💥 Comment Polkadot a tenté de manipuler son cours ?
Entre sponsoring pété et publicité déguisée
Bonjour à tous,
Alors que certains assènent que le bullrun crypto vient de démarrer suite à l’élection de Trump, les vendeurs de pelles (et leurs affiliateurs) sont de sortie pour plumer les pigeons.
L’occasion pour moi de sortir cette newsletter qui devait sortir suite à celle de Blast. Mais à cause de l‘extrême violence de leur réaction, qui après un harcèlement moral durant plusieurs semaines, a abouti à un harcèlement judiciaire qui m’a amené pour la 3e fois au tribunal en 2 mois il y a 10 jours, je l’avais mise de côté.
Si certaines infos ont aujourd’hui quelques mois, le fond reste le même et permet de comprendre comment certaines cryptos sont entièrement manipulées, et de manière parfaitement illégale. Le tout sous couvert d’un écosystème qui préfère dire qu’il vaut mieux faire « ses propres recherches ».
Une des phrases préférées des complotistes.
Tu peux aussi faire un don ici. C’est libre, et surtout y’a pas Substack qui prend 10% et Stripe 3% 😅.
Avant de plonger dans le vif du sujet, j’en profite pour faire la promo de A Free Lunch, nouvelle newsletter quotidienne, du lundi au vendredi, qui résume l’actu financière, immo et économique, avec le même ton.
Sais-tu danser la Carioca?
Créée en 2016 et lancée vraiment en 2020, Polkadot n’est pas vraiment une blockchain. Ou en tout cas pas au sens où on l’entend dans la plupart des projets. Il s’agit surtout d’un protocole qui permet à des blockchains de communiquer ou d’échanger entre elles, ce qui n’est pas possible nativement.
Cette interopérabilité entre les chaînes est un problème qui a été détecté très tôt, dès lors que Bitcoin et Ethereum n’étaient plus les seuls sur le marché. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que derrière Polkadot, on retrouve Gavin Wood, qui, après être passé chez Microsoft, a cofondé Ethereum.
L’unité de compte de Polkadot s’appelle le DOT. Mi-novembre 2024, le DOT se vend autour de 4,9 $, et c’est l’une des rares cryptos majeures à avoir une performance YTD encore négative. Au plus haut de son cours, le DOT s’échangeait à plus de 50 $, mais malgré un rebond au S1 2024 lors de la timide reprise du marché crypto, le cours du DOT chute inexorablement depuis.
Reste qu’avec près de 7,5 G$ de capitalisation, Polkadot est la 18e plus grosse marketcap crypto. Certes, loin derrière Bitcoin (1743 G$), Ethereum (369 G$) et des bizarreries comme Dogecoin (54 G$), Shiba (14 G$) ou Pepe (8 G$), mais devant des projets qui ont beaucoup fait parler comme Uniswap (4,9 G$) ou Polygon (2,8 G$). D’ailleurs, il faudrait un jour que quelqu’un se penche sur ce gouffre sans fin qu’est Polygon…
Ce n'est pas un fox trot ou une polka
Les projets cryptos se lancent généralement avec un ICO, c’est-à-dire que les premiers coins sont vendus, souvent à un prix inférieur au prix de première cotation. Le plus souvent, un nombre défini de coins pourra être émis (la supply), et la manière dont seront distribués les coins est indiquée dans le livre blanc, avec une partie réservée aux fondateurs, aux mineurs , etc.
Bon, je te fais pas un cours de crypto, je suis pas aussi expert que Caroline Jurado, mais c’est juste pour avoir le contexte.
Ensuite, ces coins peuvent être achetés-vendus sur des exchanges comme Binance, qui anime un marché secondaire, et permet donc d’avoir une cote en temps réel. Cette cote est évidemment, comme pour une entreprise, très importante, puisqu’elle détermine à la fois l’intérêt et la santé présumée du projet pour les investisseurs… mais également la fortune de ses fondateurs (quand ils n’ont pas vendu comme des porcs, mais c’est un autre sujet).
Alors forcément, les gros porteurs comme les fondateurs ont tout intérêt à stabiliser le cours. Quitte à utiliser des moyens pas forcément hyper clean.
Ce n'est vraiment pas très compliqué
Il y a quelques jours, Trump a annoncé nommer Musk à la tête d’un Government Efficiency Department, que le communiqué officiel appelle DOGE. Une évidente référence au Dogecoin, mème crypto dont Musk a souvent fait la promotion, avec une manipulation évidente du cours. Comme la fois où il a mis le chien, mascotte de la blockchain, à la place de l’oiseau sur Twitter. Le cours avait bondi, tout le monde imaginant que Musk pourrait en faire une monnaie sur sa plateforme sociale.
Est-ce qu’il en a lui-même profité ? Aucune idée.
Mais étrangement, deux whales (DDUX et D8ZE) ont accumulé du Dogecoin jusqu’au 4 avril 2023, avant de subitement revendre dans la journée, quelques heures après l’annonce du changement de logo annoncé par Musk.
Ces mêmes adresses ont massivement racheté du Dogecoin depuis quelques jours, notamment D8ZE qui est devenu l’un des plus gros porteurs avec 3,1G$ pour 54,1G$ de marketcap1. Fait particulièrement étrange, l’intégralité de l’accumulation a eu lieu juste avant la publication du communiqué de Donald Trump mentionnant le terme DOGE.
Soit le détenteur de ces adresses est très très chanceux, soit il est très très informé.
Et il en a profité pour déjà prendre quelques profits.
Pour la comprendre suis bien mes pas
Mais pour qu’un cours reste stable, il faut également créer de l’enthousiasme, le fameux FOMO2. Le problème c’est qu’entre les ICO foireuses et les arnaques, la réglementation est déjà très stricte pour les cryptos, et la plupart des canaux traditionnels, notamment publicitaires, sont interdits. Même Twitter, pourtant racheté par Musk, n’autorise pas les publicités pour les cryptos3.
C’est pour ça que la plupart des budgets partent dans les médias spécialisés, et surtout les influenceurs. Et là, c’est un sacré bordel parce que l’éthique est, disons… discutable.
Budget de Polkadot au T2 2024
Au T2 2024, Polkadot a dépensé près de 37M$ en marketing. Cela comprend par exemple le sponsoring maillot de l’équipe de MLS de Miami signé après que le FC Barcelone a refusé l’offre de Polkadot en 2022.
Sans sponsor (visible sur le maillot) pendant longtemps, le FC Barcelone avait signé en 2016 un contrat de 5 ans à 60M€ / an avec Rakuten, renouvelé un an de plus, avec un autre sponsor sur l’épaule : Beko. Ce dernier ayant mis fin à la collaboration en 2021, la place était vide. Et Polkadot l’aurait bien récupéré.
La fondation qui gère la blockchain a fait fuité l’information dans la presse disant qu’elle serait sponsor de l’équipe. Sauf que Spotify avait déjà signé un partenariat, incluant le naming du stade. Le chiffre de 100M€ sur 5 ans avait même été annoncé.
Selon une source proche du deal de l’époque, Polkadot aurait en réalité été écarté très vite, et le montant proposé était très inférieur à 20M€ / an, et même inférieur à ce que Beko avait proposé lui. Selon cette personne :
« Polkadot n’a jamais eu ni les moyens ni l’intention de sponsoriser le Barça, mais simplement la volonté de se faire un peu de pub. »
Ce qui a fonctionné, vu la centaine d’articles qui relayent le sujet, expliquant qui est Polkadot, sans visiblement jamais avoir vérifié l’information.
Ce n'est pas un tango ou un cha-cha
Mais le 2e plus gros post de dépense pour le T2 2024 derrière le sponsoring c’était les influenceurs. Et si on a eu nombre de scandales dans notre pays sur ce sujet, alors que les lois sont assez strictes, imaginez le bordel dans des pays très libéraux.
Polkadot travaille avec Lunar Strategy, qui accompagne également Immutable, MultiverX ou encore Oasis sur ses KOL4. Il s’agit en réalité de payer des gens… pour qu’ils disent du bien de Polkadot. Sans le mentionner.
Facture de Luna Strategy à Polkadot pour février 2024
J’ai pu consulter deux briefs différents, un pour Polkadot et un pour une autre marque accompagnée par Lunar, qui disent clairement qu’il n’y a pas besoin de mentionner le fait qu’ils soient payés.
En mai et juin, 16 personnes sont payées, principalement pour publier. Pour deux d’entre eux, il n’a pas été possible de retrouver des publications, soit parce qu’elles n’ont pas été faites, soit parce qu’elles l’ont été sur des plateformes plus discrètes comme Discord ou Telegram.
Aucun ne dit que c’est une publicité. Un seul parlera de « collaboration » sans expliquer qu’il est payé (et uniquement dans la description d’une ancienne vidéo YouTube). Ni par qui.
Autre facture, destinée à la campagne de juin 2024
Pourtant, tous parlent de Polkadot AI, projet lancé mi-avril. Avant ce lancement, aucun article ou influenceur majeur n’avait parlé du projet. D’ailleurs, près de la moitié des 16 influenceurs n’avaient jamais parlé de Polkadot avant. Un seul en avait parlé plus de… deux fois.
Mais leurs conseils sont sans équivoque, et ils vont tous publier entre 3 et 9 fois.
Tel Pillows de met par exemple à analyser subitement le DOT et à faire des prévisions de cours à ses 137K followers. Il n’a reparlé de DOT qu’une seule fois depuis, le 5 octobre… à la même période que plusieurs de ses petits camarades.
Même combat chez Samuel Xeus qui fait la même promo pour Polkadot AI puis fait un lien avec les RWA5, qui était la grosse tendance de l’époque. Il n’avait jamais parlé de DOT avant, et n’en parlera plus après juillet.
Ces threads et messages sont lus des millions de fois et utilisent tous les mêmes arguments (qui sont, au passage, ceux du brief), de sorte qu’il est impossible que ces termes soient le fruit de leurs propres réflexions. Surtout que la cadence en deux temps (IA, RWA) est très marquée, et s’effectue à des périodes identiques.
Mais surtout, ces réflexions sont mêlées aux contenus habituels. À aucun moment il n’est possible de comprendre que ces gens sont en train d’écrire ce qu’on leur a demandé d’écrire.
Par exemple, 0xFinish va, à trois reprises, expliquer pourquoi le DOT est un gamechanger pour les RWA.
Il s’agit tout bonnement de publicité déguisée, destinée à manipuler artificiellement le cours du DOT.
Je ne vais pas publier l’intégralité de la cinquantaine de tweets, parce qu’ils sont quasiment tous identiques, mais l’opération est édifiante, tant sur le fond que sur la forme.
Encore moins une bossa nova
Les conséquences sur le cours ne sont pas très claires, puisque la courbe ne montre pas vraiment une pente montante, et le volume de transactions est relativement stable sur la période.
Plus largement, les 37 M$ de marketing ne semblent pas avoir eu un impact considérable, et il n’est pas difficile de comprendre pourquoi. En réalité, Polkadot a utilisé son budget comme une entreprise traditionnelle alors que son produit ne l’est pas, tout en s’appuyant sur des influ-mythos, probablement occupés à multiplier des prédictions et analyses pour lesquelles ils sont payés.
Sauf que Polkadot tourne en rond depuis longtemps, ne tient pas ses engagements, et son potentiel de gain reste bien inférieur aux smallcaps prisées par les gogos qui s’imaginent devenir milliardaires en quinze jours (ceux-là feraient bien de lire Caroline Jurado, elle, elle sait).
Ce type de projet aurait dû tenter de convaincre des builders afin que l’usage soutienne le cours, et non espérer l’inverse.
Mais plus largement c’est une sacrée réponse aux neuneus qui hurlent DYOR6 après avoir donné un conseil en investissement en disant que ça n’en est pas un. Cette maxime crypto, c’est d’la merde.
Quand tu te renseignes sur un projet ou une information, tu ne lis JAMAIS la source directe. Parce que lire un communiqué de presse, une publication scientifique ou un white paper, c’est chiant, technique et souvent non vérifiable. C’est pour ça que la plupart des gens se contentent de sources secondaires : médias, influenceurs, ou autres.
Le problème, c’est qu’en crypto, les publicités et les avis soi-disant objectifs et rationnels sont mélangés. Et précisément, quand tu DYOR, c’est sur eux que tu tombes.
Si tu avais DYOR sur le DOT en mai-juin, tu aurais vu un certain engouement lié à l’IA et aux RWA, soutenu par des personnes reconnues. Et donc tu aurais conclu que les signaux étaient plutôt positifs. Alors que tout était faux.
D’autant que ce n’est pas spécifique aux US. Il y a quelques jours, Hugo Penazzo (qui m’a bloqué depuis, après avoir supprimé son post) chouinait après avoir été banni d’Instagram (tout comme Caroline Jurado). Il expliquait avoir perdu un gros canal d’acquisition, “juste” pour avoir parlé de crypto. Oubliant au passage qu’il fait sa comm’ avec des vidéos comme “gagner 8200$ en 7 jours” tout en mettant des liens d’affiliation (pas toujours déclarés) vers une plateforme sur la liste noir AMF, sans jamais parler des risques. Même combat pour Caroline Jurado dont j’ai évoqué le cas à plusieurs reprises.
Mais ce même Penazzo a publié il y a quelques semaines une vidéo sur TikTok où il explique comment blanchir des fonds et éviter l’impôt. Alors certes la méthode est encore plus stupide qu’illégale, mais ça doit fait réfléchir sur la fausse indépdence des conseils et des recherches. Et plus largement sur le rôle de l’écosystème sur l’adoubement (ou le chevaliérisation, c’est plus classe) de ce type de créateurs.
Tout juste pourra t’on se féliciter que quasiment aucune entreprise française ne semble travailler avec ces personnes. Et en tout cas aucun PSAN.
Comme dirait Alain, « C’est déjà ça ».
Je m’appelle Benjamin Charles, et je fais du conseil en branding, positionnement et création de contenus pour des entreprises de la finance, de l’immobilier et du web3.
👉 Me contacter, ou répondre à ce post : benj@mincharl.es
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Au 15 novembre 12H00
Fear of missing out
En tout cas y’a encore quelques mois, j’ai la flemme de revérifier.
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