les raisons sont multiples :
👉 Beaucoup de SCPI ont de gros porteurs qui sont directement liés à la société de gestion (SCI, SCPI, OCPI, holding etc.)
👉 Certains ont également des actionnaires de sociétés sœurs (un assureur du même groupe)
👉 Les plus gros porteurs connaissent souvent la société de gestion et/ou le gérant, qui peut faire passer quelques consignes
“C’est vraiment un casting difficile”, me confie un gérant d’une grande maison, propos confirmés par un cofondateur de société de gestion :
“Il faut trouver des gens qui ont une expérience des CS pour éviter de perdre du temps, qui soient conciliants pour éviter de bloquer toute la SCPI, mais quand même challengeant pour qu’ils te préparent bien à ton AG”
Parce qu’un des rôles du CS, c’est d’écrire un rapport présenté en AG. Ça nécessite donc d’avoir quelques connaissances, mais d’anticiper d’éventuelles questions ou attaques.
“Pas besoin d’être un connaisseur de l’immobilier pour être un bon membre de CS. Mais je regrette que certains ne sachent pas lire un compte de résultat”, explique un président de CS aux multiples mandats.
Le CS permet aussi de récompenser ou d’amadouer. Mais également de sanctionner.
⏲Le précédent Cifocoma
En 2013, après un long conflit entre les conseils de surveillance de Cifocoma 1 et 2, et Uffi Ream (longtemps dirigé par Frédéric Puzin avant qu’il ne crée Corum), la SCPI rejoint Sofidy.
Entre 2011 et 2012, Uffi cherchait à se faire racheter. Les caisses des SCPI sont pleines, selon un membre du CS d’alors. Les gérants vont donc acheter “des merdes afin de présenter une belle gestion”. Uffi sera rachetée par Fiducial en juillet 2012.
Chez Sofidy, la situation ne s’améliore pas. Plusieurs actionnaires expliquent que le gérant a du mal à arbitrer sans perte, et continuer à acheter des biens peu performants. La secrétaire de l’ASPPSCPI, association représentant les épargnants, appelle Mme. Karsenty, forte tête qui a déjà sorti une SCPI de chez BNP. Elle prend la présidence de Cifocoma 2, et Charles Coulon celle de Cifocoma 1.
“À l’époque ils étaient partis avec les menaces de procès d’Uffi”, explique Mme. Karsenty
Fin 2016 Sofidy demande à ce que les statuts de la SCPI soit changés, parce que le gérant devant demander “son accord” au CS surtout des décisions, notamment d’achat-vente d’actifs. Les associés votent contre le 6 décembre. Deux semaines plus tard, Sofidy démissionne de son mandat de gestion.
En mars 2017, Xavier Parrain, alors secrétaire général de l’AMF, reçoit les 2 présidents. L’AMF rétorque qu’une vente d’actifs est un acte de gestion. Donc en dehors du rôle du CS.
“L’AMF n’a pas accepté nos statuts, très protecteurs pour les associés” déplore Mme. Karsenty
Le 1er juin Paref est désignée comme successeur dans une intense confusion : plusieurs membres du CS adressent des pétitions pour dissoudre le véhicule.
Ce qui finira par arriver en 2020. Dans un dernier courrier, le CS conclut :
“Depuis notre arrivée en octobre 2017, la fusion était à l’ordre du jour. Après étude, il s’est avéré que ce chemin judicieux était trop coûteux compte tenu de l’état actuel de votre SCPI.”
Ces CS très présents, c’est ce qui bloque Novapierre Allemagne depuis des années. Si La Centrale des SCPI écrit que le produit “a été victime de son succès”, il a surtout été victime de son CS. Pendant des mois, les membres du CS se sont battus contre une augmentation de capital, de peur d’éroder légèrement la performance. Les gros porteurs se font entendre. Le gérant abdique, ferme la collecte et ouvre Novapierre Allemagne 2.
Un proche du dossier lâche, amer :
“Les membres du CS ont bloqué le véhicule, pour leurs intérêts personnels.”
💰Un pognon de dingue
Les membres du CS peuvent être rémunérés pour leur travail (les jetons de présence) et leurs frais.
En 2022, 71 SCPI communiquaient sur la présence ou l’absence de jetons pour un total 1’152’339€ : 16’230€ en moyenne, soit 1’688€ par membre. Seules 7 SCPI expliquent ne pas en attribuer, dont Log In.
“On ne prend pas les gens qui ont trop de mandats, on a mis une limite d’âge et on a fait le choix de ne pas distribuer de jeton.” explique Mme. Hellegouarch de Theoreim.
A cela s’ajoutent 455’685€ de frais que j’ai pu tracer. Mais la majorité des SCPI n’indiquent pas les montants remboursés.
Par exemple, AEW fait la différence entre les jetons et les frais : pour ses 10 SCPI 24’800€ en moyenne de jetons et 11’838€ de frais.
Chez Allianz Pierre on se contentera d’une ligne “Rapports annuels, publicité légale et jetons de présence”. La facture est de 72’219€ en 2020, 95’348€ en 2021 et 117’815€ en 2022. Une augmentation de 63% en en 2 ans, sans explication.
La distribution, elle, a fait -1,25%, et le prix de part -1,31% sur la même période.
Son CS n’a rien trouvé à redire.
Est-ce bien raisonnable ?
Quand Corum fixe à 4’000€ ses jetons, Épargne Foncière (La Française), plus grosse capitalisation du marché, propose 67’125€. C’est 57’000€ chez BNP pour Accès Valeur et Accimmo, et 50’000€ chez AEW pour Fructipierre et Laffitte. Des chiffres qui semblent corrélés à la taille de la SCPI comme le montre cette distribution entre les jetons (hors frais) et la capitalisation (en M€).
Ils sont en constante augmentation depuis des années.
Chez Fructipierre (AEW) c’était 22’360€ en 2020 et 22’555€ en 2019. C’est 50’000€ en 2022. Soit 122% d’augmentation. Sur la même période, le rendement a baissé de 5,88%.
Même combat chez Laffitte (AEW) : les jetons passent de 30’000€ à 50’000€ sur 3 ans, tandis que le prix de part baisse de 37% et le rendement de 1%. Dans son rapport écrit en 2022, le CS s’étonne d’une collecte basse, mais indique que “les qualités intrinsèques de notre SCPI ne sont pas remises en cause” et parle même de “stabilité de notre patrimoine en matière de valorisation”.
En réalité l’immense majorité des CS ne remettent aucunement en cause les décisions du gérant.
Relativement aux parts de SCPI : les jetons sont énormes !
👉 12 SCPI (dont 3 La Française, 3 BNP) distribuent plus de 2’500€ par personne : 5’181€ chez Accimmo (BNP), 4’475€ chez Épargne Foncière (La Française). On arrive à 7’110€ chez Pierre Plus (AEW) de coût pour les actionnaires, si on ajoute les frais.
👉 En moyenne les jetons représentent le prix de 4,4 parts de la SCPI : 25 chez Accimmo (BNP), 14 chez France Investipierre (BNP), 11 chez Efimmo (Sofidy) et 10 chez Immorente (Sofidy).
👉 Les jetons représentent en moyenne le rendement de 114 parts : 665 chez Accimmo (BNP), 295 chez Investipierre (BNP) et 600 chez Sofiprime (Sofidy)
A l’inverse avec un prix de part à 15’300€, les 12’000€ de jetons de Immo Evolutif ne représentent que 0,1 part et 2,2 rendements de part. C’est d’autant moins sujet qu’il faut au moins 50 parts (765K€) pour être actionnaire.
Forcément les 23 SCPI accessibles à moins de 1’500€ laissent entrevoir un possible problème : elles proposent 5 fois la mise minimum et 130 fois le rendement minimum.
Les élus font-ils ça (uniquement) pour l’argent ?
🤑De belles primes supplémentaires
Il est difficile de faire une analyse complète tant les rapports sont différents. M. Kontz raconte avoir demandé il y a 10 ans “que la liste des candidats, avec le métier et le nombre de parts, soit dans le rapport annuel”. C’est chose fait, comme chez Amundi.
Mais c’est parfois beaucoup plus flou. AEW ne donne qu’une liste sans détail. En 2021 dans son rapport annuel, Aestiam indique que tous les mandats sont à renouveler. Puis l’acte dans un bulletin trimestriel sans donner de détail. “C’est néanmoins inscrit sur le bulletin de vote” précise un habitué des CS.
Pourtant c’est particulièrement instructif. Faisons un tour chez Valeur Pierre (BNP). Fin 2022 : 5 mandats, 23 candidats. On les comprend : le jeton moyen correspond au rendement de 182 parts. Les postulants possèdent 192 parts en moyenne.
Sauf que les revenus d’une SCPI sont fiscalisés comme des revenus fonciers (TMI + 17,2% de prélèvements sociaux, donc a minima 40-50%), alors que les jetons de présence sont soumis à la flat tax, soit 30%.
EDIT 28/07/23 18H22 : cette affirmation n’est pas juste. Depuis quelques années, le fisc attribue aux jetons la même fiscalité que les revenus SCPI, parce qu’ils sont issus de la même activité.
12 postulants sur 18 percevraient plus en jetons qu’en rendement de part !
Pareil chez Edissimo (Amundi) : les personnes physiques postulantes possèdent 622 parts en moyenne (valo : 127K€), pour environ 4’500€ de revenus. Les 1’129€ de jetons représentent donc en moyenne 25% de leurs revenus. En prenant une fiscalité grossière moyenne (TMI 30%), on arrive plutôt à 35% net de fiscalité.
A L'Oustal des Aveyronnais (Amundi) c’est 81K€ de parts pour 2’284€ de revenus, soit un jeton à 354€ qui pèse 15% de leurs revenus.
Accès Valeur (BNP) voit arriver 23 candidats pour 5 postes. Si certains noms commencent à devenir familiers, comme Jean-Luc Bronsart et ses 276 parts, certains sont de petits porteurs avec moins de 50 parts. Même constat chez l’autre gros distributeur de jeton de BNP qu’est Accimmo : 26 candidats pour 7 postes, avec une moyenne de capital détenu similaire… et des candidats communs. La moyenne d’âge des candidats est de 61 ans.
S’il ne semble pas y avoir de très petits porteurs, ou de gens qui n’achètent que quelques parts, un calcul sur une dizaine de SCPI qui communiquent le nombre de parts détenues par les candidats, amène à un jeton représentant entre 20 et 30% de revenus supplémentaires (hors frais).
Interrogé sur ces proportions importantes, M. Kontz abonde :
“On peut se dire que ce n’est pas normal. D’ailleurs, dans certaines SCPI, il y a un nombre minimum de parts à acquérir pour postuler au conseil.”
🙄Des conflits et des intérêts
On l’a vu, certains ne distribuent pas de jetons. C’est le cas d’Affinité Pierre chez Groupama qui ne rembourse pas non plus les frais. On y retrouve un retraité qui a investi 1’000€, mais également deux entités Groupama :
Misso, un assureur forêt ;
Et la Caisse Paris Val de Loire.
Un certain Eric Gelpe siège également à titre individuel. Cet actionnaire de 54 ans n’est pas n’importe qui : cet ancien DG du GAN a été patron de la caisse susnommée.
C’est également le cas de Thibault Delahaye, président du CS de Eurovalys, géré par Adevenis IM dont il a été… DG pendant 13 ans ! Il y siège avec Julien Ribes, dirigeant de MySCPI.com (qui siège régalement chez Sofidy Europe Invest).
Même combat chez Elysées Pierre (HSBC AM) où on retrouve une ancienne gérante du groupe, un ancien directeur commercial, et un gérant actuel.
Chez Allianz Pierre, c’est Allianz Vie qui préside, société sœur d’Allianz Immovalor, gérant. Le reste du conseil, dont la moyenne d’âge est de 73 ans, ne semble pas vraiment plus diversifié. On y trouve Marcel Dehoux, habitué des CS Allianz, député socialiste du Nord pendant 22 ans, en plus d’avoir été conseiller général (17 ans) et maire (24 ans). Un ancrage local l’a fait entrer dans plusieurs conseils d’administration de logement social, comme Mon Abri ou Habitat du Nord.
Près d’un tiers des SCPI analysées ont au CS des personnes ou des sociétés directement ou indirectement liées à la société de gestion. C’est sans doute plus, n’ayant pas eu la possibilité d’analyser les 820 personnes physiques et morales qui sont dans les CS.
J’ai également trouvé des distributeurs (plateformes, réseaux, etc., hors assureurs) et des CGP dans près d’un quart, sans avoir pu être exhaustif. Une présence qui ne gêne pas les membres de CS que j’ai interrogé.
Un acteur majeur de la distribution alternative confesse lui ne pas se sentir désiré :
“Les sociétés de gestion sont toujours un peu mitigées à l'idée de s'afficher ouvertement avec nous.”
Il évoque d’ailleurs un unfair avantage qu’ont les distributeurs et CGP en ”motiv[ant] nos clients à voter pour nous “. Un autre, patron d’une des grandes plateformes SCPI m’explique lui avoir été approché à plusieurs reprises pour siéger. Sa réponse est nette :
“Je refuse d'être au conseil de surveillance de SCPI. Je refuse d'être associé fondateur. Il y a un conflit d'intérêts majeur !”
D’autres assument, comme Raphaël Oziel. Conseiller en gestion de patrimoine, passé chez Sofidy et Linxea, il est présent dans 8 CS, dont Activimmo :
“J’ai débuté comme conseiller : quand on monte dans les strates, et qu’on te propose d’entrer, t’es honoré !”
Son conflit d’intérêt est généralement indiqué. Sur la page d’Activimmo, il écrit :
“Je suis parmi les associés fondateurs de cette SCPI et j'ai la chance d'être vice président du conseil de surveillance, j'ai donc pu la côtoyer de l'intérieur et je peux vous dire que votre épargne est entre de bonnes mains. Elle constitue l'une de mes SCPI coup de 🧡”
Ses communications ne laissent pas présager d’une préférence particulière pour un produit. Mieux : pour lui, afficher ce “prestige” c’est une manière “de [se] crédibiliser”. Il avoue avoir des ventes très faibles sur certains véhicules dont il est membre du CS. Un ancien gérant d’une SCPI milliardaire va dans le même sens : “Les CGP se servent du CS comme de la Légion d’honneur”.
Et si les 8 mandats peuvent sembler énormes (et M. Oziel confie trouver que c’est un très travail assez long), on est loin des spécialistes en la matière.
Les cumulards
Parmi eux, M. Kontz. Cet ancien gendarme de 68 ans est un habitué des CS depuis 20 ans.
“Je suis entré dans les CS pour suivre mes investissements. Je suis principalement dans des SCPI fiscales, mais je vais perdre pas mal de mandats suite aux dissolutions prochaines.”
Effectivement, M. Kontz a siégé ou siège toujours dans 25 SCPI fiscales d’AEW, Allianz, BNP ou encore La Française. Passé par Opus Real (BNP) et Crédit Mutuel Pierre 1 (La Française), il siège chez France Investipierre (BNP) comme président. Jusqu’à jeudi, il était vice-président chez Accimmo (BNP).
Fin 2022, il s’est également présenté au CS de Cap Foncières & Territoires, puis chez Altixia Cadence XII et Epargne Pierre (Atland). Sandrine Kontz, qui siège au CS de Ciloger 3 et 4, s’est également présentée chez Selectipierre 2 (Fiducial).
Sur les 111 SCPI analysées, 15 autres personnes physiques ont au moins 5 mandats actuellement en cours. Damien Vanhoutte, 72 ans, est présent dans 4 SCPI La Française, et 4 Périal. Gérard Baudiffier, 65 ans, est lui un fidèle du Crédit Mutuel. Président du CA de sa caisse locale, il siège dans 5 SCPI La Française, groupe Crédit Mutuel. Tout comme François Rincheval présent dans 5 SCPI du groupe. Sans compter les véhicules fiscaux.
M. Cattin, est lui au conseil de 8 SCPI, dont 5 gérées par La Française, et propose sa candidature chez Cap Territoire, Pierre Capital (Swiss Life), Allianz Pierre et Pierre Plus (AEW) :
“J’y ai pris goût. Ça me prend du temps, mais j’aime ça. Je le fais comme au Conseil municipal où je siège : je bosse à fond” m’explique-t-il.
Mais il existe 2 champions : Olivier Blicq et ses 13 mandats, mais surtout Jean-Luc Bronsart et ses 16 mandats, soit 14,4% des SCPI ouvertes à la souscription !
Ce cumul de l’extrême pose des questions, sur leur capacité, et leur intérêt à surveiller, surtout quand ils perçoivent quasiment autant de jetons que de loyers !
M. Blicq possède par exemple 10 parts d’Opportunité Immo, pour une valeur de 2’030€ rapportant environ 108€ / an. Avec un jeton autour de 1’050€, c’est 50% de revenus en plus. Fin 2022 il a postulé au CS de Logipierre 3, dont il détient 10 parts (16’000€) pour un jeton d’environ 430€. Sur le rapport de gestion de Crédit Mutuel Pierre 1, il affirme avoir 17 mandats CS en cours dans des SCPI.
M. Bronsart, 68 ans, est lui le champion toutes catégories : 2 présidences et 3 vice-présidences. Fin 2022, il postule chez Accès Valeur Pierre (BNP), dont il détient 276 parts (231K€) et déclare un total de… 48 mandats. Postulent également Jacques Morillon, 58 ans, et 11 mandats.
Parmi les 16 mandats en SCPI diversifiée de M. Bronsart, il m’a été possible de reconstituer la répartition de 8 investissements : 1’926 parts, valorisées 1,178M€ qui ont permis d’encaisser autour de 51’717€ en 2022. On le retrouve dans deux SCPI qui n’ont pas de jetons (Grand Paris et Urban Coeur Commerce) et chez Allianz Home dont le montant n’est pas précisé.
On peut estimer le montant des jetons perçus par M. Bronsart autour de 25’840€, soit l’équivalent de 71 parts de son patrimoine moyen, rien que pour 6 mandats sur la cinquantaine déclarée. Dans les SCPI où il a été possible de calculer ses positions, les jetons représentent en moyenne… 84% de revenus supplémentaires ! Chez Opus Real (BNP), où ses 7 parts lui rapportent 394€, il perçoit 3,4x plus en jeton. C’est 1,5x chez Opportunité Immo (La Française) où ses 68 parts distribuent 735€ en 2022 contre 1’136€ de jetons, hors frais.
Le reste des mandats de M. Bronsart se situe dans des SCPI fiscales, fermées à la souscription, et qui ne font pas partie des 111 véhicules de ma liste initiale.
Contactés, Ms. Blicq et Bronsart n’ont pas répondu.
🥂Petits jetons entre amis
M. Bronsart est par exemple président du CS d’Urban Pierre 3, qui ne distribue pas de jetons. Mais on le retrouve dans 3 véhicules fiscaux AEW, qui, eux, en distribuent :
👉 Président de Ciloger Habitat 2 (Scellier) : 22’500€ soit 1875€ par personne.
👉 Membre de Ciloger Habitat 4 (Duflot) : 13’500€ soit 1’125€. Il y siège d’ailleurs avec des habitués comme Christian Bouthié.
👉 Membre de Ciloger Habitat 5 (Pinel) : 15’000€ soit 1’250€. Dont M. Bouthié est président.
👉 Chez Multihabitation 2, c’est M. Kontz qui est président, et M. Bonsart secrétaire. Les 9 membres se partagent 9’000€, dont François Rincheval, multimembre de CS La Française. Et c’est pareil pour les versions suivantes.
👉 MH 3 (Robien) 9’000€ à 9, avec M. Kontz au secrétariat, et toujours M. Rincheval.
👉 MH 4 (Borloo) : cette fois M. Bronsart préside et M. Kontz est membre avec M. Richeval. Nouveauté : M. Blicq est secrétaire ! Toujours 1’000€ / personne.
👉 MH 5 (Scellier) arrive, et c’est M. Cattin qui devient président, M. Bronsart secrétaire. M. Rincheval est toujours là, ainsi qu’une flopée de noms déjà connus. Toujours le même budget.
👉 Pour MH 9, même combat : M. Cattin président, M. Bronsart secrétaire, et M. Blicq rejoint l'histoire. Nouveauté : seulement 6’000€ de jetons.
Sinon je ne cite pas les autres MH c’est parce que M. Bronsart n’y est pas : mais les autres oui, évidemment. Et c’est pareil (avec la même banque) chez Rénovimmo (La Française, 9’000€), Résidence Patrimoine (AEW, 10’000€ avec M. Bouthié), Atout Pierre Habitation 2 (AEW, 9’000€, avec M. Kontz) ou encore Fructirésidence (AEW, 10’000€, avec M. Bouthié) etc.
De l’aveu de tous, les véhicules fiscaux prennent moins de temps. M. Kontz regrette d’ailleurs que tous les biens soient déjà achetés au lancement des souscriptions. Mais “une SCPI diversifiée c’est beaucoup de boulot” affirme Mme. Karsenty.
Les cumulards peuvent-ils assurer un travail efficace et indépendant ?
Les réponses divergent. Plusieurs gérants qui ont été au contact de ces personnes parlent de membres “influents” “constructifs” “grandes gueules” “éloquents”.
“Jean-Luc Bronsart est le plus éloquent dans les conseils. Mais lui et les autres apportent vraiment quelque chose”, m’explique un CGP.
D’autres sources évoquent des membres dont on écrit parfois le plan sur rapport qu’ils ne font que signer. “M. Kontz commence à ruer dans les brancards” commente un fin connaisseur. Avant d’ajouter :
“Y’a pas de travail la plupart du temps. Ils viennent, ils mettent les pieds sous la table, et voilà.”
C’est peut-être la raison pour laquelle les membres de CS sont souvent âgés. Un habitué l’analyse comme ça :
“Une personne en activité va devoir prendre une demi-journée pour assister à une AG. Ça va bien une fois ou deux…”
Plusieurs professionnels y voient le syndrome des syndics : les plus âgés qui ont plus de temps s’occupent, rentrent dans les détails, tandis que d’autres sont contents que ça soit fait pour eux.
👩 Deeds not words!
Seuls 14% des grandes institutions financières mondiales sont dirigées par des femmes. Si SoGé et Crédit Agricole ont une femme parmi les DG, il n’y en a aucune chez BNP ou au Crédit Mutuel. Les chiffres des Comex du CAC 40 et SBF 120 ont montré que pour augmenter la part des femmes, la méthode la plus courante n’aura pas été remplacer les hommes… mais de faire des Comex plus grands. Aucune grande banque française n’est dirigée par une femme.
Les SCPI n’échappent pas à la règle. Déjà parce que les femmes sont minoritaires parmi les investisseurs, et dans la finance et elles représentent moins de 25% des effectifs. Pire : elles sont concentrées dans les RH (58% de femme), la compliance (34%) et le marketing (46%).1 Dans les postes de gérance, c’est 17%. Anne Rabant fait figure d’exception chez Amundi : la SCPI c’est un métier de bonhomme ! Et ça se ressent dans les CS.
Sur 1047 postes de CS, 108 sont occupés par des femmes (10,3%) mais seulement 78 (7,4%) par des personnes physiques, les autres étant mandataires.
Chez Astiem, c’est 3 femmes pour 34 postes. Pareil chez AEW, mais pour 114 membres ! 1 sur 58 chez Amundi. 0 sur 25 chez Atland. 7 sur 65 chez BNP. 3 sur 69 chez Fiducial. 8 sur 106 à La Française. 3 sur 62 chez PAREF. 2 sur 45 chez Primonial. Seul Sofidy fait mieux avec 10 sur 56.
👉 La moyenne est de 0,76 femme par CS
👉 51 SCPI n’affichent aucune femme au CS
👉 Plus de la moitié des femmes (42) sont au sein de 16 SCPI
Dont Inter Gestion qui fait figure d’exemple avec 2 SCPI où siègent 4 femmes sur 7 membres. Seule Sofipierre (Sofidy) s’en approche avec 40%, puis Optimale (Consultim) à 33%.
M. Kontz préfère dézoomer la situation :
“En 2020 c’était beaucoup moins ! Il y a de plus en plus de femmes qui postulent, et je constate que globalement elles sont plus ténues”
Autre analyse intéressante : plus la SCPI est grosse, moins il y a de femmes comme le montre ce graph’ de répartition.
Ça interroge grandement sur les SCPI se revendiquant ISR, soit environ la moitié des véhicules. ESG Pierre Capitale (Swiss Life), qui a quand même affiché son engagement jusque dans son nom, arrive à n’avoir aucune femme sur 8 membres. Son rapport s’ouvre sur SON président, et SON gérant. Au directoire de la société de gestion siège 1 femme sur 5 membres (marketing). Au CS de la même société siège 1 femme sur 8.
Et il y a des chances que rien n'bouge
Tous les gens que j’ai interrogés sont formels :
T O U T L E M O N D E S ‘ E N F O U T
Parce que si j’ai passé un temps infini à compiler les données pour les analyser, la plupart des conclusions étaient déjà connues. Les SCPI sont des véhicules vieillissants à la gouvernance datée. L’arrivée des sans frais ou des plateformes de distribution, notamment en cashback, ont rajeuni un peu le public.
Mais le gros du marché se ressemble : ce sont produits financiers où des sociétés de gestion dirigées par des vieux blancs en costard se gavent de frais, en faisant vendre à des intermédiaires qui se gavent de frais, des produits où personne ne comprend rien.
Les conseils de surveillance sont en partie gangrenés par des personnes qui ne sont pas au service de associés qu’ils devraient défendre, planqué au milieu de confit d’intérêts rarement soulevés. Se pose également la question de leur liberté d’action, quand leur avis n’est que consultatif.
Parce qu’en fait, le problème est peut être ailleurs.
Une société de gestion n’est payée que pour gérer le véhicule de ses associés. Elle n’est pas propriétaire de sa SCPI puisqu’elle en cède des parts. De fait, sa surpuissante, comme son mandat à vie, pose question. Peut-être qu’une piste de réflexion serait de changer les conseils de surveillance, consultatifs, en conseil d’administration, exécutif. Mais l’AMF semble prendre le chemin opposé.
En attendant, les gérants, et ce qu’ils ont dans les poches restent les seuls maîtres à bord.
Je m’appelle Benjamin Charles, et je suis du conseil en branding, positionnement et création de contenu pour des entreprises de la finance, de l’immobilier et du web3.
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Merci pour votre article.
pour info M. Bronsart se présente au CS Accès Valeur Pierre et déclare 31 mandats exercés sur d'autres SCPIs
Très bon résumé en fin d'article. (même si la SCPI reste le produit en immobilier 100% délégué le moins pire à ce jour imo).
Je rajouterai que les clients choisissent la SCPI pour ne s'occuper de rien, donc forcément ça laisse un peu les mains libres au gérant et autres.
Et je confirme pour les personnes "sans connexion" il est difficile de siéger au CS, peu importe votre expertise ou nombre de parts.