💥 L'opacité complète de l'autorité de la transparence

Pourquoi 81% des élus de 2024 n'ont toujours pas validé leur fiche de patrimoine ?

Bonjour à tous,

Il y a quelques jours, plusieurs députés LFI ont incité les Français à boycotter BNP Paribas. Selon eux, la banque financerait Israël dans sa guerre à Gaza. En réalité, tout part d’un énième financement d’Israël, qui, comme tous les États, lève de la dette en permanence.

L’opération, publique depuis le 5 mars¹, a été “révélée” en juin dernier par l’Huma qui publie… le document de la SEC. ² Pour une raison que je comprends pas bien, l’info a été largement reprise par des militants pro-palestiniens en France depuis quelques semaines, dans des communications ou lors de manifestations. Puis par plusieurs députés, dont Thomas Portes.

S’ensuit alors des débats et des publications qui n’ont aucun sens, comme ce “créateur de contenus pour le climat” qui résume l’histoire en expliquant que BNP “finance un génocide”. Puis les commentaires se chargent de faire la pub de plusieurs agents de PSP qui se disent néobanques. Helios fera d’ailleurs un commentaire… rapidement supprimé. Il faut dire que son partenaire, le Crédit Agricole, est l’un des principaux financeurs de la colonisation israélienne en territoire palestinien.

C’est là que j’ai eu l’idée de vérifier dans quelles banques étaient ces députés, puisque ces comptes sont déclarés à la HATVP³. Sauf que… les déclarations de non pas en ligne. Et que depuis la nomination de Gabriel Attal en début d’année, j’avais régulièrement vérifié les fiches, qui n’ont jamais été publiées.

Et pour cause : quasiment aucune ne l’est.

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🥹 La panacée

Créée en 2013, la HATVP fait suite à un énième scandale politique de pouvoir et d’argent, en l’espèce, l’affaire Cahuzac, du nom de ce ministre du budget d’Hollande, notamment chargé de la fraude fiscale, et qui était lui-même un fraudeur.

Une affaire dont il se dit, d’ailleurs, qu’elle pourrait bien rebondir un jour. Parce que parmi les premiers dossiers amnistiés par Cahuzac se trouve celui d’un certain Eric Woerth. Lui-même ancien ministre du budget. Lui-même accusé de plusieurs malversations fiscales et financières. Qui lui-même avait amnisité un dossier… au nom de Cahuzac.

Le rôle de la HATVP est donc de vérifier que les élus nationaux, et les élus locaux de premier plan, n’agissent pas sous l’influence de conflits d’intérêt, et qu’ils ne s’enrichissent pas pendant leur mandat. Cela passe notamment par une analyse des dossiers de chaque ministre avant sa nomination, par exemple, et ça se finit par la publication des fiches sur le site de l’HATVP.

C’est ce qui fait qu’à chaque gouvernement, on a la liste des ministres les plus riches, et que chacun regarde qui a la plus grosse voiture, et la plus belle épargne. Une pratique qui avait fortement déplu à l’ex-ministre de la justice Eric Dupont-Moretti, qui qualifiait de voyeurisme le fait de devoir rendre public ses placements, ses rémunérations diverses et variées, sa collection de montres ou de motos. Mais moins choque son successeur Didier Migaud… qui était à la tête de l’HATVP jusqu’à ce qu’il soit nommé ministre de la justice.

🤑 Serpico

Sauf que voilà, quand je suis retourné sur le site de la HATVP, la fiche des députés LFI qui prenaient position n’était pas publiée. Pas plus que les autres députés. Ni aucun membre du gouvernement. Ni de ceux d’avant. Ni, en fait… de personne.

Depuis 5 ans, la HATVP a enregistré 14’946 dépôts de dossiers de 7’108 élus (ou nommés, le gouvernement n’était pas élu). Seuls 5’456 sont “livrés” selon le terme employé, c’est-à-dire que la fiche a été analysée, validée et publiée, soit 81%.

Mais une rapide⁴ analyse par année fait apparaître un gros problème.

Si on constate que certains dossiers de plusieurs années n’ont jamais été régularisés, en 2024 c’est carrément abyssal. Seulement 42 fiches sur 1’103 dépôts sont accessibles.

Tous sont des élus locaux qui gèrent des EPCI⁵, font partie de conseils régionaux/généraux, ou de conseils municipaux de plus de 20’000 habitants.

Mais les autres ?

Le cas le plus extrême est celui de Sylvain Pabouty, vice-président du Congrès de la Nouvelle-Calédonie depuis le 24 mai 2019. Il dépose son dossier le 8 novembre 2019, soit plus de 6 mois après son entrée en poste. Et depuis… bah rien.

Et c’est pareil pour plusieurs centaines d’élus locaux, mais également des élus nationaux. À l’instar de Nadège Havet, sénatrice LREM entrée en fonction le 1er octobre 2020 et qui a déposé pépouze la déclaration le 6 mars 2023. Un dossier toujours pas validé…

⏰ La demora

Si les membres du gouvernement Attal avaient bien tous déposé leur dossier, aucun n’a été publié durant les 7 mois 27 jours qu’a tenu l’éphémère premier ministre. Redevenu député il a déposé sa déclaration le 9 septembre dernier, comme pas mal de ses collègues retardataires.

Nombre de déclaration par jour de dépôt

Si le graphique s’étend dans la longueur, c’est parce que la HATVP a ouvert une enquête pour « non-déclaration de sa situation patrimoniale » contre trois députés, dont Rachel Keke (LFI), réélue en juin dernier. La députée francilienne a finalement déposé sa déclaration le 23 octobre. Le lendemain de Pascal Lavergne (MoDem) et Patrice Perrot (LREM) qui, eux… n’ont pas été réélus et qui étaient en retard. Le même jour, Marie-Agnès Poussier-Winsback et Nicolas Daragon faisaient de même. Ce qui me permettait d’apprendre qu’ils étaient respectivement ministres délégués de l’“économie sociale et solidaire, de l'intéressement et de la participation” et “chargé de la sécurité du quotidien”.

Près d’une vingtaine d’autres élus locaux sont affublés de cette même mention de non-déclaration… sans le moindre impact jusqu’ici visiblement.

EDIT 26/10/2024 10H06 : Rachel Keke, comme les 2 autres députés n’ont pas été réélus en juin, et n’avaient donc pas déposé leur déclaration depuis le début de la mandature précédente

🥳 Balec 3000

Ces manquements n’ont rien d’anecdotiques. Ils sont au contraire le reflet d’une politique publique du secret, qui prend l’argent du contribuable pour acquis, et refuse de rendre des comptes.

Et pourtant : c’est la loi.

Depuis 1978, la CADA⁶ a été créée pour aider les administrations à communiquer les documents utilisés dans le cadre d’une mission de service public. Et depuis 2015, c’est même au livre III du CRPA⁷.

Ces documents devraient normalement être mis à disposition dans le cadre du programme d’open data initié il y a plusieurs années. Peu d’administrations l’ont mis en place. Aucune n’a publié la majeure partie de ses documents.

Pire. Les administrations font TOUT CE QU’ELLES PEUVENT pour refuser les demandes.

Depuis un an, dans le cadre d’enquêtes, j’ai subi des refus ou des non réponses de :

• L’AMF ;

• L’ACPR ;

• La Banque de France ;

• Matignon ;

• Ministère de comptes publics ;

• Ministère de l’économie et des finances ;

• Ministère de l’écologie ;

• Bpifrance ;

• L’agence des participations ;

• France Trésor.

Aucune de ces administrations n’a voulu fournir les documents très précis qui ont été demandés, et un tribunal administratif a été saisi dans 3 cas.

Alors que l’Assemblée Nationale fait semblant de discutailler sur un budget dont les députés savent qu’ils refuseront de le voter afin de pousser Babar 1er à faire un 49.3 qui lui coûtera sa tête (au plus grand plaisir de Macron, d’après les rumeurs). Alors qu’on se pose la question de s’il vaut mieux augmenter les impôts, ou plus tôt baisser les aides (ou les deux). Alors que des bouleversements fiscaux majeurs sont en cours, qui vont changer des vies, pour des revenus minimes. Il est indispensable que notre démocratie, à bout de souffle, soit transparente.

Non parce que les élus sont payés avec nos impôts, pour éviter de tomber dans le populisme-gilet-jaune et son RIC vendu comme une guillotine à mandat, mais parce que les politiques publiques se doivent d’être jugées sur pièce. Et que ceux qui veulent passer du temps à les analyser doivent pouvoir le faire.

Qu’une administration refuse de donner la carte des dépôts stratégiques de pétrole ou de stockage de nos têtes nucléaires n’est pas soumis à débat. Mais qu’un directeur de cabinet refuse, illégalement, de donner le compte rendu d’une réunion entre la Fédération Française des Banques et deux ministres, alors même que la règle de calcul du rendement du Livret A a été aménagée pour éviter qu’il soit trop haut, et que les banques galèrent à vendre leurs placements, c’est problématique.

La démocratie ne s’arrête pas quand l’isoloir se ferme.

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Je m’appelle Benjamin Charles, et je fais du conseil en branding, positionnement et création de contenus pour des entreprises de la finance, de l’immobilier et du web3.

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1. Publiée par la SEC

2. Gaza : comment la BNP Paribas a financé la guerre d’Israël à hauteur de 2 milliards de dollars, Luis Reygada, L’Humanité, 23 juin 2024

3. Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

4. Note de moi : c’est pas du tout rapide, en vrai

5. Établissement public de coopération intercommunale

6. Commission d'accès aux documents administratifs

7. Code des relations entre le public et l’administration