💥 Classements : l'usine (lucrative) à bullshit
Comment les prix manipulent l'opinion à grands coups de conflit d'intérêts.
Bonjour à tous,
Depuis un petit moment, j’avais le sujet des classements de produits financiers dans des notes, comme pas mal d’autres sujets, sans jamais l’avoir entièrement traité. Et puis cette semaine est arrivé un énième classement d’influenceurs, parlant finances personnelles et immobilier, dont l’un des leaders achète likes et commentaires depuis le lancement de son compte.
Voici donc l’occasion de faire un point plus large sur ces classements et breloques en chocolat, dont personne ne veut jamais dire qu’ils sont pourris , par peur de ne plus y figurer. Et pour mieux comprendre les conflits d’intérêts qui amènent pourtant des entreprises ou des particuliers à prendre des décisions.
Let’s deep dive.
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🧑🎓The Graduate
Les classements ont toujours existé. Qui a fait le meilleur film de l’année ? Qui a écrit le bouquin le plus cool ? Qui a couru le plus vite ? Qui a le mieux servi des burgers ? Qui a fait le plus la paix dans le monde ? Et j’en passe, et pas que des meilleurs.
Historiquement, les classements servent à deux choses.
Récompenser un travail ou un effort ;
Mettre en valeur une personne auprès d’autres gens.
Le premier est surtout utile pour la personne. Alors, certes, être champion olympique du 100m amène des sponsors et de l’argent. Mais c’est plutôt la gloire qui est célébrée. À l’inverse, la liste du Time ou celle des merveilles du monde sert principalement à distinguer des gens afin de proclamer au monde entier : « Regardez, ces gens sont intéressants ».
Plus le prix est prestigieux et reconnu, plus les conséquences seront importantes. Par exemple, un prix Nobel rapporte 11M de couronnes, soit 950K€, mais c’est surtout un énorme accomplissement. Cela dit, il arrive souvent en fin de carrière, à l’inverse d’une Médaille Fields qui récompense souvent des chercheurs plus jeunes, leur offrant alors de nombreuses opportunités de subventions.
Dans la culture, certains prix ont un impact rapide sur les ventes. C’est souvent le cas des films palmés à Cannes (moins aux César ou aux Oscars qui arrivent bien après l’exploitation commerciale). En littérature, les Goncourt, Renaudot ou Fémina sont d’énormes accélérateurs. En moyenne, un Goncourt se vend autour de 508K exemplaires. Et c’est rarement en dessous de 400K.
Parce que ces classements mettent en lumière un produit ou une personne, ils leur confèrent une caution et sont donc un facteur de choix.
Mais est-ce vraiment fiable ?
🎱 Moneyball
Les classements de produits financiers sont évidemment aussi vieux que les produits financiers, mais il y a eu un basculement il y a une quinzaine d’années, que décrit un patron de société de gestion immo :
« Étonnement, une société de gestion leader aujourd'hui gagnait des prix dans les années 2010 mais n'allait parfois pas les chercher, et donc ne communiquait pas. Ils ont changé d'avis semble-t-il. »
Effectivement, ces dernières années, la plupart des vainqueurs fait, a minima, une publication LinkedIn, un article blog ou une newsletter sur leurs prix. Cela permet de valoriser la marque, de faire plaisir au gérant, aux investisseurs, et surtout de rassurer les prospects.
Pour autant, personne (en interne) n’est vraiment dupe sur la valeur réelle, et les prix traînent généralement sur une armoire au service marketing ou gestion.
Selon un autre patron de société de gestion, il y a 3 types de prix, classés par méthodologie, de la moins solide à la plus solide :
« Les prix de CGP, les prix donnés par des jury (mais qui sont ces gens ?), les prix de rédaction de canards. »
Les CGP1 ont forcément un gros conflit d’intérêt. Sachant que l’immense majorité d’entre eux ne sont payés que via les rétrocommissions des gérants, leurs conseils, avis et classements sont grandement téléguidés. De nombreuses sources mentionnent des campagnes de lobbying (gentillettes, mais bien réelles).
Les jurys sont souvent plus indépendants, mais très mixtes. Parfois ce sont des journalistes, parfois des pros. Mais quand on voit des journalistes spécialisés en patrimoine parler de « SCPI sans frais » pour désigner des véhicules sans frais de souscription, ou cette cheffe de service patrimoine à qui un gérant a dû expliquer la différence entre TOP et TOF2 alors qu’elle a elle-même fait partie d’un jury, la légitimité et la méthodologie de ces jurys posent question.
Quant aux médias, les classements sont très différents, avec des méthodologies parfois discutables, parfois inexistantes, mais souvent plus solides. Plusieurs professionnels ont cité les classements du Revenu comme étant sans doute les mieux faits.
S’il est forcément plus facile de refaire le passé par le prisme de ce qu’on sait après, il est quand même intéressant de voir ce que donnaient les classements et comment ils ont pu induire en erreur les épargnants.
Prenons par exemple La Centrale des SCPI, plateforme de distribution. Son classement 20213 n’était qu’une liste en fonction des rendements de 2020. C’est un indicateur assez médiocre, mais vu que les nouvelles SCPI ont des rendements très supérieurs (à la fois parce qu’elles ont besoin de collecter et parce qu’elles peuvent plus facilement déployer sur des petits montants), cela fonctionne bien. Mais en 2022, le classement devient plus large. On retrouve alors PF Hospitalité Europe, en tant que challenger en santé, mais surtout Eurovalys et Novapierre Allemagne, qui ont tous connu des baisses notables en 2023. Ce même PF Hospitalité, toujours présent dans le classement 2023 publié fin 20224, moins d’un an avant une baisse de 9,5 %.
Mais si la baisse a été actée en septembre 2023, les évaluations avaient eu lieu durant l’été et faisaient suite à la hausse des taux qui durait depuis plus d’un an. Bien avant la publication d’un classement qui, visiblement, n’en avait nullement tenu compte. Pas plus que de la qualité du parc immobilier.
Ces classements (qu’on retrouve sur MeilleureSCPI5, France SCPI6 et ailleurs) n’ont pas grande valeur puisqu’on ne connaît pas vraiment leur méthodologie, et qu’ils semblent surtout liés au rendement. On peut juste s’étonner que des professionnels de la SCPI n’expliquent pas plus longuement que le rendement n’est pas le seul indicateur à prendre en compte. Ni même, et c’est pourtant une obligation légale, qu’il n’est un indicateur fiable des performances futures.
Mais en lisant le site de ces mêmes distributeurs, on trouve d’autres palmarès, beaucoup plus intrigants.
🍃Autant en emporte le vent
En octobre 2022 MeilleureSCPI publie sur son blog Le classement des SCPI prometteuses 2022 des Victoires du Particulier7. Par Particulier, il faut comprendre qu’on parle du journal créé en 1949, qui appartient au Figaro depuis 2009 et qui est surtout une sous-rubrique de LeFigaro.fr. La version papier, qui circulait à un demi-million d’exemplaires dans les années 2000, ferait aujourd’hui moins de la moitié.8
Le distributeur diffuse ce palmarès en tant que partenaire du classement, aux côtés de Rock-n-data, une autre plateforme pour les pros qui appartient au même propriétaire que MeilleureSCPI.
Pour le coup, la méthodologie est indiquée et les trois SCPI (ActivImmo, Neo, Eurion) semblent cohérentes, même si on sent encore une prime au rendement. Mais c’est une méthodo assumée, et le rendement reste évidemment un objectif.
Mais alors, qu’en est-il des années d’avant ? Eh bien… Pour celui-là comme pour les autres dont on va parler, il a été très compliqué de retrouver l’historique des classements. La plupart ont tout simplement disparu. Certains ne semblent même pas avoir été publiés entièrement, au point qu’on se demande à quoi ils peuvent bien servir. Tout juste trouve-t-on quelques traces, avec des classements incomplets.
En 2020, on trouve la trace (toujours pour ce même classement) de Corum Origin, Accès Valeur Pierre📉9, Novapierre 1. En 2022, c’est carrément « L’École des Fans » avec 20 SCPI récompensées sur la petite centaine de véhicules existants : Cristal Rente, Novapierre Allemagne📉, Foncière Remusat📉, Actipierre 1📉, Actipierre 2📉10, Corum Origin, Épargne Pierre, Cap Foncières et Territoire, Corum XL, Immorente, LF Opportunité Immo, Foncières des Praticiens, Logipierre 3, Atream Hôtels, Épargne Foncière📉, LF Grand Paris Patrimoine📉, PF Grand Paris📉, LF Europimmo📉, Unidelta📉. Soit la moitié de mauvaises recommandations, alors même que le marché était déjà en train de se retourner.
Comment, en octobre 202211, alors que les taux sont déjà en train de monter rapidement, peut-on mettre Épargne Foncière📉, PF Grand Paris📉 et Grand Paris Patrimoine📉 sur le podium du bureau, en indiquant que 50% de la note représente les « perspectives », soit « plus-value potentielle, stabilité des dividendes versés, du taux d'occupation financier (TOF), du report à nouveau et niveau d'endettement » ?
En septembre 2023, le palmarès lunaire consacre même AEW Paris Commerces📉12, alors même que le gérant a fait chuter la majorité de ses fonds durant l’année, que le fonds est issu d’une fusion dont certains véhicules étaient à la dérive, que le marché secondaire est saturé, que le passif d’exploitation est en hausse, que la valeur de réalisation s’effondre (-8 % en 3 ans), que la valeur de reconstitution est passée de 429 à 395€ en 3 ans, que le TOP s’effondre à 90% et le TOF en dessous de 95%. Et même histoire en 2024 : malgré les baisses foudroyantes, la même SCPI est sacrée13 avec une note de 16,64/20, loin devant Cristal Rente (9,70/20, 6e, notée 11,64/20, 3e en 2023).
Visiblement, Le Particulier est parfaitement conscient du problème. Au point que tous les classements 2022 ont disparu. Pour retrouver les prix de Épargne Foncière, Grand Paris Patrimoine ou PF Grand Paris, il faut chercher dans les articles du web14. Peut-être parce que Le Particulier conseille également Pierre Capitale, Primovie📉, Accès Valeur Pierre📉, Rivoli Avenir Patrimoine📉, Accimmo📉, PFO2, Eurovalys📉 ou Interpierre📉 (devenu Hexa) via de bonnes notes15.
Les liens de 2022 renvoient désormais vers le classement 2023, et les articles de 2022 ont totalement disparu du site.
Ces récompenses sont régulièrement mises en avant par les sociétés de gestion (en SCPI, en assurance-vie, en PER, etc.).
Page de AEW Paris Commerces📉 sur le site de AEW Patrimoine
Par exemple, le site de Primopierre📉, SCPI qui a causé le plus de pertes pour ses associés, affiche un 1er prix au Grand Prix des SCPI 2020 décerné par Mieux Vivre Votre Argent, et le Prix de la Performance SCPI Bureaux à capital variable (ouf) 2021 aux Pyramides de la Gestion de Patrimoine, d’Investissement Conseils.
Là encore, il est quasiment impossible de retrouver les palmarès, qui ne semblent diffusés nulle part, sauf par les récipiendaires. Mais j’ai pu me procurer le classement 2021 d’Investissement Conseils, qui fait pas moins de 32 pages, et récompense plus d’une centaine d’acteurs.
Un autre patron de SDG16, qui gère un demi-milliard d’immobilier, avance une explication :
« Tout le monde gagne ! La plupart des trophées ont 20 ou 30 catégories différentes pour être sur que toutes les sociétés en gagnent au moins un. »
En 2021 chez Investissement Conseils, on apprend notamment que La Financière de l’Échiquier remporte la Pyramide des conseillers à la place de H2O AM😅. Côté innovation, nulle note sur un Moniwan, qui permet de distribuer en direct des produits avec cashback, mais plutôt les éternels produits à frais éligibles sur un support ou un autre. Côté SCPI, BNP Reim repart avec deux prix, dont un pour Investipierre📉, Corum en prend un pour Origin, et Primonial en gagne un pour Primopierre📉 et un pour Capimmo📉. Sa SCI, qui va donc s’effondrer en septembre 2023. Onze autres prix sont décernés, en plus des 2e et 3e places. Pas vraiment un classement visionnaire.
Et non seulement les élus sont légion… mais les classements aussi. En plus de ceux déjà cités, on retrouve :
Les Couples de l’Audace (Agefi), qui nécessitent un envoi de candidature des distributeurs. Sur la petite dizaine de catégories, plusieurs sont nommés, mais un seul gagne. On retrouve par exemple Nalo ou Ritchee dans les distributeurs en 2022, qui avaient nommé Yomoni, et d’autres dont les noms ne semblent pas incohérents. ;
Les Tops d’Or (Tout sur mes finances), qui en 2022 récompensaient Épargne Foncière📉, Aestiam Pierre📉, PF Hospitalité Europe📉, LF Grand Paris Patrimoine📉, PF Grand Paris📉 ou PFO📉. Mais en 2021, on retrouvait aussi Primovie, PFO2📉, Accimmo📉, Eurovalys📉 et Primopierre📉. Devant la chute en 2023, des catégories « communication » sont créées pour filer des prix à 6 SCPI La Française (innovation) ou 6 SCPI Sofidy (transparence), tout en mettant en avant les bureaux de LF Grand Paris Patrimoine📉 (-17,75 % sur le prix de part, 92,5 % de TOF, 89,80 % de TOP) ;
Victoires de la Pierre Papier (Gestion de fortune), qui récompensaient PFO2📉 ou Eurovalys📉 en 2023, mais aussi Accès Valeur Pierre📉, PF Grand Paris📉 ou Sofipierre📉 en 2022 ;
Trophées secteur de l'immobilier (SIATI) ;
Palmarès de l’immobilier (VitrineMedia, MySweetImmo) ;
Les corbeilles (Mieux Vivre Votre Argent), et tant d’autres.
Mais pourquoi donc distribuer autant de prix ?
🤑 The big short
Alors, on pourrait imaginer que cela permet de faire plaisir à tout le monde et de filer un petit coup de pouce aux copains. Mais il y a une vraie logique financière.
Pour participer à certains classements, ceux dans lesquels le gérant est sûr d’avoir une place, il faut payer. Ceux-là sont les plus rares. Le plus souvent, le classement est fait indépendamment des gérants. Ils sont invités à la remise des prix (ou reçoivent juste un PDF), et on leur remet alors… une plaquette commerciale pour utiliser le prix. Le montant diffère selon l’utilisation et le classement, mais varie entre 2’000 et 7’000 € selon des documents que j’ai pu consulter. Plusieurs chargés de marketing m’ont confié négocier ces tarifs, jusqu’à -50 %, de sorte à ce que personne ne semble payer la fourchette haute. Des dépenses qui sont particulièrement scrutées puisque c’est le gérant, et non la SCPI (ou le véhicule), qui paye le marketing.
Reste que, par exemple, La Française a payé son prix SCPI Bureau - Écoresponsable pour les Tops d’Or, afin de communiquer activement dessus, alors même que les évaluations étaient mauvaises, bien que la décision de baisse n’ait été prise qu’à l’été 2024.
Devant la recrudescence des prix et l’incapacité à déterminer leur intérêt, l’AMF a imposé une mention indiquant que ces macarons n’étaient pas des indicateurs fiables. Mais, sur la dizaine de brochures ou sites concernés, aucun ne l’affichait.
L’autre effet de bord, c’est que les gérants qui ne jouent pas le jeu tendent à disparaître les années suivantes. Une situation constatée pour au moins 4 SCPI, 1 SCI et 2 PER, dont la situation n’avait pourtant pas évolué négativement. Une information confirmée par un gérant :
« Nous on a décidé d’arrêter de payer... donc on en gagne de moins en moins ! »
Et de conclure : « Ça vous surprendra pas je pense ».
Effectivement, non.
D’autant que la bullshiterie des classements n’est pas l’apanage des produits financiers.
🌟 Don’t look up
Dans le milieu de l’influence, ces classements existent depuis quasiment vingt ans. Ayant fait partie des premiers blogueurs, j’ai régulièrement été cité dans ces listes, parfois tout en haut et, comme tout le monde, j’en ai été fier et je l’ai parfois partagé.
Ces classements existent également dans tous les métiers. L’un des plus connus est le 30 under 30 de Forbes. Mais depuis près de 10 ans, ce magazine où tout le monde veut être mais que personne ne lit, a multiplié les classements : rien qu’aux US, il existe 25 différents, par catégorie (business, écologie, sport, etc.), ce qui permet de promouvoir 250 personnes par an. Désormais, chaque pays a son propre classement. Qui n’a jamais vu un récipiendaire se féliciter d’en faire partie ? Et, pour les plus téméraires, se dire surpris d’avoir été nommé alors qu’ils avaient préalablement envoyé un dossier de candidature ?
Et chacun y va de sa liste :
Les 100 qui font le patrimoine de Profession CGP (Groupe Ficade) ;
Les 100 qui comptent17 du Montre de Chiffre (Groupe Ficade) ;
Décideurs 100 de Décideurs Magazine (Groupe Ficade) ;18
Choiseul 100 et ses classements sectoriaux sponsorisés par Businessimmo (Ville de Demain), L’Equipe, Forbes, La Voix du Nord ou encore Nice Matin ;
Favikon sur LinkedIn etc.
On a donc, d’un côté, des médias qui légitiment les entreprises et pros de leur secteur, idéalement pour les garder comme clients ou annonceurs, et, de l’autre, des acteurs qui veulent légitimer leur position en mettant des personnes qui vont les relayer.
Parce qu’en dehors des éternels classements de Choiseul (6 rien que sur le Q4 202419) qui écoute vraiment la voix de ce think tank ? Même pas les médias qui pourtant, relaient les classements.
Et comment sont choisis les lauréats ? Dans une opacité complète. Reste qu’en 2021, un patron de fintech20 me confiait aimer la politique et citait ce think tank en exemple. Dans le même temps, il animait avec Yves Hemedinger, député LR du Haut-Rhin, le pôle idées de La Manufacture, le micro-parti de Xavier Bertrand, tout en étant vice-président de la Fondation Concorde, un autre think tank pour laquelle il a signé deux tribunes dans Les Échos en 2020. À la même époque, l’ex-futur-LR se préparait pour 2022, et l’ancien patron de banque en ligne quittait son job pour rejoindre Bertrand. Avec le succès qu’on connaît.
S’il n’a jamais mis en avant cette période de sa vie dans ses nombreuses interviews ou podcasts, pas plus que sur son LinkedIn, il figure dans le Choiseul 100 pour une brève expérience qu’il a désormais retirée de son CV. Un classement qui arrive au moment où il m’expliquait travailler avec ce think tank. Et au moment où il devenait patron en France d’une fintech qui se lançait sur le territoire. Une liste qu’il n’a plus quitté depuis.
Pourtant, malgré ses 35K followers sur LinkedIn qui likent entre 100 et 300 fois la plupart de ses publications, il n’est pas présent dans le classement Favikon « finances personnelles »21. Pas parce qu’il est patron de boîte, puisqu’en immobilier on retrouve, par exemple, Véronique Bédague, patronne de Nexity. Dans la liste on retrouve étonnamment (outre quelques clients à moi 😍) Ludovic de Jouvancourt de Channes, ex-CEO de Prello (29e), qui n’a pas publié depuis 6 mois. Mais pas de trace de Thierry Vignal, Raphaël Oziel, Olivier Lendrevie, David Hérault, Ori Chamla, Cedric O’Neill, Guillemette Despresle, Stéphane Fritz, Olivier Descamps, Marc Boceno etc.
Quant à savoir si l’un devrait être devant l’autre, peu importe. Mais il y a un autre problème qui pose grandement question, non seulement sur le classement, mais surtout sur l’outil qu’il est censé représenter : la part des faux engagements.
Pour doubler les commentaires sur une publication, il suffit simplement de répondre à tout le monde. Même avec un simple emoji. De nombreux tests faits courant 2023 ont montré que Favikon ne comptabilisait pas différemment les commentaires de l’auteur. Mais surtout, de nombreux utilisateurs de LinkedIn, dont plusieurs sont présents dans les listes, utilisent l’application Podawaaa.
Lancée par Waalaxy (un des leaders de l’automatisation LinkedIn), ce très discret SaaS dont personne ne parle permet de commander des likes, mais également des commentaires écrits par l’auteur de la publication. L’application va alors utiliser les comptes de vrais utilisateurs, également inscrits sur Podawaa, pour publier.
Utilisateur qui vient de commander 3 commentaires qu’il a lui-même écrit, et qui seront publiés automatiquement par d’autres utilisateurs de Podawaa, à travers leurs vrais comptes LinkedIn.
Une pratique tellement tabou qu’il est impossible de chercher le terme sur LinkedIn.
🥇Patience, tu dois avoir mon jeune Podawaan
En tant que 7e dan de trolling, j’avoue avoir régulièrement utilisé l’outil pour faire des trucs rigolos, comme faire aléatoirement commenter des idioties. Jusqu’à être surpris de voir des patrons de startup apparaître parmi les utilisateurs.
Ce qui, poussé à l’extrême (et avec beaucoup de maturité), peut amener à faire dire des choses étranges. Mais on peut également se poser la question de la responsabilité de la publication en cas de problème ou de propos illégaux, puisque c’est bien un vrai compte qui publie.
Un exercice également réalisé pour le lancement de la page LinkedIn de Zero Bullshit, qui avait permis de débusquer des comptes TopVoice utilisant Podawaa :
Mais également des influenceurs qui vendent très cher à des marques une audience qui pourrait être bien fake.
De même pour ce vendeur de locatif clé en main ou cet « investisseur et expert en immobilier locatif », disciple de Cédric Anicette (les vrais s’en souviennent), qui vend des formations pour 4’000 € (enfin, 3’997 €, évidemment) et cherche à se crédibiliser en achetant quelques likes en scred. Ou ce chasseur immo, cofondateur d’une fintech de fractionnement immobilier. Tous, à l’exception de Manuel R., sont encore membres actifs de Podawaa en décembre 2024.
Une cofondatrice de plateforme de fractionnement est également une grande habituée des faux engagements depuis longtemps. Depuis 2 ans, au moins 3 personnes, dont un associé de la plateforme, m’ont expliqué que cette audience était un atout pour l’entreprise, et que cela impressionnait. Sauf qu'encore une fois, c’est très exagéré.
Mais la supercherie monte d’un niveau quand ce sont carrément des vendeurs de solutions LinkedIn qui trichent et utilisent leur compte pour prouver qu’ils sont bons… alors qu’ils trichent. Comme le prouve cette liste des personnes sanctionnées lors d’un classement Favikon en 2022 :
Cité dans la liste, Guillem Salles Turrel admet la pratique, à l’époque :
« J’ai utilisé Podawaa en 2021 quand j’ai lancé mon activité sur LinkedIn. […] Sur mes premiers posts, j’ai dû gratter 50-60 likes et j’ai rapidement abandonné le truc en cours de route. »
Aujourd’hui, ses publications se suffisent à elles-mêmes et lui permettent de vivre de son activité de ghostwriter, et son compte n’est jamais remonté dans les utilisateurs de la plateforme.
De son côté Jason Beraud, autre influenceur LinkedIn, dont je trouve trace de l’activité depuis 2022 jusqu’à aujourd’hui, a toujours assumé avoir utilisé Podawaa pour « lancer ses posts ».
Ce qui n’est pas le cas de cet « expert et influenceur LinkedIn - ghostwriter », comme il se présente lui-même, qui a été complètement sorti du classement tant il multipliait les magouilles, allant jusqu’à créer une armée de bots pour :
Spammer les prospects ;
Faire croire que sa boite était grosse ;
Liker ses propres publications.
Même combat pour cet ex-The Family, qui se sert de ses chiffres LinkedIn, boostés par des fakes, pour vendre des formations. Il a longtemps été classé parmi les plus gros influenceurs, selon Favikon.
Et il se trouve que dans les classements Favikon, on retrouve plusieurs profils qui trichent. Le compte le plus flagrant est l’un de ceux qui dominent les premières places22. Ce conseiller en gestion de patrimoine, qui affiche près de 60K abonnés, est tellement fier de son classement qu’il l’affiche sur son profil depuis mai 2023. Il est vrai que ses fiches, largement inspirées par celles de Guillaume Simonin, font a minima 100 à 200 likes par publication. Et souvent tout autant de commentaires.
Sauf que, depuis ses premières publications, ce compte apparaît comme très actif sur Podawaa et, à plus de 50 reprises au moins23, il a demandé de faux engagements. En décembre 2024, le compte est toujours actif sur la plateforme, sans qu’il ne soit plus possible de savoir si des engagements sont demandés ou non. Tout comme au moins 3 autres présents dans les listes immobilier et finances personnelles. 5 ont déjà utilisés Podawaa dans le passé, mais les connexions datant d’il y a plus de 6 mois, ce n’est plus forcément représentatif de leur activité aujourd’hui.
Pas vraiment de quoi donner du crédit à ce classement.
🪄Here we go again
Mais alors, est-ce qu’on s’en foutrait pas un peu ?
Bon, dans l’absolu, oui. Mais cela pose forcément la question de la légitimité à donner à ces classements, et, par extension aux outils qui les produisent, ou aux médias qui les diffusent.
Parce que si l’outil passe à côté de profils importants (comment ne pas citer Olivier Lendrevie quand on parle finance ou immo sur LinkedIn), qu’il ne détecte pas les profils inactifs et qu’il n’est pas fiable sur les fakes, alors quel intérêt ? À la rigueur, on peut dire que c’est juste une mauvaise pub pour ceux qui savent lire entre les lignes.
Le problème, c’est quand ces néo-breloques servent à légitimer un produit ou un service auprès de ceux qui ne sont pas en mesure de comprendre l’absence complète de méthodologie.
Ce n’est pas un hasard si les gérants achètent les prix, les arborent et les envoient à leurs clients. Ils le font pour la même raison que les vendeurs de formations « neuneus » publient leurs Lambo de loc’ sur Instagram : la prétendue preuve sociale aide à convaincre le client. Et il n’est pas difficile de comprendre en quoi c’est basé sur un mensonge, entre conflits d’intérêts, jacquesmartinisme, manipulation et achat pur et simple.
Il n’y a pas vraiment de solution.
A part l’éducation, comme toujours.
Mais, comme toujours, personne n’a vraiment d’intérêt à le faire.
Je m’appelle Benjamin Charles, et je fais du conseil en branding, positionnement et création de contenus pour des entreprises de la finance, de l’immobilier et du web3.
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Conseiller en gestion de patrimoine
TOF : taux d’occupation financier
TOP : taux d’occupation physique
📉 indique les SCPI ont ont corrigé depuis
Actipierre 1 et 2 sont désormais dans AEW Commerces Europe
Source : WayBack Machine
Société de gestion
Bon j’avoue celui là il est drôle.
Je vais pas faire tous les mag du groupe mais t’as compris, et avec le rachat de BSmart tu sais ce qui nous attend.
Les 40 de moins de 40 ans qui font la santé
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Les 200 ETI qui résistent les mieux
Business et Sport
100 jeunes dirigeants africains
Ville de demain
Interrogé, il n’a pas répondu aux questions.
Disclaimer : je n’ai pas de contentieux personnels avec Favikon, son dirigeant ou ses équipes. J’ai régulièrement été en contact avec eux dans le passé, et régulièrement été classé. J’ai été subitement exclu en mai 2023. Le dirigeant a d’abord parlé « d’erreur » avant de ne plus répondre. J’avais déjà ironisé à de nombreuses reprises sur ces classements dans le passé, et cet incident n’a pas le moindre lien avec l’écriture de cette newsletter.
La personne en question n’a pu être contacté. Devant l’évidence de sa pratique, il a préféré me bloquer.
Sans doute plus. C’est le nombre de demandes qui avaient été faites entre fin 2023 et début 2024.
Incroyable
On attend les réponses des concernés maintenant