đ„ Luko placĂ© en redressement judiciaire : les vraies raisons du dĂ©part d'Admiral.
Sur fond de dette fiscale et de chiffres maquillés, Allianz devrait racheter à la casse l'assurtech. EniÚme désastre.
Bonjour Ă tous,
ce nâĂ©tait pas la newsletter attendue (pour les fans de SCI, la partie 2 arrive un peu plus tard), mais jâai obtenu de nouvelles informations sur la rocambolesque affaire Luko, qui rebondit tellement quâon dirait un culbuto.
La diffĂ©rence Ă©tant que lui, finit toujours par se redresser. Alors que si Luko vient dâĂȘtre placĂ© en redressement judiciaire, sa fin est dĂ©sormais actĂ©e. Et je peux dĂ©sormais vous dire pourquoi.
Rappel des épisodes précédents, via mes publications pour ceux qui veulent :
đ Le Big Deal
Pour bien comprendre lâorigine du problĂšme, voici lâhistorique : (si tu connais lâhistoire, passe au chapitre suivant)
Luko rachÚte Unkle début 2022, avec un deal à 2 issues au 1er avril 2023
Si Luko fait une sĂ©rie C : alors câest un Ă©change dâactions Luko <> Unkle
Si Luko ne fait pas de sĂ©rie C : la transaction est convertie en 11M⏠dâobligations
Luko échoue à faire sa levée fin 2022
Le 1er avril 2023, Luko doit payer 11MâŹ
Luko nâa pas le pognon
Luko lance une procédure de sauvegarde accélérée en juin 2023
Plusieurs repreneurs sont intéressés
Lâoffre dâAdmiral (qui nâĂ©tait pas la plus chĂšre) est retenue
Le plan de sauvegarde est acté le 3 aout 2023
Admiral paye :
11M⏠pour le rachat
3M⏠sur objectif
2,5M⏠de bridge (pour remplir les caisses le temps de la transaction)
Les créanciers sont lotis différemment
TriplePoint récupÚre le pognon de la vente de Luko
Le reste se partage au prorata de ses dettes les cessions de Coya et Unkle
End of story. Le plan de sauvegarde est validĂ©. Tout le monde vote pour, Ă lâexception Ă©videmment des crĂ©anciers autres que TriplePoint et BNP qui ne vont rien rĂ©cupĂ©rer.
Sauf⊠Anaxago et les crĂ©anciers Unkle (la fameuse dette de 11MâŹ) qui trouvent trop cool le plan :
Alors quâil est TRĂS dĂ©favorable aux ex-actionnaires Unkle ;
Alors quâAnaxago nâa pas demandĂ© aux ex-actionnaires leur avis ;
Et pire : alors quâAnaxago multiplie les communications lunaires oĂč ils disent ne rien savoir.
Le 17 juin, Anaxago sâĂ©tonne dâapprendre la cession de Luko âsur les rĂ©seaux sociauxâ via âdes informations dĂ©taillĂ©esâ. DĂ©solĂ© dâĂȘtre plus informĂ© que vos gĂ©rants.
Le 25 octobre, une communication indique âque des informations sont sorties dans la presse rĂ©cemmentâ. Sans expliquer ce quâelles contiennent. Avant dâinviter les actionnaires le lendemain âĂ la plus grande prudence quant aux informations qui peuvent parfois circuler par les rĂ©seaux sociaux qui sont parfois inexactes.â
Certes.
Reste que si Anaxago/CapHorn avaient fait leur travail, ils auraient pu fournir ces informations qui se sont toutes révélées exactes.
Anyway. Le petit plan a été validé, mis à exécution, et les conditions suspensives ont évidemment toutes été levées.
Bombardement dâincompĂ©tence. AllĂ©gorie. 2023
âĄïž Surprise, sur prise !
Tout ? Non ! Car un crĂ©ancier peuplĂ© d'irrĂ©ductibles banquiers rĂ©siste encore et toujours Ă lâacheteur !
Et parmi les conditions suspensives de lâaccord, il y a âlâabsence de recoursâ.
Or le 21 aout, BNP a contesté le plan qui ne lui était pas favorable.
Contrairement Ă ce qui a Ă©tĂ© dit dans LâArgus de lâAssurance : ce nâest PAS la raison de lâĂ©chec des nĂ©gociations. Et puisquâil est de coutume ici dâĂȘtre ZeroBullshit, câest un tuyau que jâavais glissĂ© au redchef, en Ă©change dâune publication concomitante de nos articles le lendemain matin. Un deal non respectĂ© par un breaking news en plein aprĂšs-midi.
Pire : la raison pour laquelle jâai attendu le lendemain, et que je nâai pas parlĂ© de BNP, câest que jâattendais une information. Lâopposition de BNP avait en rĂ©alitĂ© Ă©tĂ© retirĂ©e le 10 octobre.
Quand LâArgus de lâAssurance Ă©crit :
« Cette demande aurait grippé la machine lors de la validation d'un nouveau plan de rééchelonnement de la dette à l'issue d'une audience du 4 octobre », confie une source proche du dossier.
Soit la source est vachement loin du dossier, soit câest mon SMS, et il a Ă©tĂ© vachement dĂ©tournĂ©.
Parce que le retrait de lâopposition de BNP date du 11 septembre, et lâaudience dâoctobre Ă laquelle personne nâĂ©tait prĂ©sent nâa servi⊠quâĂ acter le dĂ©sistement. Et lâĂ©chelonnement de la dette nâa jamais Ă©tĂ© ne serait-ce quâabordĂ©.
Une (fausse) information reprise par une dizaine de mĂ©dias sans la moindre vĂ©rification. De mĂȘme que le (faux) chiffre de 450â000 contrats, alors que Luko en comptait entre 50â000 et 100â000.
Mais alors, vous allez me dire, « toi qui fais le malin, explique-nous : quâest-ce qui a empĂȘchĂ© la levĂ©e des conditions suspensives ? ».
Eh bien : deux raisons !
1ïžâŁ Une sombre histoire de TVA
En septembre 2022, un audit des comptes de Luko Cover (la sociĂ©tĂ© opĂ©rationnelle en France) a mis en Ă©vidence un potentiel redressement fiscal de 840â000âŹ, liĂ© Ă la TVA.
Une information dĂ©couverte par Admiral fin juillet, qui finalement accepte de prendre Ă sa charge le montant en Ă©change dâune indemnisation ultĂ©rieure Ă fixer au moment du closing final.
Puis en septembre 2023, câest une nouvelle facture de 535â000⏠de TVA qui surgit, cette fois liĂ©e Ă la cession de Coya. Luko nâa pas la trĂ©sorerie pour payer. đ€Ą
Quâimporte. Un accord est trouvĂ© pour rĂ©partir la dette :
267â500⏠pour TriplePoint (aprĂšs tout câest les seuls qui vont rĂ©cupĂ©rer du pognon)
178â333⏠pour Admiral (qui prĂ©cise que ça sera imputĂ© sur le prix de vente)
89â167⏠pour les fondateurs
Soit 1,375M⏠dâimprĂ©vus fiscaux đ
2ïžâŁ Une sombre histoire de primes
En refaisant les comptes mi-octobre, Admiral dĂ©couvre une confusion majeure entre les primes dâassurance collectĂ©es par Luko Cover⊠et celles collectĂ©es pour le compte dâassureurs tiers.
Ăcart de valorisation : 2,3MâŹ.
Une source chez Admiral mâexplique.
« Luko a sciemment cachĂ© des informations tout au long de lâopĂ©ration. Au dĂ©part on pensait Ă de lâamateurisme. Et finalement, peut-ĂȘtre que câĂ©tait lâinverse. »
Le 20 octobre, Admiral jette lâĂ©ponge (en plein dans la face de RaphaĂ«l Vuillerme, CEO de Luko, directement citĂ© par plusieurs proches du dossier cĂŽtĂ© Admiral)
đ„ LâAllianz rebelle
Sâil y a bien UN truc quâon peut pas reprocher aux banquiers dâaffaires : câest de courir aprĂšs leurs primes.
Sans crier gare, Saint-Lazard ressuscite le dossier. Selon une source pas du tout proche du dossier, Philippe Englebert, en charge de la vente aurait regardé le dossier et dit :
LĂšve-toi et marche !
Tel Luke Skywalker descendant du X-Wing, Allianz pose son gros portefeuille et accepte de reprendre Luko le 8 novembre.
Outre le fait que, pour le coup, je ne peux assurer que les choses se soient exactement dĂ©roulĂ©es comme ça, yâa un hic : la procĂ©dure a Ă©tĂ© validĂ©e. Donc pour que le tribunal accepte une cette nouvelle offre, il faut quâelle soit similaire.
Alors Allianz indique que le périmÚtre est identique, et tente de valoriser son offre à 14M⏠également. à laquelle il faut Îter :
3,96M⏠payés à TriplePoint
Le remboursement du bridge dâAmiral (2,5MâŹ)
Les dettes aux salariĂ©s (2MâŹ)
Un bridge dâAllianz (1,5MâŹ)
Moqueur, le juge qualifie ces trois derniĂšres lignes de âprĂ©tendument Ă©valuĂ©es Ă 6MâŹâ. đ„č
Allianz rachĂšterait donc Luko pour 4M⏠+ 4M⏠à TriplePoint et magouillerait ses chiffres pour que ça fasse 14MâŹ.
Et voilĂ : tout est mal qui finit mal.
đââïž Very bad trip
Mais il semblerait quâen plus dâavoir passablement saoulĂ© Admiral, ce dossier a LOURDEMENT gavĂ© le juge.
Pour rappel, lâobjet de lâaudience Ă©tait de valider la modification du plan de procĂ©dure accĂ©lĂ©rĂ©, pour substituer Admiral Ă Allianz en tant quâacheteur.
Epicétou.
Sauf que selon le tribunal, ça constituerait une grave jurisprudence : que la procédure de sauvegarde se transforme en opération de M&A. Un cas qui aurait déjà été refusé à Orpea cet été.
Et le juge en rajoute :
âLa situation Ă©conomique nouvelle de [Luko] se distingue fortement de celle qui a Ă©tĂ© constatĂ©e avant lâadoption du planâ
On peut pas vraiment dire que la salle est blindée de supporters :
Le mandataire judiciaire est désormais contre le plan ;
Le Juge-Commissaire explique que le plan nâest plus applicable parce que Luko est en cessation de paiement ;
La Procureur de la RĂ©publique se prononce contre.
Câest pourquoi le tribunal a dĂ©cidĂ© de refuser la modification du plan de cession :
Le plan a été beaucoup trop modifié
Les dĂ©lais nâont pas Ă©tĂ© respectĂ©s (Luko avait 35 jours Ă partir du 3 aout)
Les pertes se sont accentuĂ©es âau point que lâoffreâ Ă Ă©tĂ© revue âĂ la baisseâ, le âdiffĂ©rentiel de 6M⏠rĂ©sultant de nouvelles pertesâ
Lâentreprise est en cessation de paiement
đ„Č Et maintenant ?
Le rejet du plan de sauvegarde a immédiatement acté le placement en redressement judiciaire de Luko lundi soir.
Il y a 3 issues possibles légalement :
Un plan de redressement : lâentreprise nâĂ©tait pas rentable, et Ă court de trĂ©so (elle aurait besoin de 25â000⏠par jour selon ses dires), câest impossible.
Un plan de cession : Coya et Unkle sont a priori dĂ©jĂ vendus ou en cours de closing. Allianz devrait logiquement reprendre lâentreprise.
Une liquidation : câĂ©tait un scĂ©nario probable lors du retrait dâAdmiral, que Lazard a rĂ©ussi Ă Ă©viter. Il semble improbable aujourdâhui.
Sauf coup de thĂ©Ăątre, un chĂšque dâAllianz devrait mettre fin Ă lâagonie lente et douloureuse de lâassurtech dans les jours qui viennent, bien quâil soit peu probable que les chiffres soient les mĂȘmes.
đĄ ScĂšne post-gĂ©nĂ©rique
Il est possible que tout ne sâarrĂȘte pas lĂ . Parce quâon a appris au cours du jugement que la BAFIN (Ă©quivalent allemand de lâAMF) serait intervenue sur le dossier Coya. Et que sa licence allemande pourrait ĂȘtre menacĂ©e.
Pas de quoi remettre en cause la vente Ă GetSafe, qui en possĂšde dĂ©jĂ une, mais peut-ĂȘtre le prix. On nâest plus Ă une surprise prĂšs.
Mais un autre dossier pourrait arriver sur la table : celui des responsabilités.
En tant quâinvestisseur dans Unkle, je mâinterroge sur le deal qui a Ă©tĂ© signĂ© avec Luko. En ayant les chiffres aujourdâhui, il parait ĂVIDENT que Luko Ă©tait, depuis le dĂ©part, en incapacitĂ© complĂšte de payer cette mensualitĂ©.
Soit les personnes qui ont signĂ© ce deal nâont pas vĂ©rifiĂ© les chiffres ni la capacitĂ© de Luko Ă pouvoir honorer cette Ă©chĂ©ance tout juste 12 mois aprĂšs la signature du deal.
Soit ils ne savaient, mais ont prĂ©fĂ©rĂ© se dire que la levĂ©e se ferait dans tous les cas, et que câĂ©tait histoire dâobligation câĂ©tait juste parce que câest obligĂ©.
Rien que chez Anaxago, câest 1,4M⏠sur les 12, qui a Ă©tĂ© levĂ© auprĂšs de particuliers. Il semble acquis quâils nâont clairement pas Ă©tĂ© protĂ©gĂ©s ni dĂ©fendus. Et ce, malgrĂ© nombre dâalertes ignorĂ©es.
La plateforme est dâailleurs lâune des seules Ă proposer du crowdfunding sans communiquer ouvertement sur ses dĂ©fauts, malgrĂ© les recommandations de Financement Participatif France dont elle est adhĂ©rente. Il faut longuement chercher pour tomber sur cette page, jamais accessible depuis aucune page du site.
Anaxago nây communique pas sur ses pertes en equity. Quant Ă lâimmobilier, si les taux de recouvrement entre 2014 et 2020 semblent normaux, on peut sâĂ©tonner quâau 23/11/2023, seuls 11,6% des montants empruntĂ©s en 2021 aient Ă©tĂ© remboursĂ©s, 11,4% en 2022 et les chiffres de 2023⊠ne sont pas affichĂ©s.
Pour finir : que penser du rĂŽle des co-fondateurs ? DĂ©crits trĂšs nĂ©gativement par la quasi-totalitĂ© des acteurs du dossier (financeurs, journalistes, banquiers, ex-employĂ©s, etc.) ils ont eu Ă cĆur de diffuser des chiffres ouvertement faux pendant des annĂ©es, jusque pendant tout lâĂ©tĂ©, tout en faisait passer leur vente Ă la casse pour une belle rĂ©ussite.
Ce nâest pas grave dâĂ©chouer.
Ce nâest pas grave de planter une boĂźte.
Surtout quand elle a contribuĂ© Ă changer la maniĂšre dont lâassurance est souscrite.
Mais on peut se poser la question de la gestion dâune entreprise qui a dĂ©pensĂ© sans compter, nâa jamais eu pour objectif de tendre vers la rentabilitĂ©, et a jouĂ© son existence et les centaines de millions investis sur des coups de poker insensĂ©s.
Alors quâune mandataire judiciaire a Ă©tĂ© nommĂ©e pour suivre le redressement, elle serait parfaitement en droit de creuser lâexistence de faute de gestion.
Et donc de rendre les fondateurs-gérants personnellement responsables des dettes.
Je mâappelle Benjamin Charles, et je fais du conseil en branding, positionnement et crĂ©ation de contenus pour des entreprises de la finance, de lâimmobilier et du web3.
đ Me contacter, ou rĂ©pondre Ă ce post : benj@mincharl.es
đ Me laisser un brief pour un projet pro
đ Prendre RDV en visio pour prĂ©senter un projet ou un service (250⏠le call)
Je viens de recevoir un mail de Luko, ils s'associent avec Allianz Direct, aucune démarche à faire de mon cÎté :)
C'est dommage en tant que client l'expérience utilisateur était trÚs bonne. Je vais devoir trouver une autre assurance? Ba je vais retourner à GMF.