💥 Tump : Tarif(s) préférentiel(s)
Quand la Maison Blanche mélange tarifs douaniers, tweets et profits personnels
Bonjour,
J’avais initialement prévu de l’affaire Harvest, puis j’ai reçu au dernier moment des informations très précises sur l’ampleur de la fuite (que j’ai raconté ici rapidement) puis dans la foulée une mise en demeure du groupe (racontée ici). Et honnêtement, y’en a pour des semaines à mesurer l’importance des données.
Puis entre temps, Donald Trump est revenu sur ses tarifs douaniers, provoquant une hausse spectaculaire des bourses… et quelques mouvements suspects. Ce qui m’a rappellé quelques notes que j’avais déjà prises il y a 2 mois.
Si à ce stade aucun délit n’est clairement établi, ça fait beaucoup de faisceaux qui s’accumulent, et de mélange des genres…
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Tweets & Tremblements
Le 2 avril 2025, Donald Trump annonçait depuis la roseraie de la Maison Blanche la mise en place de droits de douane drastiques contre 185 pays et territoires. Présentées comme des "tarifs réciproques", ces mesures prévoyaient un droit de douane universel de 10% sur toutes les importations à partir du 5 avril pour la majorité des biens (certains prenant effet dès le 4 avril), puis des taux spécifiques pour une soixantaine de pays considérés comme "contrevenants commerciaux" à compter du 9 avril (34% pour la Chine, 20% pour l'Union européenne, 24% pour le Japon, etc.).
Les conséquences sur les marchés financiers ont été immédiates et dévastatrices. Le lundi 7 avril, les places boursières mondiales se sont effondrées : -4,78% pour le CAC 40 à Paris, jusqu'à -13% pour le Hang Seng à Hong Kong, -8% pour le Nikkei au Japon. Sur la semaine, plusieurs indices majeurs ont perdu plus de 10% de leur valeur. Le marché obligataire américain, valeur refuge par excellence, a lui-même été fortement chahuté, comme on dit.
Puis, coup de théâtre le 9 avril : Trump annonce à 13h18 (heure de New York) une pause de 90 jours dans l'application de ses droits de douane pour tous les pays à l'exception de la Chine, pour laquelle ils grimpent au contraire à 125% (atteignant 145% au total avec les taxes déjà existantes selon les précisions apportées par la Maison Blanche le lendemain).
Les marchés rebondissent spectaculairement. Le 10 avril, les bourses européennes clôturent en forte hausse (Paris +3,83%, Londres +3,04%, Francfort +4,53%). Tokyo s'envole de 9,12%, Séoul de 6,6%.
Jusque là, bien que tout soit déjà étrange, rien de très anormal. Mais au-delà de cette volatilité extrême, un phénomène plus discret a eu lieu quelques minutes avant l'annonce de Trump...
Opération SPYlight
Le 9 avril 2025, les marchés financiers américains ont donc connu une journée explosive. Le SPY a bondi de plus de 7%, le Nasdaq s'est envolé, et plusieurs options très spécifiques ont vu leur valeur multipliée par 20. Et pour bien comprendre le problème, il faut reprendre l’historique.
🕘 Le premier signal : 9h37
À 9h37 heure de New York, Donald Trump publie un message laconique (ou pas) sur Truth Social :
THIS IS A GREAT TIME TO BUY!!! DJT
Un message à la tonalité familière, très trumpien. Mais cette fois, il va déclencher bien plus qu'un simple buzz politique : il précède une vague d'achats coordonnés sur les options les plus spéculatives de l'indice SPY1 et du QQQ2, les ETF phares du marché américain.
Entre 9H57 et 10H00 ET3, soit 20 minutes après le post de Trump, les premiers ordres massifs tombent sur les options SPY 509C4, expirant le jour même.
Volume : 30 483 contrats.
Prime initiale : ~1,85 $.
Une heure plus tard, elles valent 25 $ : x13,5 de la mise initiale à un instant donné, avec des variations intraminute allant jusqu'à x15.
Même scénario un peu plus tard pour d'autres options :
SPY 504C : 46 198 contrats ouverts entre 12H55 et 13H05 ET
QQQ 460C : 17 664 contrats avec un volume record à 13H10
SPY 600C : un impressionnant volume de 65 226 contrats, soit 37M$ de prime échangée... pour un strike à 600 $
Le point commun ? Toutes ont été ouvertes juste avant 13H18, heure à laquelle Trump publie une nouvelle annonce, cette fois officielle (diffusée sur Truth Social vers 13H18-13H20 selon les horodatages observés) : une pause de 90 jours sur les tarifs douaniers. Les marchés explosent. Les options aussi.
Données publiées par UnusualWhales
⏱️ Trop précis pour être honnête
Les graphiques le confirment : les positions ont été ouvertes quelques minutes seulement avant l'annonce, avec une précision quasi chirurgicale. Aucun volume anormal n'a été détecté les jours précédents. L'Open Interest en hausse ou en baisse selon les strikes indique que ces positions étaient fraîches, concentrées, et ciblées.
Regardons les performances :
SPY 504C : x8 en moins d'une heure
QQQ 460C : x4 à x5
SPY 600C : x2, malgré un strike extrêmement éloigné. Certains observateurs y voient possiblement une technique de camouflage, d'autres une couverture spéculative. Mais le timing reste troublant.
🧾 Le Sénat s'en mêle
Le lendemain, des membres du Sénat américain adressent une lettre officielle à l'Office d'éthique gouvernementale et à la Maison-Blanche. L'objet : déterminer si le Président ou son entourage a délibérément informé des tiers de l'annonce tarifaire avant publication, permettant un enrichissement massif par délit d'initié.
Le problème est systémique : les annonces ont été faites sous l'IEEPA (International Emergency Economic Powers Act), un dispositif d'urgence qui permet au président d'agir unilatéralement, sans contrôle ex ante. Autrement dit, personne ne peut vérifier ni bloquer l'information avant sa diffusion publique.
Who the fuck is DJT ?
L'affaire des options cache un autre scandale potentiel, moins visible mais tout aussi troublant. Le fameux message du 9 avril à 9H37 sur Truth Social pourrait avoir une deuxième lecture.
THIS IS A GREAT TIME TO BUY!!! DJT
Trois lettres. Une phrase. Un choc.
"DJT" n'est pas seulement les initiales du président. C'est aussi le ticker boursier de sa propre entreprise : Trump Media & Technology Group, la société mère de Truth Social. Et les conséquences de ce simple post ont été immédiates :
Le titre est passé de 16$ à 18$ en quelques minutes
Il a atteint ensuite 22$ dans la journée
Le volume de transactions a explosé, passant de 3,3K à 134K trades en 5 minutes
À première vue, aucun texte n'interdit à un président de promouvoir publiquement un actif qu'il détient. Mais en pratique, la question de la manipulation de marché ou du devoir fiduciaire en conflit d'intérêt reste largement non tranchée pour un chef d'État, en tout cas aux USA. Surtout depuis qu’Elon Musk rode dans les couloirs du pouvoir, proche de tous les régulateurs de ses business, ou que Donald Trump règle ses comptes avec tout ceux qui n’ont pas été dans son sens.
Le message "BUY DJT" prend alors une dimension vertigineuse : ce n'est plus une simple punchline populiste, mais potentiellement un distributeur automatique de cash pour ceux qui savent lire entre les lignes. Certains y ont vu une consigne pour acheter son action. D'autres, un signal codé annonçant une surprise macro imminente. Les plus complotistes pourraient même y voir une manière d’anéantir toute critique de délit d’initié… puisque l’information était publique.
Dans l'économie de 2025, la parole vaut action. Un président qui détient une entreprise cotée peut littéralement faire monter son cours par tweet interposé.
Ce n'est plus seulement de l'abus de pouvoir. C'est un modèle économique.
Dans un contexte normal, ce type de publication serait considéré comme une tentative de manipulation de cours si elle venait d'un CEO classique. Mais ici, seule la fonction présidentielle semble le protéger du cadre réglementaire habituel de la SEC et de la FINRA. La SEC désormais présidée par Paul Atkins choisi par… Donald Trump.
L'affaire DJT n'est pas juste un scandale de manipulation boursière. C'est un crash test démocratique : jusqu'où peut aller un homme public quand les frontières entre politique, finance et médias se sont totalement dissoutes ?
Plusieurs élus ont demandé à la SEC de déterminer si ce message pouvait constituer une forme de "pump" illégal sur une action détenue par un officiel public. Cette dimension s'ajoute aux soupçons déjà existants concernant les transactions d'options avant l'annonce tarifaire.
Trump n'a pas crié "Buy the dip". Il a dit : Buy Me.
Buy the Dip, Bury the Ethics
« PANICANS are losers and failures! Don't be a PANICAN!! »
Le 8 avril 2025, alors que l'Amérique tremble sous l'impact des nouveaux droits de douane annoncés par Donald Trump, la représentante républicaine de Géorgie Marjorie Taylor Greene n'a que mépris pour ceux qui s'inquiètent.
Cette sortie médiatique aurait pu passer pour une simple provocation politique. Un jour plus tard, elle prend une tout autre dimension.
Parce que le 7 avril, la représentante avait discrètement déposé ses déclarations obligatoires auprès du Congrès, révélant une vague d'achats effectués le 4 avril – exactement au moment où le marché touchait son point le plus bas après l'annonce initiale des tarifs douaniers.
Les documents officiels sont sans équivoque. Entre le 3 et le 4 avril, Marjorie Taylor Greene a investi entre 1K$ et 15K$ dans d'une quinzaine d’entreprises différentes : AMZN, AAPL, JPM, QCOM, LULU, RH, UPS, DELL, CAT, ODFL...
Cette liste ressemble à un index parfait des entreprises sensibles aux tarifs douaniers – celles-là mêmes qui allaient s'envoler si ces tarifs venaient à être suspendus. Un panel d'actions soigneusement sélectionnées, comme si elle disposait d'une information privilégiée.
Le cas de Restoration Hardware ($RH) est particulièrement frappant. Le titre avait plongé de près de 40% entre fin mars et début avril, passant de 250$ à environ 147$ suite à l'annonce des droits de douane. Greene l'achète précisément à son plus bas niveau le 4 avril. Cinq jours plus tard, après l'annonce de la suspension des tarifs, le titre bondit de 33,11%, approchant les 200$. Une entrée chirurgicale, au jour près.
C'était la première fois qu'elle achetait cette action.
Plus troublant encore : le contraste entre ses paroles et ses actes. D'un côté, elle participe activement à ce que Trump a baptisé la lutte contre les “panicans”. De l'autre, elle positionne silencieusement son portefeuille pour capter pleinement un éventuel revirement de politique.
Techniquement, rien d'illégal dans ce qu'a fait Marjorie Taylor Greene. Contrairement aux ministres ou aux hauts fonctionnaires, les membres du Congrès américain peuvent toujours acheter et vendre librement des actions individuelles. Sauf à savoir ce qui allait se passer par la suite.
Cela dit, le timing est encore une fois très troublant :
Un volume inhabituel d'achats concentrés sur une période très courte, inhabituel par rapport à ses achats passés ;
Un timing parfait, juste après la chute initiale et juste avant le rebond
Une communication publique agressive invitant à ne pas s'inquiéter des tarifs
La première acquisition de certains titres, comme RH, jamais présents dans son portefeuille auparavant
Une performance exceptionnelle de ses choix, largement supérieure au marché
Si l'on ajoute à cela sa proximité notoire avec Donald Trump, dont elle est l'une des plus ferventes supportrices au Congrès, la question se pose naturellement : Marjorie Taylor Greene savait-elle que le président s'apprêtait à suspendre les droits de douane qu'il venait d'instaurer ?
$TRUMP : Make Memes Great Again
Officiellement, c'est un jeton humoristique lancé pour "célébrer le combat pour la liberté". Officieusement, c'est une opération financière millimétrée, avec 100M$ de dollars encaissés, une chute de 80%, et des milliers de petits porteurs ruinés.
Lancé le 18 janvier 2025, trois jours avant l'investiture présidentielle, le token $TRUMP a attiré plus d'un demi-million d'acheteurs et s'est brièvement hissé parmi les 15 premières cryptomonnaies par capitalisation.
The Meme That Went to Market
L'aube se lève à peine sur les États-Unis ce 17 janvier quand les premiers forums crypto s'enflamment. Une nouvelle étoile est née dans la constellation Solana : $TRUMP. Dans l'univers parallèle de la finance décentralisée, où la valeur se crée parfois ex nihilo, un nouveau token vient d'apparaître, portant le nom du 45ème — et désormais 47ème — président américain.
"C'est quoi l'utilité ?" demande un internaute. "C'est Trump, c'est tout," répond laconiquement un autre. Dans ce monde où la narration supplante souvent la fonctionnalité, cette explication semble parfaitement suffisante. Pas de technologie révolutionnaire, pas de problème à résoudre, pas de service à offrir — juste un nom, une marque, une identité politique transformée en actif numérique.
48H plus tard, alors que le token commence déjà à attirer l'attention bien au-delà des cercles d'initiés, un message apparaît sur les réseaux sociaux X et Truth Social. L'ancien président lui-même, du haut de son compte officiel, publie :
My NEW Official Trump Meme is HERE! It's time to celebrate everything we stand for: WINNING!
Validé.
Le 20 janvier au matin, les traders se frottent les yeux devant leurs écrans : le prix du $TRUMP s'envole à 74$ amenant la marketcap à 14,5G$. Soit l'équivalent d'un fleuron industriel français, un poids lourd du CAC 40 créé en quelques jours.
En coulisses, les analystes blockchain notent un détail crucial qui échappera à la plupart des acheteurs enthousiastes : 80% de l'offre totale reste stratégiquement verrouillée et allouée à CIC Digital LLC, une filiale de la Trump Organization. Ces tokens sont verrouillés pour des périodes de 3 à 12 mois, suivis d'un déblocage quotidien progressif sur les 24 mois suivants. Les 20% restants sont répartis sur trois portefeuilles numériques soigneusement anonymisés.
Mais une analyse révèle notamment que le wallet créateur5 du $TRUMP détient plus de 157M$ en tokens6, sur 888 tokens différents, tous liés à Trump.
Pump & Circumstance
Pour comprendre ce qui se joue réellement avec $TRUMP, il faut s'extraire du brouhaha médiatique et plonger dans les mécanismes économiques sous-jacents. Car si les gros titres s'attardent sur la valorisation spectaculaire, les véritables architectes de l'opération ont conçu quelque chose de bien plus ingénieux : une pompe à liquidités imparable.
Imaginez une machine où chaque pièce que vous insérez rémunère non pas le propriétaire du jeu, mais principalement les premiers joueurs. En deux semaines à peine, cette machine nommée $TRUMP a sorti 100M$ de frais transaction7, des fonds bien réels.
Les trois portefeuilles initiaux ont déployé une stratégie inspirée des montages financiers les plus sophistiqués de Wall Street, mais adaptée à l'environnement crypto. Au cœur du dispositif : Meteora, une plateforme de finance décentralisée permettant d'appliquer des commissions variables sur chaque échange.
En économie traditionnelle, les frais de transaction constituent une friction, un "coût mort" qui réduit l'efficience des marchés. Dans l'architecture du $TRUMP, ces frais deviennent le moteur même du profit. Chaque achat, chaque vente, chaque mouvement de panique ou d'euphorie génère des commissions qui ruissellent — pour reprendre un terme à la mode — vers les détenteurs historiques via les pools de liquidité.
Plus les petits investisseurs s'agitent, plus la volatilité augmente, plus les échanges se multiplient... et plus les initiés encaissent, qu'importe si le cours monte ou descend. Une structure qui transforme même le krach final en opportunité de profit pour ses concepteurs. Le token $MELANIA lancé (ou en tout cas validé) par la Première Dame quelques jours après le $TRUMP a connu un sort similaire, s'effondrant de 90% pour atteindre 1,50 $ après avoir culminé à 13,73 $ par jeton.
Les analyses blockchain révèleront plus tard un autre timing troublant : peu après l'annonce présidentielle, les wallets liés (de loin, mais pas être pas si loin) à l'équipe Trump commencent à transférer méthodiquement leurs tokens vers diverses plateformes d'échange.
Le processus ressemble à une chorégraphie millimétrique. Premier transfert : 2,3M de tokens depuis le wallet principal vers Binance. Deuxième mouvement : 1,7M vers KuCoin. Troisième acte : fractionnement des avoirs restants vers une constellation de plateformes décentralisées, rendant le traçage plus complexe.
La séquence évoque irrésistiblement le fameux pump and dump des penny stocks de Wall Street, immortalisé dans Le Loup de Wall Street, sauf qu'ici, l'influenceur n'est pas un courtier de Long Island.
Pump Fiction
Début février, les forums crypto sont devenus silencieux. Les mèmes humoristiques ont cédé la place aux calculs de pertes. Le $TRUMP s'effondre sous la barre des 20$ le 2 février. Le token perdra encore de sa valeur dans les semaines suivantes, glissant jusqu'à 10$ mi-mars 2025, soit une chute de plus de 85% depuis son ATH8.
Les données consolidées par Reuters, en collaboration avec plusieurs cabinets d'analyse blockchain comme Chainalysis, estiment à près de 200’000 le nombre de portefeuilles crypto, principalement de HODLers ayant perdu de l'argent dans l’histoire. L'analyse révèle également qu'au moins 50 des plus gros investisseurs ont chacun engrangé des profits supérieurs à 10M$.
Un détail révélateur : le wallet créateur du $TRUMP a été actif bien avant l'annonce officielle. Le mint date du 17 janvier à 14hH01 UTC, tandis que l'annonce de Trump n'est survenue que le 18 janvier à 9H44 UTC. Durant toute la nuit, ce wallet a frénétiquement acheté de très nombreux mèmecoins liés à Trump... Au moins 250 tokens différents ont été achetés avant l'annonce officielle, pendant que le wallet continuait ses achats sans discontinuer. Puis, étrangement, quand l'annonce de Trump arrive, le compte cesse subitement d'acheter. Mais sa valorisation vient d'exploser.
Selon plusieurs enquêtes, dont celle de 10x Research les portefeuilles initiaux ont méthodiquement liquidé leurs positions dans les heures précédant l'introduction du token sur les principales plateformes d'échange centralisées9. Leur rapport indique explicitement que "la plupart des investisseurs précoces ont encaissé leurs gains juste avant que les grandes plateformes ne listant le coin, alors que sa valeur dépassait 60$ et atteignait brièvement 70$." Ce timing n'est pas anodin : c'est précisément le moment où le grand public — moins technique, moins averti, mais plus nombreux — pouvait enfin accéder facilement au token tant médiatisé. Comme souvent, le retail a servi de liquidité…
Les pertes liées à la chute du cours du $TRUMP rappellent les cycles baissiers précédents, notamment le boom et l'effondrement des NFT en 2021.
Mais trois facteurs rendent le cas $TRUMP particulièrement préoccupant :
La vélocité : l'ensemble du cycle — lancement, bulle, implosion — s'est déroulé en moins d'un mois, contre plusieurs trimestres pour des cycles spéculatifs comparables.
L'opacité structurelle : malgré la transparence technique de la blockchain, l'architecture des entités juridiques derrière l'opération forme un labyrinthe de sociétés-écrans et de nominations croisées.
La dimension politique : pour la première fois dans l'histoire financière moderne, un candidat à la présidence est directement impliqué dans une opération spéculative touchant des centaines de milliers de citoyens-électeurs.10
L'économiste Robert Shiller, spécialiste des bulles spéculatives, aurait probablement trouvé dans le cas $TRUMP une parfaite illustration de sa théorie des "spirales de feedback narratif" — où la valeur d'un actif dépend moins de ses fondamentaux que de l'histoire qu'on raconte à son sujet. Sauf qu'ici, les narrateurs et les bénéficiaires sont les mêmes personnes.
Moralité 0x00
Derrière le phénomène $TRUMP se cache un projet encore plus ambitieux : World Liberty Financial (WLF). Durant tout le mois de décembre, cette plateforme appartenant directement à Trump a multiplié les achats (ETH, LINK, AAVE, ONDO, etc.) pour plusieurs dizaines de millions de dollars.
Le lendemain même de l'annonce du $TRUMP, WLF a acheté pour 48M$ de dollars d'ETH, portant ses réserves à 33 600 ETH. En réalité la famille Trump a pris le contrôle total de World Liberty Financial tandis que celle-ci levait plus d'un demi-milliard de dollars11. Initialement lancée à l'automne 2024, WLF a pour objectif de permettre à ses utilisateurs d'accéder à des services financiers utilisant les cryptomonnaies sans intermédiaires comme les banques, via la DeFi. WLF travaille également sur le stablecoin USD1.
Le deal conclue avec WLF amène les Trump à obtenir 75% des revenus nets provenant des ventes de tokens et à 60% des opérations de WLF une fois l'activité principale lancée. Selon les calculs de Reuters, la famille Trump aurait déjà pris environ 400M$ en frais. Après que les co-fondateurs de WLF aient pris leur part, il ne resterait à l'entreprise… que 5% des 550M$ levés à ce jour pour construire la plateforme.
Le mois dernier, c’est Eric et Donald Trump Jr., qui ont pris une participation minoritaire dans le mineur American Bitcoin12 qui vise une IPO.
À l'heure où le marché crypto retrouve des couleurs et où la Maison Blanche affiche désormais un soutien sans faille à l'innovation blockchain, cette convergence entre pouvoir politique et intérêts financiers personnels pose de sérieuses questions. Plusieurs membres du Congrès ont déjà appelé à une enquête sur le mème coin de Trump. Le représentant Sam Liccardo, un démocrate qui représente la Silicon Valley, a même introduit le Modern Emoluments and Malfeasance Enforcement Act (MEME Act), qui interdirait l'émission ou l'approbation de tout actif financier par le président, les hauts fonctionnaires de la Maison Blanche ou les membres du Congrès, ou leurs conjoints ou enfants.
Conclusion
Est-ce qu’il y a eu des agissements illégaux dans toutes ces histoires ? Je ne suis pas juge, et mon enquête a ses limites. Mais à force d'accumuler des coïncidences troublantes, des timings chirurgicaux, et des intérêts croisés entre décisions politiques et bénéfices personnels, le doute s’installe et les questions se posent.
Un président ne devrait pas dire (faire ?) ça, aurait on écrit en France. Dans un contexte où la confiance envers les institutions, la finance et la politique est déjà particulièrement fragile, ces tweets amplifient dangereusement un climat de suspicion généralisée. Même si ces agissements restent techniquement légaux aujourd’hui, leur légèreté et leur imprudence alimentent un sentiment profond de malaise et de défiance.
On ne sait pas encore si des lignes rouges ont été franchies. Mais ce qu’on sait, c’est que ce genre de pratiques entretient la confusion et fragilise davantage la crédibilité déjà ébranlée de ceux qui nous gouvernent.
À l’heure où les démocraties sont de plus en plus fragiles, personne ne devrait laisser la place au doute.
Je m’appelle Benjamin Charles, et je fais du conseil en branding, positionnement et création de contenus pour des entreprises de la finance, de l’immobilier et du web3.
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Le SPY est un ETF qui réplique le S&P 500.
Le QQQ est un ETF qui réplique le Nasdaq-100.
Heure de New-York, qu’on va garder tout au long du texte.
Le chiffre est le prix de l’option.
Le C désigne que c’est un call, donc un achat.
5e2qRc1DNEXmyxP8qwPwJhRWjef7usLyi7v5xjqLr5G7
Au 11 mars 2025 en réalité, cette partie de la newsletter a été écrite mais abandonnée. Je n’ai pas refait l’intégralité de l’enquête puisque ça ne change pas le fond.l
Trump's meme coin made nearly $100 million in trading fees, as small traders lost money, Tom Wilson and Michelle Conlin, Reuters, 3 février 2025
All time high, sommet historique
TRUMP Token Takedown—Did Insiders Plan The Crash?, Trading View, 13 mars 2025
Bon ok, depuis, y’a eu le zozo argentin
How the Trump family took over a crypto firm as it raised hundreds of millions, Tom Wilson, Tom Bergin, Lawrence Delevingne and Michelle Conlin, Reuters, 1er avril 2025
« American Bitcoin » : la famille Trump se lance dans le minage de BTC avec Hut 8 !, Journal du Coin, 31 mars 2025
https://open.substack.com/pub/ajmalkk/p/the-long-game-why-playing-hardball?utm_source=share&utm_medium=android&r=5k6hlm
Excellent article.
Le premier que je vois avec autant de détails et de professionnalisme.
Merci pour ce travail