💥 Combien coute ta vie ?
Il parait que la vie n'a pas de prix. Pourtant, tout montre l'inverse, même dans nos propres choix.
Bonjour,
Dans un marché globalisé où la spéculation existe sur à peu près tout, du blé aux cartes Pokemon, la quasi-totalité de ce qui existe a été financiarisé.
C’est pas totalement dénué de sens.
A l’origine, la monnaie a été inventée pour faciliter les échanges. Donc donner un prix permet de faciliter la compréhension, afin d’avoir un référentiel commun.
Mais alors : est-ce que la vie a un prix ?
Le célèbre adage semble dire l’inverse. Pourtant, le vivant est largement financiarisé. Certains pays autorisent la vente d’organes, d’autres permettent de breveter des organismes (OGM, virus etc.). A chaque fois se posent les mêmes questions éthiques qu’un grand philosophe a très bien résumé :
« Qui a le droit ? Qui a le droit ? Qui a le droit d'faire ça ? »
Pourtant, si les débats bioéthiques sont parfaitement entendables, les vies humaines ont déjà un prix. Non seulement c’est normal, mais c’est éminemment utile.
Avant propos : cet article est froid et analytique. Il tend à faire fi des convenances sociales et des émotions pour se concentrer sur des chiffres. Il se base sur des faits rationnels, des études et retire toute forme d’émotion dans l’analyse. C’est évidemment un biais fort, mais un parti pris.
Ces écrits ne cautionnent aucune forme de violence sous aucun prétexte et d’aucune façon et n’expriment à aucun moment une opinion sur un sujet passé ou présent, un fait divers, un évènement, une actualité ou une personne en particulier.
Sans le moindre jugement de valeur, je déconseille cette lecture aux personnes qui ont du mal à se détacher de leurs émotions pour analyser un sujet.
Tout commentaire visant à porter un jugement de valeur sur une politique ou une opinion sera immédiatement supprimé, et tout propos haineux signalé.
Tu peux aussi faire un don ici. C’est libre, et surtout y’a pas Substack qui prend 10% et Stripe 3% 😅.
🧐 Combien ça coute ?
Si tu es normalement constitué, que tu as des relations à peu près normales avec tes parents, tu devrais répondre non à la question :
« Est-ce que tu acceptes que je tue tes parents pour 1’000€ ? »
Si je continue et que je dis :
« Et pour 1 million ? »
Puis que je continue à monter, tu vas finir par me dire un truc du genre :
« Non, même pour tout l’or du monde. »
Y’a 3 raisons à ça.
Ce sont des gens que tu connais, que tu aimes, avec une situation très concrète ;
Les sommes, elles, ne sont pas concrètes, parce que tu sais que t’es dans une expérience pensée ;
Nous sommes dans le cas souvent étudié1, d’une rhétorique de l’extrême, qui ne permet pas d’apporter de nuance.
Maintenant, imaginons qu’au lieu d’avoir cette discussion, je t’avais proposé 1 ‘000€, et qu’en échange, une personne que tu ne connais pas, que tu n’avais jamais vu, et avec laquelle tu n’auras jamais la moindre relation avec aucun de ses proches, meurt.
Sans doute que tu vas refuser.
Mais pour 100’000, un million, dix millions etc. : à combien vas tu accepter ?
La première barrière vient de sauter, mais pas les suivantes.
Un exemple qui passe les 3 est raconté dans la série D’argent et de sang, sur l’escroquerie à la taxe carbone.
Les escrocs sont dans un avion, et propose à un membre de l’équipage de manger une banane avec la peau. Le steward refuse 1’000€, puis 5’000€… puis accepte à 10’000€. Selon un des vrais protagonistes, c’était 30’000€, et dans une partie de poker.
Mais peu importe : le steward avait une limite. Et elle a été brisée parce qu’il ne s’agissait pas d’une expérience de pensée, mais d’une action à faire en échange d’une somme concrète, posée sur table devant lui.
Voila pourquoi il n’est pas possible de faire un sondage réaliste sur des questions avec un vrai enjeu :
Pour la raison 2, décrite au dessus ;
Parce que les sondages sont déclaratifs, et par définition, faux.
Les gens déclarent ce qu’ils pensent devoir dire, devoir faire, ou par rapport au jugement qu’ils pensent nécessaire.
Tout le monde veut sauver la planète.
Tout le monde veut dit vouloir consommer écolo.
Tout le monde trouve que le Made-in-France c’est mieux que Shein.
Mais tout le monde continuer à bouffer de la viande, prendre sa bagnole, vivre dans une maison mal isolée et achète des fringues chinoises fabriquées dans des conditions atroces.
Chacun, indirectement, donne donc un prix à la vie.
A la sienne, mais surtout à celles des autres.
💡 Vendre ou louer ?
Avant de passer au prix d’une vie, il convient de noter que la quasi-totalité des humains louent une partie de la leur : ça s’appelle le travail.
Quand des actionnaires créent une entreprise, ils mettent en commun des moyens de production, pour créer des produits ou des services (en tout cas, de la richesse), et mettent à contributions des humains, dont ils rémunèrent le temps. C’est le salaire.
Ce concept a plusieurs fois été remis en cause.
C’est d’ailleurs l’une des bases du marxisme : faire en sorte que les bourgeois2 ne possèdent plus les moyens de production et que les prolétaires s’en emparent, pour mieux rétribuer leur travail.
Depuis deux décennies, la montée en puissance de ceux qui théorisent le développement personnel et l’indépendance financière (dont la plupart son indépendants en vendant leurs conseils), a amené de nombreuses personnes à tenter de ne plus monétiser leur temps. Et donc, en réalité à avoir des revenus du patrimoine, dont la richesse est créée par les autres.
Le fond est donc simplement déplacé.
Mais qu’en est-il, lorsqu’il est question de céder entièrement sa vie ?
☠ Mourir pour des idées (mais de mort lente)
Un certain nombre de personnes dédient leur vie, et encore plus facilement celles des autres, pour des causes qu’ils trouvent justes.
On retrouve là-dedans des religieux, des politiques ou des sectes, c’est-à-dire des personnes qui portent des idées.
Quand des sectes (Ordre du Temple Solaire, Aum Shinrikyō, Temple du Peuple etc.) amènent au sacrifice des humains, c’est pour une croyance commune, leadée par le gourou. Pour le dirigeant, la valeur de ces humains est inférieure à celle de ces idées.
C’est pareil dans chaque guerre où les chefs envoient au front des jeunes hommes dont la mort est justifiée par le casus bellum, et récompensée par la gloire, concept inventée pour minorer le prix.
« lls soufflent sur des braises, planqués dans leur confort
Nous chantent la Marseillaise tant que la mort reste inodore
Ils pensent la guerre, mais ne porteront jamais le treillis
Quand on manquera de cimetières ils fuiront le pays »
- Kery James, Vivre ou Mourir Ensemble (2016)
On retrouve ce cas chez les politiques et les dirigeants de grosses entreprises. Les décisions qu’ils prennent vont impacter des centaines, des milliers voire des millions de personnes. Mais ils n’en seront que rarement impactés directement.
Et nombreuses sont les personnes impactées qui se disent otages de ces décisions. Et pourtant…
😬 Piège de cristal
La monnaie n’est rien. Ce n’est qu’une représentation symbolique d’un échange.
Ma pièce d’un euro ne sert à une seule chose : donner un chiffre universel lors de tous les échanges. Elle ne marche qu’à une condition : que les gens qui sont impliqués dans l’échange donnent la même valeur, donc la même confiance.
C’est exactement le cas des otages : ils sont une monnaie humaine. La difficulté c’est la valeur que chacun va donner aux humains qu’il détient, et à ceux qu’il a perdu.
Un exemple frappant est celui des échanges de prisonniers palestiniens et israéliens.
Pendant plusieurs années, les dirigeants d’Israël ont refusé toute négociation lors des prises d’otages par le FDLP3. Jusqu’au massacre de Ma’alot qui fait 32 morts dont 22 enfants, et traumatise profondément le pays en 1974.
Depuis, Israël se porte garant de la sécurité de ses otages, ce qui est d’ailleurs l’une des raisons d’être de sa création.
En 2006, le jeune soldat de 20 ans Guilad Schalit est capturé par le Hamas. A l’époque je suivais en tant que photographe les deux comités français en soutien à Ingrid Betancourt, et plusieurs fois le nom de Guilad Schalit (et sa photo que je garde toujours en mémoire) était apparu. Son histoire m’avait touchée parce qu’il avait tout juste un an de moins que moi.
En 2011, il est libéré après 5 ans de captivité contre 1’000 otages palestiniens. Parmi eux, beaucoup ont repris les armes. 1 contre 1’000.
En 2019, The Times of Israël dénombrait 10 morts suite à des attaques perpétrés par ces libérations4.
Le 14 octobre 2023, un porte-parole de l’armée israélienne annonçait la mort d’Ali Kachi, un des cadres du Hamas de l’unité Nukhba. Activement impliqué dans l’attaque terroriste contre Israël du 7 octobre 2023, il avait été libéré lors de l’échange de Guilad Schalit5.
🐶 Un après-midi de chien
Ingrid Betancourt, elle, avait été libérée avant Shalit, en 2008. Comme toujours, la France (comme la plupart des grands pays) a nié avoir payé pour libérer l’otage française, qui s’est envolée en hélicoptère après une opération militaire.
A l’époque, la Radio Suisse Romande avait parlé d’une rançon de 20M$, et affirmé que l’opération n’était qu’une mise en scène destinée à faire oublier l’argent6. Selon la totalité des gens, y compris très proches des opérations, que j’ai interrogé et connu à l’époque, cette information est fausse et l’Opération Jaque qui a permis libération était bien réelle. Aucune rançon n’aurait été payée. Une version confirmée à plusieurs reprises par Ingrid Betancourt7, mais également le président colombien de l’époque Alvaro Uribe.
Ce n’est pas toujours le cas.
Pour faire revenir les journalistes Christian Chesnot et Georges Malbrunot enlevés en Irak en 2004, la France a payé 15M$. Une somme conforme au « marché », qui va de 2,5 à 10M$ / personne.
C’est ce que vaut la vie d’un citoyen d’un grand pays, capturé par des terroristes d’un pays en guerre.8
5M$ pour René Braunlich et Thomas Nitzschke (Allemagne) (10M$ demandés) ;
6 à 10M$ pour Giuliana Sgrena (Italie) ;
10M$ pour Florence Aubenas (France) ;
3M$ pour Susanne Ostloff (Allemagne) ;
14M$ pour Didier François et Edouard Elias (France) ;
100M$ pour les 5 femmes dites « infirmières bulgares ».
Impossible de dire comment est réellement fixé ce cout. Mais le prix est directement indexé sur la popularité des otages. Paradoxalement, plus les comités de soutien travaillent, plus l’Etat va intervenir, mais plus les prix augmentent.
Parce qu’en réalité, ce qui payent surtout les Etats, c’est leur propre image.
En 2007, Nicolas Sarkozy fait des infirmières bulgares une de ses priorités médiatiques. Les 100M$, c’est le prix de son image. Et s’il n’a pas été payé de rançon pour Ingrid Betancourt, le cout de l’Opération Jaque a été intégralement supporté par la France.
Par contre ce qui est clair, c’est que ces rançons financent directement le terrorisme et une flopée d’intermédiaires. Certains pays (comme le Royaume-Uni) refusent catégoriquement de payer, avec des conséquences lourdes.
Sur la quinzaine d’otages britanniques depuis 50 ans, seuls 5 sont revenus vivants. Tous dans le cadre d’un accord entre des mouvements libanais et palestiniens.
En mars 2023, le Mali accusait la France d’avoir financer un groupe proche d’Al-Qaïda pour négocier la libération d’Olivier Dubois9. Une somme estimée à 6M$ selon une source locale.
Des pratiques qui interrogent forcément puisque depuis 2001, des centaines de lois ont été pondues à travers le monde pour limiter le financement du terrorisme. C’est d’ailleurs l’une des obligations majeures des sociétés financières.
Mais la pratique des otages n’est pas nouvelle.
En 1430, Jean de Luxembourg capture Jeanne d’Arc à Compiègne et la vend aux Anglais pour 10’000 livres tournois1011. C’est suite à cela qu’elle est remise à l’évêque de Beauvais qui fera son procès en hérésie, la conduisant au bûcher quelques mois après.
Jules César en son temps avait déjà été capturé par des pirates contre rançon. L’Histoire (sans qu’on en soit réellement sûr) retient même qu’il aurait été vexé… par le montant très bas demandé par ses ravisseurs.12
Mais l’histoire est intéressante parce que c’est la vraie première trace de monnayage d’une vie humaine. Parce que si Aetius fut otage romain des Wisigoths, et Arminius otage wisigoth des Romains, c’était surtout une manière de garantir un traité de paix. Ce que faisaient déjà les Spartiates au Ve siècle avant notre ère, sans contrepartie financière.
🔴 Nos vies valent plus que leurs profits
Si en France comme ailleurs, on protège ses ressortissants à l’étranger… C’est aussi vrai sur son territoire, tout les jours. Et on tend à l’oublier.
Prenons les dépenses de santé.
Les Français ont consommé pour 235mds€ de soins et de biens médicaux en 202213, soit 9% du PIB (207mds€ en 2019, 210mds€ en 2020, 226mds€ en 2021), dont :
114mds€ en soins hospitaliers (89mds€ dans le public, 26mds€ dans le privé) ;
62mds€ en ville (25mds€ chez les médecins, 14mds€ chez les dentistes) ;
33mds€ de médicaments.
Rien que les hôpitaux ont un déficit (après financements publics) de 500 à 1000M€ / an.
En 2023, notre ONDAM ( joli mot pour dire « objectif national des dépenses d'assurance-maladie ») était de 244mds€, soit 4600€ / personne.14
C’est que l’Etat accepte de payer pour notre santé.
C’est assez peu concret, et surtout, pas très intéressant sur le cout réel qu’on donne à la vie.
Prenons des chiffres plus clairs.
Le cout social du tabac est de 156mds€ / an15 ;
102mds€ pour l’alcool ;
7,7mds€ pour les drogues illicites.
Selon les estimations, la mortalité annuelle suit le même ordre :
Entre 200 et 500 morts par an liées aux drogues16 ;
Entre 40 et 50’000 pour l’alcool ; 17
Entre 70 et 80’000 pour le tabac.
Le tabac est un exemple particulièrement intéressant. Un sondage en 2020 indiquait que 56% des Français pensaient que le tabac rapporterait plus qu’il ne coute.18 Une idée reçue principalement liée au traitement médiatique intense à chaque hausse des taxes.
Pourtant le tabac, hors cout social19 :
Coute 1,6mds€ / an en prévention ;
26mds€ en soin ;
Et rapporte 16mds€.
On pourrait donc s’attendre à ce que les moyens déployés pour lutter contre la drogue soient 160x inférieurs à ceux contre le tabac.
En 1997, le cout de la répression anti-drogue côté police était estimé à 1,03mds€20. Un chiffre qui aura forcément beaucoup augmenté en 30 ans sans qu’on puisse dire dans quelle proportion. Et qui exclut la répression judiciaire (tribunaux, prisons, conseillers de réinsertion etc.).
Pourtant, le seul effet direct démontré : c’est l’augmentation drastique des prix.21
A l’inverse, comme la plupart des taxes, celles contre le tabac marchent. La totalité des études, en France comme à l’étranger, montre un lien direct entre la hausse de la fiscalité, et la baisse des usages.22
Une simple règle de trois permet d’estimer le prix d’équilibre du paquet entre 40 et 50€. Mais combien de gens seraient prêts à payer leur propre risque lié à l’usage de l’alcool ou du tabac ? Mieux, si on faisait un sondage, combien de non-fumeurs seraient à l’aise pour que la société paye les soins aux fumeurs, volontaires ?
Cette réflexion pourrait s’appliquer à pas mal de sujets.
Combien trouveraient normal que la société entière paye les 10,6mds€ / an que coute l’obésité, soit 1240€ / personne traitée23. Combien diraient que, finalement, elles sont un peu responsables de leur poids, dès lors qu’on leur donnerait ce cout ?
De quoi remettre intégralement en cause le modèle de santé mutualisé.
On voit néanmoins une décorrélation forte entre les dépenses destinées à lutter contre les drogues criminalisées et les drogues sociales (tabac, alcool) qui sont parfaitement acceptées.
De quoi conclure que le prix de la vie des drogués vaut plus que ceux des consommateurs d’alcool ? Ou est-ce justement la démonstration que nombre de décisions sont prises de manière irrationnelle ?
Ces réponses à ces questions donnent directement un prix à la vie. Mais elles donnent surtout une autre indication : le prix d’une vie dépend d’un jugement de valeur.
😣 Toutes les vies ne se valent pas
J’avais commencé à écrire cette newsletter y’a 1 an, et je l’ai repris il y a quelques temps suite à une chronique de David Castello-Lopes, l’homme le plus drôle du monde.
« Il y a en moyenne 2 enfants en France qui meurent étouffés avec des chips à l’ancienne. Mais ces 2 morts pourraient être évités grâce à une campagne massive de sensibilisation aux dangers de la chips à l’ancienne, dont la surface moins lisse que la chips tendance, a tendance à se fixer sur les voies aériennes des nourrissons et à provoque leur décès.
Cette campagne va couter 100M€.
Vous allez me dire qu’avec cet argent, on pourrait faire des trucs mieux, genre repeindre Montreuil en violet.
Or si vous dites ça, vous avouez implicitement que la vie de ces enfants qui vont s’étouffer dans le futur ne vaut pas 100M€. Elle vaut moins. »
En fonction de ses propres idées, des jugements que l’on porte sur une personne où une situation, on va attribuer une valeur différente à la personne.
Prenons les prisons qui coutent autour de 5mds€ / an24 (hors construction) pour 70’000 détenus, soit environ 70K€ / personne / an.
Dans le même temps, un écolier coute 6,2K€ / an, un collégien 9,7K€ et un étudiant 10,2K€.25
Régulièrement, les débats sur les prisons se résument d’ailleurs à des phrases de type :
« Ils sont mieux traités que nos vieux dans les EPHAD »
On pourrait se dire que ça fait cher pour quelqu’un qui a fait des conneries.
Qu’on pourrait mettre plus dans l’éducation.
Que ça ferait baisser le nombre de conneries.
Que les budgets dédiés à l’accompagnement des victimes n’est pas aussi élevé.
Allons à l’extrême.
La détention de Salah Abdeslam26 à Fleury-Mérogis coute 400’000€ / an.27
Non pour lui offrir des conditions de rêve, mais au contraire pour lui donner une détention la plus sévère qui soit, tout en respectant ses droits élémentaires.
La vie d’un fils, assassiné par les compères d’Abdeslam, vaut, selon le Fonds de garantie des victimes du terrorisme, 47’500€28
🖼️ Au tableau !
Parce qu’il a bien fallu définir combien valait un préjudice, et donc une vie : c’est le lot quotidien de la justice. Il est assez aisé de déterminer combien vaut la perte d’une maison, d’une voiture, ou même d’un emploi. Mais combien vaut la perte d’un mari ou d’un bras ?
Eh bien, il existe des barème du préjudice. En 2006 sort le barème Dintilhac, issu d’un rapport du juge du même nom, destiné à apporter un peu de cohérence. En 2020, il a été mis à jour pour tenir compte de la jurisprudence, et porte le nom de Benoît Mornet, nouveau rapporteur.29
La vie d’un parent vaut pour un enfant :
25 à 35’000€ s’il est mineur ;
+45 à 60% s’il est orphelin ;
15 à 25’000€ s’il est majeur vivant chez ses parents ;
11 à 15’000€ s’il avait quitté le domicile.
Dans le sens inverse :
20 à 33’000€ pour un enfant qui vivant chez ses parents ;
15 à 25’000€ sinon.
Pour les fratries, comptez entre 9 et 14’000€, montant identique à celui des grands-parents pour leur petit-enfant. Et inversement pour le petit-enfant qui perd son grand-parent. Mais c’est moins s’il n’est pas possible de justifier de visites régulières.
Le barème inclut tout ce qui peut gêner la vie, sans l’enlever. Un handicap par exemple.
Exemple : une victime de 25 ans subissant un déficit de 30% a un préjudice estimé 30 x 3’465€ = 103’950€.
🎭 La valse des pantins
Les exemples ne manquent pas. Les assurances couvrent la vie et la santé. Les véhicules protègent plus ou moins la vie des passages, en fonction du prix qu’ils y mettent. Les opérateurs funéraires donnent un prix à la mort. Les politiques publiques donnent implicitement un prix à la sécurité, et donc aux risques. Les normes de sécurité installent une balance pour plus ou moins protéger les citoyens, contre un prix supporté par une entreprise.
Dire que « la vie n’a pas de prix » est faux. C’est une expression toute faite qui n’a pas de sens et qui voudrait juste éluder un débat compliqué qui rythme pourtant nos quotidiens.
Ce qui est vrai, par contre, c’est que la vie n’a pas un prix absolu.
Si je meurs naturellement demain, ma vie ne vaut globalement rien ;
Si je meurs accidentellement, une assurance pourrait indemniser mon conjoint, mon entreprise, mon enfant etc. en fonction des garanties et du préjudice subie ;
Si je meurs à cause de quelqu’un, alors le prix mis en face va être plus élevé, parce que la justice va valoriser le préjudice moral, et qu’une personne peut être tenue responsable ;
Si je suis pris en otage, mon prix de marché va exploser, parce que la France va non pas valoriser ma vie, mais son propre préjudice à elle si je venais à mourir.
Et j’exclus de ce raisonnement l’argent que mes parents et l’Etat ont investi dans mon éducation, ma santé etc., qui pourrait presque permettre de faire des calculs de rendement 😅.
Donner un prix à une vie humaine n’est pas cynique.
Parce que ce qu’on entend par prix, c’est la valeur faciale d’une monnaie.
Mais la monnaie n’a été créée que pour avoir un référentiel commun d’échange.
Le prix d’une vie n’est pas un jugement de valeur entre des individus, mais entre des contextes.
Comparer le cout de la détention d’un prisonnier, au préjudice estimé suite à la mort d’un parent, lui même comparé au handicap permanent n’a pas de sens.
Mais mettre des données précises en face de situation, c’est être capable de prendre des décisions rationnelles, logiques, adaptées et équitables. Et tenter de ramener, à défaut d’une justice absolue, un peu d’équité.
Alors peut-être qu’on peut dire que la vie n’a pas de prix.
Mais en tout cas, le contexte dans lequel on peut la perdre en a un.
Un grand merci à Pierre Kopp, professeur des universités "Economie du droit, Economie publique" à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, pour le partage de ses notes.
Je m’appelle Benjamin Charles, et je fais du conseil en branding, positionnement et création de contenus pour des entreprises de la finance, de l’immobilier et du web3.
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L’argument de l’extrême : réflexion sur la rhétorique de l’Holocauste dans les médias en temps de pandémie, Marie-Dominique Asselin, décembre 2020
Ce sont les termes de Karl Marx dans Le Capital.
Front démocratique pour la libération de la Palestine
Les terroristes libérés contre Gilad Shalit auraient fait au moins 10 morts, Time of Israel, 13 mai 2019,
L'armée israélienne se prépare à une "attaque aérienne, maritime et terrestre", I24News, 14 octobre 2023
« Les 15 otages ont en réalité été achetés au prix fort, après quoi toute l'opération a été mise en scène », journal de la mi-journée de RSR, 4 juillet 2008
Betancourt doute du versement d’une rançon, France24, 4 juillet 2008
How $45m secretly bought freedom of foreign hostages, The Times, Daniel McGrory, 22 mai 2006
Derrière l’enlèvement du journaliste Olivier Dubois au Mali, les manœuvres et les ratés des autorités françaises, Morgane Le Cam, Le Monde, 16 mai 2023
La prise de Jeanne d'Arc devant Compiègne, Paris, 1889, Alexandre Sorel, Collections numériques de la Sorbonne, 1904
L’équivalent de 1 à 1,3M€ actuels, selon les travaux de Thomas Fressin
Vies des Hommes Illustres : Vie de Caïus Julius César, Plutarque, traduit par Alexis Pierron, Paris : Charpentier, 1853
France, portrait social, Edition 2023, Dépenses de santé, INSEE, 23 novembre 2023
Le coût social des drogues : estimation en France en 2019, Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), Pierre Kopp, juillet 2023
Évolution du nombre de décès par surdose depuis 1985, OFDT sur des données CépiDC / Inserm
Décès directement liés aux drogues. Évaluation de leur nombre en France et évolutions récentes. Tendances, OFDT, 2019, n° 133, 8 p.
Consommation d’alcool en France : où en sont les Français ?, Santé Public France, 2020
Des décès liés à la consommation d’alcool et de tabac plus fréquents chez les hommes que chez les femmes, INSEE, 2018
Tableaux de l'Économie Française, Edition 2010, Tabac - Alcool - Toxicomanie, 24 mars 2010
Le vrai coût du tabac pour tous, Alliance Contre le Tabac (ACT), novembre 2020
Conséquences indirectes sur la santé (dépression etc.), sur l’entourage (violences etc.), sur la société (déchets, frais de justice etc.)
Le coût de la politique publique de la drogue, Pierre Kopp, CNRS, 1997
Montant converti en euro et actualité avec l’inflation.
La répression policière de l’usage de stupéfiants, Hélène Martineau, Mémoire, 1998
L'impact des politiques répressives sur l'offre de drogues illicites, Sylvaine Poret, Revue économique, mai 2006
Augmentation des taxes sur le tabac, OMS, 2014
La mort et les impôts - La lutte antitabac, Prabhat Jha, Joy de Beyer et Peter S. Heller, Finances & Développement, décembre 1999
Tobacco taxes as a tobacco control strategy, Chaloupka FJ, Yurekli A, Fong GT., Control. 2012
Effectiveness of Tax and Price Policies for Tobacco Control, Frank J Chaloupka, Kurt Straif, Maria E Leon, IARC Handbooks of Cancer Prevention Volume 14, 2011
L’obésité en France : un coût de 10,6 Mds€ par an pour la collectivité, Asterès, mars 2022
Une surpopulation carcérale persistante, une politique d'exécution des peines en question, Cour des comptes, 2023
Dépenses d’éducation par élève ou étudiant, Données annuelles de 1980 à 2022, INSEE, 12 décembre 2023
Seul terroriste survivant des attentats du 13 novembre 2015 en France
Attentats du 13-Novembre : le titanesque et douloureux processus d’indemnisation des victimes, Christophe Ayad et Henri Seckel, Le Monde, 6 juin 2022
L’indemnisation des préjudices en cas de blessures ou de décès, Benoît Mornet Conseiller à la Cour de cassation, septembre 2020
L'administration française est responsable du réseau routier et doit faire tous les aménagements nécessaires pour assurer la sécurité de ce réseau, or comme elle doit aussi veiller à l'égalité des citoyens, elle doit ne pas avantager les bretons par rapport aux auvergnats, ou l'inverse, sur ce thème, et donc en pratique elle doit calculer, pour chaque aménagement de sécurité envisagé, les probabilités que cela évite des décès ou des blessures, et optimiser ses dépenses pour obtenir le maximum de vie épargnées et/ou de blessures évitées pour un budget donné, sans avantager une région plutôt qu'une autre. Cela revient en pratique à déterminer une valeur financière pour chaque vie épargnée et à réaliser les aménagements de sécurité qui sont "rentables" d'après ce critère, et pas ceux qui ne le sont pas.
Mème chose pour le système de soins public, les dépenses publiques doivent être à la foi optimisées et égalitaires, ce qui impose en pratique de déterminer une valeur financière pour chaque vie sauvée et à tenir compte de ce qui est "rentables" et de ce qui ne l'est pas, selon ce critère, dans la politique de santé publique. Ça pose des problèmes évident avec l'éthique médicale ancienne qui impose aux médecins de faire tout ce qu'ils peuvent pour assurer la survie de leurs malades, sans considérations de coûts. On peut répondre à ce problème avec un système de santé privé, payé par les malades, en plus du système de santé publique et qui est supposé aller au delà de ce que ce système de santé peut faire, mais çà pose un problème parce-que le discours politique a du mal a admettre que le système de santé publique n'est, ou ne serait, pas du mème niveau que le système de santé privé. En pratique, les "autorités de santé" ont souvent tendance à savonner la planche aux acteurs des systèmes de santé privés pour les empêcher de faire mieux que ce que le système de santé publique accepte de payer, mème si çà ne coûte rien à la collectivité.
Lorsque vous écrivez :
"La vie d’un parent vaut pour un enfant
25 à 35’000€ s’il est mineur ;
+45 à 60% s’il est orphelin ;
15 à 25’000€ s’il est majeur vivant chez ses parents ;
11 à 15’000€ s’il avait quitté le domicile."
Je suppose que vous faites référence au chapitre 4 (INDEMNISATION DES PREJUDICES SUBIS EN CAS DE DECES), section 1 (LES PREJUDICES EXTRAPATRIMONIAUX), paragraphe I (Le préjudice d’affection), du référentiel Mornet précité, qui donne un tableau dont vous reproduisez les premières lignes.
Mais ATTENTION car le citer ainsi hors de son contexte induit en erreur.
Ainsi, en cas de décès, la nomenclature Dintilhac, reprise par le référentiel Mornet distingue :
a) Les préjudices patrimoniaux
b) Les préjudices extra-patrimoniaux
Avec plusieurs types de préjudices patrimoniaux
Et plusieurs types de préjudices extra-patrimoniaux.
Or, dans votre présentation, vous ne citez que les préjudices extra-patrimoniaux, et vous occultez donc complètement les préjudices patrimoniaux des proches.
Et, à l'intérieur des préjudices extra-patrimoniaux, vous ne citez que le préjudice d'affection (dont vous reproduisez le tableau), en faisant l'impasse sur les autres postes de préjudices extra-patrimoniaux tels que le préjudice d'accompagnement.
Pour ce qui est des frais patrimoniaux, ils sont essentiels et peuvent représenter des sommes très importantes. En effet, outre les frais d'obsèques et les frais divers, plutôt mineurs, ils comportent le poste des pertes de revenus des proches. Et ce poste peut représenter des sommes considérables.
Donc présenter en disant "La vie d’un parent vaut pour un enfant", sans parler de tous les autres postes, et particulièrement du poste des pertes de revenus des proches, est une présentation extrêmement partielle et qui déforme fortement la réalité des indemnisations qui peuvent être accordées.