đ„ Crowdfunding : un milliard de pertes Ă venir
Pourquoi faut-il repenser le statut PSFP en urgence ?
Bonjour,
Yâa quelques jours, le patron dâune grosse sociĂ©tĂ© de gestion me demandait pourquoi jâĂ©crivais des newsletters.
Pas pour trouver des clients. Mes conneries quotidiennes suffisent pour ça. Personne ne me trouve deux fois plus intĂ©ressant ou pertinent parce que jâĂ©cris la version longue dâune analyse.
Pas pour gagner du pognon. Zero Bullshit mâa coĂ»tĂ© plus cher en procĂ©dures (12,5KâŹ) que ce que ça me rapporte (11,8KâŹ). Et passer 1 ou 2 jours sur une rĂ©daction, câest clairement pas rentable. MĂȘme si la pub aide, dĂ©sormais.
Pas pour la fame. MĂȘme avec 74â000 abonnĂ©s (merci au fait), une newsletter ça fait pas des likes ou des commentaires.
Peut-ĂȘtre pour le fun. Jâavoue que jâaime entrer dans des sujets compliquĂ©s, chercher, et surtout trouver. Câest pas plus cool que monter Ă cheval ou jouer Ă la pĂ©tanque.
Mais surtout parce que jây crois. Jâaime lâĂ©pargne. Jâaime les Ă©pargnants. Jâaime imaginer quâils prennent des dĂ©cisions Ă©clairĂ©es. Jâaime croire quâon peut leur proposer des placements utiles et intĂ©ressants pour eux. MĂȘme si jâai vu de lâintĂ©rieur Ă quel point le systĂšme est pourri parce nombre de personnes qui ne pensent quâĂ leur communication ou leurs frais, et que globalement ça ne profite jamais aux particuliers.
Pourtant, câest pas entiĂšrement vrai. Yâa plein de boites, grosses comme petites, qui proposent des solutions cool, et dâailleurs câest avec elles que jâai envie de travailler. Et raconter mes conneries ici ou sur LinkedIn permet de leur montrer quâon est alignĂ©s sur nos opinions.
Reste que le crowdfunding (un peu comme les SCPI) câest un sujet que je traite de maniĂšre rĂ©guliĂšre, depuis 3 ans. Jâavais alertĂ© sur les royalties de Bricks dĂšs 2022. Puis sur leurs levĂ©es de fonds. Puis sur le futur retournement du marchĂ© du crowdfunding fin 2022, puis des SCPI dĂ©but 2023. Commercialement, câĂ©tait complĂštement con. Plusieurs de ces acteurs auraient pu ĂȘtre mes clients.
Aujourdâhui jâai pas vraiment le cĆur de dire âje vous lâavais bien ditâ. Parce que ceux qui payent ne sont toujours pas les responsables. Ni les intermĂ©diaires. Ni les opĂ©rateurs. Ni les rĂ©gulateurs. Ni les journalistes. Ni moi, dâailleurs. Ce sont des dizaines et des dizaines de milliers de particuliers qui vont se faire plumer dâun milliard dâeuros Ă cause du crowdfunding. AprĂšs en avoir perdu plusieurs milliards Ă cause de certaines SCPI.
En tout cas, je crois que câest pour ça que jâĂ©cris sur Zero Bullshit. Et pour porter cet engagement, je ferai une annonce Ă la fin de cette newsletter (ça tease sĂ©vĂšre).
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Disclaimer conflit dâintĂ©rĂȘts : de maniĂšre directe ou indirecte, jâai Ă©galement Ă©tĂ© amenĂ© Ă travailler contre rĂ©munĂ©ration pour plusieurs acteurs du crowdfunding ou du crowdequity, y compris certains citĂ©s dans la newsletter.
La grande extinction
Je ne vais pas revenir encore une fois sur le retournement du marchĂ© et ses raisons. Le premier gros dĂ©faut a Ă©tĂ© celui dâOctober. En fĂ©vrier 2024, la sociĂ©tĂ© dit avoir vendu October Connect Ă Sopra. LâĂ©tonnant communiquĂ© du blog fait passer ça pour un renouveau et blablabla. Info reprise avec un peu moins dâenthousiasme dans les mĂ©dias spĂ©cialisĂ©s qui ont lu entre les lignes. Parce que clairement, ça veut juste dire que lâactivitĂ© sâarrĂȘte tellement les chiffres Ă©taient catastrophiques. Au moment oĂč October annonce lâarrĂȘt, plus de 50M⏠sont dĂ©jĂ perdus, dont prĂšs de la moitiĂ© sur les projets⊠notĂ©s A, donc censĂ©s ĂȘtre les plus sĂ»rs. Certes ce nâest que 5% du milliard levĂ©. Mais selon mes informations, on aurait dĂ©passĂ© les 20% en 2024.
Quelques mois plus tard, câest WeShareBonds (154M⏠investis) qui ferme aprĂšs que la collecte sâest effondrĂ©e. La plateforme accuse tout juste 1% de dĂ©faut, mais quelques retards. 54M⏠restent encore aujourdâhui Ă rembourser, sans quâil soit possible de dĂ©finir lâĂ©tat des projets, puisque la plateforme a toujours refusĂ© de communiquer avec les normes de lâassociation du secteur.
Wiseed a également mis en sommeil sa plateforme1, suivant suite aux gestions extinctives de Koregraf puis par Prexem.
Anaxago est en fin de process de rachat, avec notamment un gros acteur du crowdfunding immobilier. Au moins 2 autres plateformes sont en process de vente, et 4 autres cherchent un repreneur. Sans compter Tudigo, Ă qui jâavais dĂ©jĂ consacrĂ© une newsletter, qui va traverser de trĂšs grosses vagues, oĂč ceux qui se sont Ă©loignĂ©s du financement immobilier, comme ClubFunding ou Baltis, aprĂšs avoir surfĂ© sur la grosse vague des produits structurĂ©s. Un jour, faudra aussi quâon en parle.
MĂȘme Finance Participatif France a Ă©tĂ© ârachetĂ©eâ pour finir dans le giron de France Fintech, aprĂšs, il faut bien lâavouer, avoir Ă©chouĂ© Ă structurer clairement les acteurs.
Lâillusion de la pierre
En France, le crowdfunding a trĂšs rapidement pris un Ă©norme tournant immobilier, ce qui est beaucoup moins le cas dans les pays europĂ©ens, et qui explique pourquoi la situation globale du crowdfunding souffre Ă cause dâune surconcentration de cette classe dâactifs. Pendant plusieurs annĂ©es, il a Ă©tĂ© prĂ©sentĂ© comme une alternative Ă lâimmobilier locatif, comme une maniĂšre dâinvestir dans lâimmobilier, sans les contraintes de gestion. Ce discours a largement Ă©tĂ© relayĂ© par les mĂ©dias, qui ont repris les mots des plateformes. Pas forcĂ©ment que les acteurs voulaient mentir, mais parce que câĂ©tait une maniĂšre de prĂ©senter simplement le placement. Surtout quand fin 2022, lâAMF a signĂ© la fin de la rĂ©crĂ© des royalties, et que lâobligation est devenue la norme : de quoi soi-disant sĂ©curiser les investisseurs.
Encore aujourdâhui, Bricks communique sur ça :
Koregraf également :
De mĂȘme que La PremiĂšre Brique :
Pourtant, câest faux.
Ă aucun moment lâĂ©pargnant nâinvestit dans lâimmobilier : son argent sert Ă financer une TPE-PME qui fait une opĂ©ration immobiliĂšre. Ce qui change absolument tout.
La premiĂšre raison câest que le bien nâappartient pas aux Ă©pargnants, et que si, parfois, une sĂ©curitĂ© est prise sur le bien⊠elle ne garantit pas forcĂ©ment lâargent.
Pour sâen convaincre, il suffit de calculer 3 ratios assez simples.
La LTV (Loan To Value) qui Ă©value le risque par rapport Ă la valeur du bien immobilier Ă lâĂ©chĂ©ance du projet. Ce ratio se concentre uniquement sur la valeur du bien en lui-mĂȘme, sans prendre en compte les coĂ»ts additionnels (frais de notaire, travaux, etc.) et
La LTA (Loan To Acquisition) qui Ă©value le risque liĂ© au montant empruntĂ© par rapport au coĂ»t d'acquisition initial du bien. Ce ratio se concentre sur la rentabilitĂ© de lâachat en lui-mĂȘme avant toute transformation.
La LTC (Loan To Cost) qui mesure le risque par rapport au coĂ»t total du projet, incluant l'achat, les frais, les travaux et autres coĂ»ts. Câest le ratio le plus complet, car il prend en compte l'ensemble des dĂ©penses nĂ©cessaires pour rĂ©aliser un projet immobilier
Loan To Value
Lâobjectif est dâĂ©valuer si la valeur du bien immobilier est suffisante pour couvrir la totalitĂ© de la dette en cas de vente forcĂ©e ou de difficultĂ© financiĂšre.
Le ratio prend en compte uniquement la valeur du bien immobilier Ă lâachat ou Ă lâĂ©chĂ©ance du projet. Il ne tient pas compte des frais annexes comme les frais de notaires ou les travaux. Par consĂ©quent, un LTV Ă©levĂ© (>80%) peut ĂȘtre risquĂ© si la valeur du bien n'augmente pas comme prĂ©vu ou si le marchĂ© immobilier se retourne.
đĄImaginons qu'un bien soit achetĂ© pour 100, et qu'un emprunt de 90 soit contractĂ© pour financer cette acquisition.
LTV = 90 Ă· 100 = 90%.
Cela signifie que 90% de la valeur du bien est financĂ© par emprunt. Si la valeur du bien chute, par exemple Ă 80% de sa valeur initiale, le ratio devient trop risquĂ©. Ce ratio ne tient pas compte des autres coĂ»ts, comme les travaux ou les frais de financement, qui peuvent ĂȘtre sous-Ă©valuĂ©s.
Loan To Acquisition
Ce ratio est crucial pour Ă©valuer la rentabilitĂ© de l'achat du bien en lui-mĂȘme, avant toute transformation ou rĂ©novation, parce quâil mesure principalement lâendettement par rapport Ă la valeur dâacquisition du bien. Un LTA Ă©levĂ© indique que lâemprunt est important par rapport au prix payĂ© pour le bien, ce qui augmente le risque si l'emprunt dĂ©passe la valeur d'achat. Il est souvent utilisĂ© pour les projets immobiliers oĂč lâon cherche Ă acheter Ă bas prix pour rĂ©nover et revendre.
đĄ Imaginons quâun bien immobilier soit acquis pour 100, et quâun emprunt de 120 soit contractĂ© pour financer cette acquisition.
LTA = 120 Ă· 100 = 120%.
Dans ce cas, l'emprunt dĂ©passe le coĂ»t d'acquisition. Cela peut ĂȘtre risquĂ© si la valeur d'achat Ă©tait dĂ©jĂ Ă©levĂ©e par rapport Ă l'Ă©tat du bien, car le financement excĂšde la valeur de l'acquisition.
Loan To Cost
Ce ratio donne une vision complĂšte du financement global nĂ©cessaire pour mener Ă bien un projet immobilier en mesurant le risque en fonction du coĂ»t total du projet, ce qui inclut des Ă©lĂ©ments qui sont souvent sous-estimĂ©s dans les LTV et LTA, comme les travaux ou les coĂ»ts supplĂ©mentaires. Ce ratio est crucial pour les projets de rĂ©novation ou de promotion immobiliĂšre oĂč les coĂ»ts de construction ou de travaux peuvent ĂȘtre Ă©levĂ©s par rapport au prix d'achat.
đĄImaginons que le coĂ»t total du projet, incluant lâachat, les frais et les travaux, soit 150, et quâun emprunt de 120 soit contractĂ© pour financer ce projet.
LTC = 120 Ă· 150 = 80%.
Ici, le ratio montre que 80% du coĂ»t total du projet est financĂ© par emprunt. Ce ratio est important car il reflĂšte non seulement l'achat du bien, mais aussi les coĂ»ts de rĂ©habilitation ou de construction, qui peuvent ĂȘtre plus risquĂ©s Ă financer.
Etonnamment, ce ratio nâa jamais Ă©tĂ© gĂ©nĂ©ralisĂ© sur les plateformes alors que câest un indicateur trĂšs important, mais ils sont Ă©videmment calculĂ© par les diffĂ©rents acteurs, mĂȘme si ce ne sont pas les seuls Ă©lĂ©ments. En tout cas, cela permet de comprendre pourquoi prendre une garantie sur un bien, ce nâest pas simple. Dâautant que toutes les garanties ne se valent pas, et ne sont pas simples Ă mettre en place.
Par ailleurs, en compilant les ratios sur diffĂ©rentes plateformes, on se rend compte que certains ont pris des risques beaucoup plus importants que dâautres.
Ca te parait compliquĂ© ? Câest normal, ça lâest. Dâailleurs, câest tout lâesprit de la rĂ©glementation que de laisser les plateformes dĂ©cider des projets quâelles vont financer.
Mais câest aussi tout le problĂšme.
Des conflits, un intĂ©rĂȘt
Jâai souvent parlĂ© de la problĂ©matique des CGP qui sont payĂ©s en rĂ©trocommission avec les gĂ©rants. Câest eux qui ont massivement vendu des Pinel jamais rentables ou les SCPI qui se sont effondrĂ©es, parce que ce sont des produits packagĂ©s, faciles Ă vendre, et sur lesquels ils prennent une grosse commission pour peu de travail. Alors que, contrairement Ă ce quâon mâa souvent dit, nâimporte qui en y passant quelques heures, pouvait prĂ©dire en 2021 ou 2022 quelles SCPI allaient sâeffondrer.
Mais qui y avait intĂ©rĂȘt ? Ni les gĂ©rants, ni les CGP qui sont payĂ©s⊠sur la collecte.
La rĂ©alitĂ© que personne nâa voulu voir câest que justement les gĂ©rants ont beaucoup beaucoup beaucoup trop collectĂ©. Parce quâune fois que tâas lâoseille il faut le dĂ©penser (on appelle ça dĂ©ployer dans le mĂ©tier), sinon⊠il te coĂ»te.
đĄ Imaginons que jâai un fonds avec une capitalisation de 100âŹ, qui rapporte 10% par an, soit 10âŹ, avec 10 investisseurs.
Tous les ans, je donne 1 Ă chaque, câest facile.
LâannĂ©e suivante, je collecte 20⏠de 20 investisseurs.
Jâai dĂ©sormais une capitalisation de 120âŹ.Je trouve un super placement Ă 10% comme les autres pour 10âŹ.
Jâai toujours les 10⏠que jâavais avant, et mon nouveau placement rapporte 1⏠de plus.
Jâai donc 11⏠à distribuer.
Soit un rendement de 9,2%.Le fait de ne pas avoir dĂ©ployĂ© les 10⏠que jâai collectĂ© fait que mon rendement facial a baissĂ©, alors que la qualitĂ© de mon fonds nâa pas changĂ©.
Voila ce qui sâest passĂ© entre 2018 et 2022 pour les SCPI : les gĂ©rants ont dĂ©pensĂ© nâimporte comment, parfois en Ă©tant eux mĂȘmes en concurrence sur des actifs Ă plusieurs dizaines voire centaines de millions, et ils ont dĂ©pensĂ© gros et cher.
Eh bien le crowdfunding, câest pareil.
Entre 2017-2020, le marchĂ© est porte bien. Il nây a pas beaucoup de financeurs, par contre yâa beaucoup de dossiers Ă financer. Donc les plateformes ont le choix des dossiers. Mais avec le temps, le marchĂ© est devenu de plus en plus gros, et les plateformes ont plus collectĂ© de plus en plus. Alors mĂȘme que le marchĂ© immo Ă©tait en train de surchauffer pour les mĂȘmes raisons que les SCPI, en partie grĂące aux taux trĂšs trĂšs bas.
Ce point particulier, aurait dâailleurs dĂ» faire tiquer les plus rationnels.
Pourquoi, alors que tout le monde se finance entre 0,5% et 3%, des pros de lâimmo viendraient sur le crowdfunding pour payer 10, 12, 14 voire 15% ?
Tout simplement parce que câĂ©tait les dossiers les plus fragiles, les plus risquĂ©s⊠que ne voulaient pas les banques. Ce qui nâest pas anormal, un rendement est toujours proportionnel au risque. Sauf que ce risque a Ă©tĂ© extrĂȘmement minimisĂ©, notamment en faisant passer ces investissements pour des investissements immobiliers avec lâimaginaire que tout le monde a.
Mais aussi en faisant complĂštement disparaĂźtre les risques. MĂȘme aujourd'hui. MĂȘme aprĂšs tout ça. MĂȘme dans ce contexte, on trouve encore des plateformes qui omettent sciemment les risques, ou les planquent trĂšs loin des yeux des investisseurs.
Ce qui nâest dâailleurs pas spĂ©cifique au crowdfunding, mais la minimisation (voire lâabsence) des risques est une constante parmi les petits acteurs, jâen avais fait une newsletter spĂ©cifique Ă©galement.
Baltis parle de rendement de 12%, parle de âsĂ©curiserâ, plus bas de ârendement attractifâ, et affiche mĂȘme un ârendement moyen de 10,7%â puis â0% de taux de dĂ©fautâ sans jamais mentionner les risques. Comme beaucoup dâautres, il faut aller touuuuut en bas de la page dans le footer pour lire des lignes imbitables que personne le lira jamais.
Pareil chez La PremiĂšre Brique, qui colle tout dans le footer
MĂȘme Bricks, qui a pourtant Ă©tĂ© une des plateformes les plus agressives en commâ sâest assouplie (et je suis content de ne pas y ĂȘtre totalement Ă©tranger đ )
Alors certes, câest pas 100% conforme Ă la position AMF, qui voudrait que les risques clignotent et fassent du bruit, mais câest cohĂ©rent dans lâesprit.
Pareil chez Homunity :
Si on ajoute à ça des mĂ©dias trĂšs complaisants avec le systĂšme on se retrouve avec des Ă©pargnants qui nâont jamais compris dans quoi ils investissaient, pas vraiment aidĂ©s par le statut rĂ©glementaire que le rĂ©gulateur a mis en place.
Collecter vs. collecter
Parce quâen rĂ©alitĂ©, le principe mĂȘme du crowdfunding est problĂ©matique. En tout cas la maniĂšre dont il a Ă©tĂ© pensĂ©, et les rĂ©gulateurs ont une grave responsabilitĂ©, parce quâils ont pensĂ© un systĂšme en dĂ©pit du bon sens.
Comme on lâa vu, les plateformes sont payĂ©es sur les montants levĂ©s, par les financĂ©s. Les Ă©pargnants, eux, ne payent pas. Et comme dit lâadage :
Si câest gratuit, câest toi le produit.
Alors que pourtant, un client coĂ»te Ă une plateforme. En moyenne le coĂ»t dâacquisition se situe entre 25 et 75⏠en dĂ©penses marketing2, pour quâun client commence Ă investir. Puis sâajoutent les salaires, le coĂ»t dâun KYC etc. Si ces clients ne payent rien, câest bien quâil y a un loup⊠Sauf que câest carrĂ©ment un troupeau dans la bergerie.
Pour ça il suffit de poser une question. Une seule.
Pourquoi refuser un mauvais dossier qui va me rapporter x⏠si je suis capable de le financer ?
Parce quâen fait, toutes les plateformes savent combien elles sont capables de lever, et en combien de temps. Surtout quâun petit Ă©cosystĂšme dâinfluenceurs (dont les plus gros oscillent entre 250 et 500K⏠de commissions / an) relayent Ă foison les opĂ©rations avec des analyses plus ou moins poussĂ©es, dont il suffit de le relire aprĂšs coup pour voir quâelles nâavaient aucun sens.
Pour faire simple le cheminement rĂ©glementaire (que jâai dĂ©jĂ racontĂ© ici) a abouti au fait que tout le monde devait prendre le statut de PSFP, et utiliser lâobligation pour financer les projets.
Mais câest quoi, une obligation ?
Quand Bricks est passĂ© des royalties aux obligations, dâĂ©tranges discussions avaient lieu dans la communautĂ©. La rĂ©alitĂ© câest que personne nâavait compris quel Ă©tait lâancien modĂšle, et personne ne comprenait le nouveau. Jâai mĂȘme vu un message disant que, dĂ©sormais, Bricks Ă©tait obligĂ© de rembourser. Bah oui, câest une obligation.
Evidemment si tu lis Zero Bullshit, ça te fait sourire parce que tu connais le sujet. Mais pour lâimmense majoritĂ© des gens, câest en rĂ©alitĂ© assez flou. Et les consĂ©quences sur le modĂšle mĂȘme sont assez profondes.
Commençons par les bases. Une Ă©mission obligataire est un mĂ©canisme financier par lequel une entreprise emprunte directement auprĂšs d'investisseurs, en Ă©mettant des titres de crĂ©ance (les obligations) qui seront remboursĂ©s Ă Ă©chĂ©ance avec intĂ©rĂȘts. Ce n'est ni plus ni moins qu'un prĂȘt formalisĂ© par un titre nĂ©gociable.
Jusque-lĂ , tout va bien.
Mais il y a un Ă©lĂ©ment central de ce systĂšme : le reprĂ©sentant de la masse des obligataires. Cette figure juridique, prĂ©vue par le Code de commerce3, est chargĂ©e de dĂ©fendre les intĂ©rĂȘts collectifs des obligataires. C'est lui qui surveille le respect des engagements par l'Ă©metteur, gĂšre les assemblĂ©es gĂ©nĂ©rales d'obligataires, et peut engager des actions en justice en cas de dĂ©faillance.
Dans le monde traditionnel, ce reprĂ©sentant est un acteur indĂ©pendant : cabinet d'avocats spĂ©cialisĂ© ou sociĂ©tĂ© de gestion externe. Son indĂ©pendance est la garantie mĂȘme de sa mission de protection.
Mais le crowdfunding obligataire a bouleversé cette logique habituelle, puisque la plateforme agréée PSFP cumule trois rÎles normalement distincts :
Elle sélectionne les projets (analyse et valide leur solidité) ;
Elle commercialise les obligations auprĂšs des investisseurs ;
Elle devient le représentant de la masse aprÚs émission.
Et le conflit dâintĂ©rĂȘts est Ă©norme. Non seulement parce quâelle est payĂ©e par lâĂ©metteur de lâobligation quâelle vend, mais parce quâelle reprĂ©sente les investisseurs auprĂšs de ce mĂȘme Ă©metteur qui lâa payĂ©. En cas de litige, notamment pour dĂ©faut d'information, l'investisseur devra passer par... la plateforme elle-mĂȘme pour faire valoir ses droits contre cette mĂȘme plateforme.
Le cas CAPSSA vs HEM
Pour comprendre l'ampleur du problÚme, examinons une affaire récente qui vient de faire jurisprudence. La CAPSSA4 avait investi dans des obligations émises par la société HA UN 18, filiale à 100% de HEM. AprÚs son investissement, la CAPSSA constate que l'information fournie initialement comportait des lacunes importantes et décide d'attaquer directement la société-mÚre HEM pour défaut d'information précontractuelle.
La Cour d'appel de Versailles5 a dĂ©clarĂ© l'action de la CAPSSA irrecevable, estimant qu'elle concernait "un intĂ©rĂȘt commun aux obligataires". Selon la loi6, seul le reprĂ©sentant de la masse des obligataires peut agir pour dĂ©fendre cet intĂ©rĂȘt commun. Cette position a Ă©tĂ© entiĂšrement confirmĂ©e par la Cour de cassation fin 20247, consolidant ainsi dĂ©finitivement l'impossibilitĂ© pour un investisseur individuel d'agir seul en cas de dĂ©faut d'information gĂ©nĂ©rale.
En bref : mĂȘme si le prĂ©judice est individuel, la jurisprudence considĂšre que le dĂ©faut d'information initial touche nĂ©cessairement les intĂ©rĂȘts communs des obligataires, vous empĂȘchant ainsi d'agir seul. La Cour a soulignĂ© que dĂšs lors que la faute est commune (car l'information est identique pour tous), l'action devient collective, mĂȘme si les prĂ©judices individuels peuvent varier. Donc un investisseur ne peut pas faire une action tout seul dans son soin :
L'action collective est obligatoire dĂšs lors que le problĂšme concerne l'ensemble des obligataires ;
L'action individuelle ne reste ouverte qu'en cas de faute trÚs spécifique à un seul investisseur.
Cette jurisprudence prĂ©cise bien que dĂšs lors qu'un dĂ©faut d'information concerne potentiellement tous les obligataires, la dĂ©fense des intĂ©rĂȘts devient obligatoirement collective.
La responsabilité limitée du représentant
Si l'affaire CAPSSA contre HEM illustre l'impasse de l'action individuelle contre l'intermĂ©diaire, un arrĂȘt rĂ©cent de la Cour d'appel de Paris8 permet d'Ă©clairer encore davantage le problĂšme en prĂ©cisant clairement la nature et les limites juridiques des obligations du reprĂ©sentant de la masse des obligataires.
Dans cette affaire, un investisseur particulier avait perdu prÚs de 2M⏠dans des investissements obligataires à risque incompatibles avec son profil de risque initial. Il attaque alors plusieurs intervenants, dont le représentant de la masse des obligataires, Absolute Capital Partners.
La Cour d'appel de Paris précise alors, de maniÚre particuliÚrement instructive, les obligations légales du représentant de la masse :
« Ces dispositions ne prescrivent aucun devoir d'information ou de conseil au reprĂ©sentant de la masse des obligataires. [...] Il ne saurait ĂȘtre imposĂ© au reprĂ©sentant davantage d'obligations que n'en ont les porteurs de titres qu'il reprĂ©sente et, en second lieu, il est interdit au reprĂ©sentant de la masse de s'immiscer dans la gestion de la sociĂ©tĂ©. »
En clair :
Le représentant de la masse n'a aucun devoir légal d'informer ou de conseiller les investisseurs sur la qualité du projet ou sur les risques associés ;
Il est un simple exécutant qui se contente de relayer les décisions collectives des obligataires et de déclarer leurs créances en cas de procédure judiciaire contre l'émetteur.
La Cour d'appel de Paris a donc rejeté explicitement la demande dirigée contre le représentant Absolute Capital Partners, confirmant ainsi clairement l'absence de devoir d'information ou de conseil à sa charge.
Ce jugement est extrĂȘmement important, car il montre concrĂštement pourquoi toute action contre une plateforme agissant comme reprĂ©sentant de la masse en crowdfunding obligataire serait vouĂ©e Ă l'Ă©chec :
Non seulement l'action individuelle est bloquée par le monopole d'action collective du représentant ;
Mais mĂȘme si l'investisseur dĂ©cidait de demander au reprĂ©sentant (la plateforme elle-mĂȘme) d'agir contre elle-mĂȘme pour dĂ©faut d'information, la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris prĂ©cise clairement que le reprĂ©sentant n'a tout simplement pas l'obligation d'assurer cette vĂ©rification.
Quand la faute devient trop évidente : le cas Ayomi
Il existe nĂ©anmoins des situations oĂč le manquement est tellement flagrant que les tribunaux interviennent directement comme lâa rappelĂ© la Cour d'appel de Paris en 20249, dans un dossier impliquant Ayomi, un intermĂ©diaire CIP10 spĂ©cialisĂ© en crowdequity.
Dans cette affaire, deux investisseurs avaient investi via la plateforme. Ayomi était responsable de l'organisation d'une levée de fonds en capital via une société holding. Or, elle a gravement manqué à ses obligations en transférant directement les fonds collectés vers l'entreprise financée, sans respecter la procédure légale préalable11.
RĂ©sultat : l'opĂ©ration d'augmentation de capital n'a jamais pu ĂȘtre finalisĂ©e lĂ©galement, laissant les investisseurs sans parts et sans protection juridique adĂ©quate.
Face à ce manquement évident, la Cour d'appel de Paris n'a laissé aucun doute sur la responsabilité d'Ayomi :
« Il est établi avec l'évidence requise en référé que la société Ayomi engage sa responsabilité envers les investisseurs, lesquels sont en droit de réclamer aux dépositaires des fonds leur remboursement, faute de réalisation de l'opération d'augmentation du capital dans les six mois. [...] Ayomi a constitué le compte séquestre pour recevoir les fonds avant de les débloquer sans certificat préalable de dépÎt des fonds exigé par les textes, ce qu'elle n'a jamais fait alors qu'elle s'était engagée à réaliser toutes les formalités juridiques jusqu'au terme de l'opération. »
En clair, la Cour a :
Condamné la société Ayomi solidairement avec la société financée à rembourser intégralement les investisseurs
Imposé à Ayomi de garantir entiÚrement la société financée, considérant explicitement que la faute revenait exclusivement à la plateforme.
Bien qu'Ayomi ne soit pas une plateforme obligataire (et que son site ne permet pas de comprendre quel est son cadre légal) ce jugement est éclairant pour comprendre ce qui manque précisément au cadre juridique actuel du crowdfunding obligataire : une obligation claire, explicite, et directement opposable aux plateformes PSFP sur le respect rigoureux des procédures légales d'émission et de sécurisation des fonds collectés, avec des conséquences juridiques immédiates en cas de manquement.
Ainsi, si le crowdfunding obligataire adoptait une logique juridique similaire Ă celle clairement Ă©tablie par l'arrĂȘt Ayomi en matiĂšre de crowdequity, les investisseurs disposeraient alors enfin d'un vĂ©ritable levier juridique efficace contre les plateformes qui manqueraient Ă leurs obligations fondamentales de sĂ©curitĂ© et de transparence. Comme câest clairement le cas dans plusieurs dossiers financĂ©s, oĂč des fonds ont Ă©tĂ© envoyĂ©s sans garantie signĂ©es ou sans vĂ©rification de la rĂ©alitĂ© des projets.
Verrou institutionnel
Certes, l'affaire CAPSSA vs HEM n'Ă©tait pas liĂ©e directement Ă une plateforme de crowdfunding. Mais la jurisprudence Ă©tablie par la Cour de cassation s'appliquerait directement Ă ces plateformes, mettant en Ă©vidence un gros problĂšme structurel, parce que dans le cas dâun acteur PSFP :
L'émetteur (la société qui lÚve les fonds) émet des obligations ;
La plateforme sélectionne les projets (elle est juge) ;
La plateforme commercialise les obligations (elle est partie) ;
La plateforme devient reprĂ©sentante des obligataires (elle est censĂ©e ĂȘtre dĂ©fenseur des investisseurs).
Pour agir contre l'Ă©metteur pour dĂ©faut d'information prĂ©contractuelle, ou mĂȘme contre la plateforme qui a sĂ©lectionnĂ© le projet et prĂ©parĂ© la documentation prĂ©sentĂ©e aux investisseurs, il faut donc passer... la plateforme elle-mĂȘme.
Ces jurisprudences tendent à largement protéger les plateformes :
Par le monopole d'action collective (jurisprudence CAPSSA/HEM)
Et par l'absence totale de devoir d'information ou de conseil imposée au représentant (Cour d'appel de Paris, 2023)
Cette combinaison juridique crĂ©e un vĂ©ritable "verrou", rendant le reprĂ©sentant quasiment intouchable en cas de manquement initial, mĂȘme si lâaffaire Ayomi vient rappeler que les manquements les plus graves peuvent ĂȘtre sanctionnĂ©s.
Dâailleurs, ce nâest pas pour rien que dans le systĂšme obligataire classique, le reprĂ©sentant de la masse est habituellement un Ă©tablissement indĂ©pendant : cabinet d'avocats spĂ©cialisĂ© ou sociĂ©tĂ© de gestion externe. Son rĂŽle est exclusivement de protĂ©ger les intĂ©rĂȘts des obligataires. Ce que mâexpliquait rĂ©cemment un avocat spĂ©cialisĂ© en droit financier.
"L'indĂ©pendance est le fondement mĂȘme du systĂšme obligataire. [âŠ] Sans cette indĂ©pendance, toute la chaĂźne de confiance s'effondre."
Or, c'est prĂ©cisĂ©ment cette indĂ©pendance qui a Ă©tĂ© sacrifiĂ©e sur l'autel du crowdfunding. Au nom de la simplification et probablement de l'Ă©conomie de coĂ»ts, on a créé un systĂšme oĂč le conflit d'intĂ©rĂȘt n'est pas l'exception, mais la rĂšgle.
Pour l'investisseur moyen, la situation est désespérante :
Action individuelle pour défaut d'information générale ? Impossible selon la jurisprudence.
Action collective via le reprĂ©sentant ? BloquĂ©e par le conflit d'intĂ©rĂȘt manifeste.
Certes, des actions individuelles restent thĂ©oriquement possibles en cas de faute spĂ©cifique Ă un investisseur (comme un conseil individualisĂ© erronĂ©). Mais dans la grande majoritĂ© des cas concernant l'information gĂ©nĂ©rale du projet â qui constitue l'essentiel du risque dans le crowdfunding â la jurisprudence bloque totalement l'action individuelle.
Et si ce nâest que maintenant que le problĂšme est visible, câest parce que quand tout va bien⊠bah tout va bien.
La chorégraphie des frais
Le cas le plus marquant qui vient illustrer ce problĂšme câest celui de Koregaf. FondĂ©e en 2015, la plateforme a obtenu le statut de CIP avant de basculer en PSFP. BasĂ©e Ă Bordeaux, la sociĂ©tĂ© a Ă©tĂ© rapidement soutenue par deux banques, ArkĂ©a et BNP DĂ©veloppement.
En 2023 la situation est critique suite au retournement de marchĂ©. Arkea refuse de remettre au pot, mais les fondateurs convainquent Inter Invest de prendre une participation majoritaire. SpĂ©cialiste du Girardin et de lâinvestissement en nue-propriĂ©tĂ© gĂ©rant 4,5GâŹ, la sociĂ©tĂ© « scrutait le marchĂ© du crowdfunding immobilier depuis un moment » afin de trouver « un acteur dĂ©jĂ en place », selon un cadre du groupe. Evitant ainsi de repasser par la case agrĂ©ment. Avec comme projet de rĂ©orienter la thĂšse dâinvestissement vers lâoutre mer, sujet que connait bien le groupe depuis 40 ans.
Le problĂšme câest quâInter Invest est en train dâacheter un zombie. La sociĂ©tĂ© est rapidement restructurĂ©e, pour tenter de la sortie du rouge (-3M⏠en 2023) en allĂ©geant les coĂ»ts, tout en renforçant certaines fonctions support, et en gardant le DG qui connaissait bien lâhistorique. Si Inter Invest nâignorait pas les difficultĂ©s de Koregraf, un dirigeant mâa confirmĂ© sans hĂ©sitation que câĂ©tait une erreur et que la situation rĂ©elle a Ă©tĂ© largement sous-estimĂ©e.
Dans la qualité des dossiers financés, qui sont passés de 10% à 50% de défaut-retard courant 2024 ;
Dans la capacité de la plateforme à rester dynamique dans un marché en fort repli.
A peine un an aprĂšs le rachat, fin 2024, dĂ©cision est prise de tout couper alors que Koregraf va terminer une deuxiĂšme annĂ©e de suite Ă -3MâŹ. CoĂ»t total des pertes pour Inter Invest : 3 Ă 4MâŹ. A la mĂȘme Ă©poque, le gĂ©rant va cĂ©der son PER Ă Shares, en Ă©change dâune distribution exclusive des produits Shares Pro.
Mais la mort dâune plateforme ne signe pas celle des projets, puisque chaque financement est un contrat entre lâopĂ©rateur et les investisseurs, intermĂ©diĂ©s par la plateforme, qui ne voit mĂȘme pas transiter les fonds.
DĂ©jĂ , il faut faire le point sur les encours. Câest peu dire que le suivi des indicateurs de performances nâest pas pris au sĂ©rieux. Sur le site, le rĂ©capitulatif fait carrĂ©ment apparaĂźtre la capture dâĂ©cran Windows.
Aujourdâhui, 201 projets sont en cours de remboursement sur la plateforme12 :
83 (41,3%) sont, pour le moment sains ;
40 (19,9%) sont en retard de moins de 6 mois ;
33 (16,4%) de plus de 6 mois ;
45 (22,4%) sont en procédure collective.
Tout ça pour 161MâŹ, soit 54% de la collecte totale de la plateforme.
28,9M⏠(18%) sans retard ;
18,3M⏠(11%) avec moins de 6 moins de retard ;
48M⏠(30%) avec plus de 6 moins de retard ;
65M⏠(41%) en procédure collective.
Ah. Et Koregraf fait partie de ces plateformes qui affichent toujours un 0% de dĂ©faut, malgrĂ© des retards de plusieurs annĂ©es. Parce que comment imaginer que les 20M+ dĂ»s sur des projets antĂ©rieurs Ă 2021 puissent ĂȘtre un jour rĂ©cupĂ©rĂ©s ?
Dâautant que la situation nâest pas figĂ©e. Un projet avec 5 mois de retard passera dans la catĂ©gorie 6 mois rapidement, et plus le temps passe, plus les chances de retrouver les fonds sâamenuisent. Alors certes, un investisseur me disait il y a quelques jours que sur les 28,9M⏠sains, les deux tiers Ă©taient financĂ©s en 2024, et donc que les risques Ă©taient plus faibles. Mâenfin, faut il rappeler que lâĂ©tĂ© dernier, Bricks a levĂ© 4M⏠pour un mec qui Ă©tait en dĂ©faut sur Tudigo, et a annulĂ© la collecte au dernier moment ? Compte tenu de la faible qualitĂ© des due diligences des annĂ©es prĂ©cĂ©dentes, comment croire que celles de 2023 et 2024 ont Ă©tĂ© plus sĂ©rieuses ?
Certes, Inter Invest Ă©tait aux commandes, et certes, le marchĂ© immo est plus stable. Mais plusieurs projets de 2024 sont en difficultĂ©. Et pour cause : un rendement Ă 10% nâest pas garanti. Ne serait-ce que parce que les opĂ©rateurs qui se sont financĂ©s Ă des montants aussi Ă©levĂ©s, et qui nâĂ©taient donc plus Ă©ligibles aux financements bancaires, sont forcĂ©ment ceux qui Ă©taient les plus Ă risque. Ce que peu dâinvestisseurs ont compris. Parce que peu de plateforme lâont rĂ©ellement expliquĂ©.
Prenons Community, projet de Carrere qui arrive dĂ©but 2024 sur la plateforme. La sociĂ©tĂ© est dĂ©jĂ en retard sur plusieurs projets, notamment sur Wiseed et Fundimmo. La sociĂ©tĂ© affiche un exercice Ă -15,8M⏠pour 22,6M⏠de dette. La quasi totalitĂ© de ses participations dans des fonciĂšres sont Ă©galement en nĂ©gatif. HabituĂ© de Koregraf (16 lignes), le projet Ă 545K⏠se boucle en quelques jours. En juin, alors quâelle doit rembourser 1,3M⏠et 1,8M⏠pour deux projets financĂ©s deux ans plus tĂŽt, une procĂ©dure de sauvegarde est ouverte.
En regardant Ă la loupe les dossiers, et surtout les financĂ©s, on se rend compte rapidement que certains ont plusieurs dizaines de dossiers financĂ©s sur les plateformes. La majoritĂ© remboursĂ©, ou dans les temps, il est vrai. Mais quand le marchĂ© se retourne, tout ça ressemble Ă un Ă©norme chĂąteau de cartes, puisque la majoritĂ© des garanties ne permettent pas de rembourser les crĂ©ances : donc un simple projet peut faire tomber les autres. Y compris sur dâautres plateformes.
Et tout ça doit ĂȘtre gĂ©rĂ© par Koregraf⊠qui nâexiste plus.
Extinction des feux
A lâĂ©tĂ© 2022, la Commission europĂ©enne rend obligatoire la mise en place dâun PCA13, ou gestion extinctive pour les PSFP, afin de permettre aux investissements dâĂȘtre gĂ©rĂ©s en cas de dĂ©faillances de la plateforme. Tous les nouveaux acteurs doivent dâailleurs les prĂ©senter Ă lâAMF. Pour les anciens, il est parfois demandĂ©, parfois pas. Mais lâAMF ne valide pas la procĂ©dure, mais plutĂŽt le fait quâelle existe.
A priori, tous les acteurs se sont exĂ©cutĂ©s. Certains ont mĂȘme communiquĂ© dessus, afin dâajouter de la confiance Ă leur commâ. Le problĂšme, câest quâon va retrouver exactement le mĂȘme problĂšme que pour lâidĂ©e mĂȘme du PSFP : les intĂ©rĂȘts ne sont absolument pas alignĂ©s, pour les raisons quâon a expliquĂ©es avant.
Certains, comme Baltis, ne communiquent pas sur la procĂ©dure, bien quâils aient fait un communiquĂ© de presse pour dire quâelle existait14. Pareil pour Homunity, WiSeed ou Raizers. De son cĂŽtĂ©, ClubFunding dĂ©signe CF Gestion, un CGP. Enerfip mise sur son partenaire de paiement, Lemonway.
Mais un certain nombre de plateformes ont un point commun :
Lita
Bricks
Finple
Tudigo
Koregraf
Anaxago
Happy Capital
WeShareBonds etc.
Elles ont confiĂ© leur gestion extinctive Ă Capsens. Initialement, il sâagit dâune agence web, qui produit les sites, et donne la solution technique. Mais depuis lâobligation de lâĂ©tĂ© 2022, Capsens a proposĂ© Ă ses clients (mais pas seulement) run-off, sa solution pour dĂ©brancher les plateformes, avec Ă la fois un fee mensuel de quelques centaines Ă quelques milliers dâeuros, en fonction des fonds Ă assurer, et un pourcentage sur lâactivitĂ© extinctive.
Le problĂšme câest que Capsens nâest pas avocat, administrateur judiciaire, juriste, agréé par qui que se soit, recouvreur de dette etc. Câest une agence web. Avec une mĂ©thode relativement simple et qui, encore une fois, ne va clairement pas dans le sens des investisseurs⊠qui dĂ©couvrent la rĂ©alitĂ© quand elle se produit.
Parce que mĂȘme quand les plateformes mentionnaient le PCA, il Ă©tait vague⊠et pas claire. Sur Koregraf par exemple, le site mentionne que la procĂ©dure est en Annexe 1, sans doute parce que les CGU sont un mauvais copier coller dâun contrat, que personne nâa jamais relu.
On retrouve dâailleurs cette mention dans plusieurs contrats obligataires. Que visiblement personne nâa jamais relu non plus, que dans la dizaine que jâai consultĂ©, lâannexe nâest jamais prĂ©sente, et parmi les dizaines dâinvestisseurs sollicitĂ©s, aucun nâa Ă©tĂ© en mesure de retrouver la procĂ©dure.
Parce quâen cas dâextinction, la plateforme a 3 mĂ©tiers Ă gĂ©rer ;
La plateforme technique/opérationnelle ;
Le suivi, et de potentiels contentieux ;
El famoso représentation de la masse.
On voit Ă©videmment ici (encore) le problĂšme de conflit dâintĂ©rĂȘts que tout ça soit gĂ©rĂ© par les mĂȘmes personnes, mais bon je vais pas le rĂ©crire une 1000e fois.
Sur Koregraf il est donc clairement dit que câest Capsens qui est nommĂ©, mais ce nâest quâun opĂ©rateur technique, qui ne saura pas faire les autres mĂ©tiers. Il est nĂ©anmoins mentionnĂ© que Capsens sera rĂ©munĂ©rĂ© de la façon suivante :
2 % hors taxe seront prélevés par le Gérant sur les montants remboursés aux investisseurs ;
0,5% hors taxe seront prélevés par le Gérant sur les montants prélevés aux emprunteurs.
Mais forcĂ©ment, cela ne couvre pas les coĂ»ts des autres mĂ©tiers. Et le rĂ©gulateur nâa rien imposĂ© de prĂ©cis sur le sujet. Parce quâĂ©videmment ces frais ne permettent pas une gestion extinctive.
Restons sur Koregraf. Et imaginons que le portefeuille soit figĂ©, et nâĂ©volue donc pas nĂ©gativement. Yâa 201 lignes Ă reprendre.
83 lignes saines Ă 28,9MâŹ, ça fait 722K⏠dâhonoraires sur la gestion. Mais en rĂ©alitĂ©, si les lignes restent saines, la gestion est mince. Le tout pour 8,7K⏠/ projet.
Le problĂšme, ce sont les 118 autres lignes pour 131MâŹ. Certes yâa 3,3M⏠dâhonoraires Ă aller chercher, mais Ă quel prix ? Parce que pour que ce pognon soit perçu, il faut que les boĂźtes payent. Vu lâĂ©tat du portefeuille, yâa moins de 50% du portefeuille qui la moindre chance de survie, si tout va bien. Donc disons que Capsens peut partir du un peu plus de 1,5M⏠dâhonoraires. Ca veut dire Ă peine 13K⏠/ projet, puisquâil faudra gĂ©rer un minimum les dossiers mĂȘme morts dâavance.
Et pour ce prix il va falloir :
GĂ©rer la masse dâinvestisseurs ;
Restructurer les opérations ;
Négocier avec les opérateurs et possiblement les administrateurs judiciaires ;
Lancer des procédures judiciaires et de recouvrement.
Autant dire que ce montant ne va pas suffire, dâautant plus que ces honoraires sont potentiels, et quâen les attendant, Capsens doit avancer les frais.
Quel intĂ©rĂȘt dây mettre beaucoup dâĂ©nergie ?
Il y a quelques mois, un patron de plateforme à qui je reprochais de pas faire jouer une caution personnelle me répondait :
« La personne est malade, et probablement insolvable. Si je lance une procĂ©dure câest quelques dizaines de milliers dâeuros, Ă mes frais, avec une probabilitĂ© mince de rĂ©cupĂ©rer une partie de la somme, qui influencera peu les revenus des investisseurs. »
Câest sans doute vrai. La seule raison pour laquelle une plateforme veut aller au front rĂ©cupĂ©rer lâargent, câest pour sauvegarder ses chiffres pour tenter de garder la confiance des investisseurs, et donc la dynamique de collecte. Quand tâas dĂ©passĂ© 20 ou 30% de dĂ©faut, quel intĂ©rĂȘt ? Parce que clairement, les plateformes qui ont des taux dĂ©gueulasses finiront par mourir, quand bien mĂȘme elles collectent encore vaguement⊠Et certes, les frais sont censĂ©s ĂȘtre Ă la charge de lâĂ©metteur, mais sâil ne paie pas ses traites, il ne payera pas plus les frais. Dâautant quâen cas de procĂ©dure collective, cette disposition du Code du commerce ne sâapplique plus.
Pour assurer la gestion, Capsens fait appel Ă deux entreprises dans le cas de Koregraf :
15-63, pour le recouvrement ;
PS Trustee, en tant que reprĂ©sentant de la masse, comme lâimpose un contrat obligataire.
Ces prestataires ont Ă©tĂ© choisis unilatĂ©ralement par Capsens, et le choix peut poser question, mais si du cĂŽtĂ© dâInter Invest, on mâexplique que câĂ©tait les solutions les mieux disantes.
Parce que 15-63 a Ă©tĂ© co-créé par Maxime Pallain qui est Ă©galement co-fondateur de Raizers. Si lâentreprise a Ă©tĂ© revendue Ă Empruntis depuis, et quâil nâen est plus dirigeant depuis fĂ©vrier 2023, câest un mĂ©lange des gens qui peut poser question. Dâautant que la sociĂ©tĂ© semble trĂšs rĂ©cente, et quâune bonne partie des personnes qui travaillent dedans sont dâanciens salariĂ©s/patrons du crowdfunding selon une source proche. Mais bon, aprĂšs tout, pourquoi pas. Au moins ils connaissent le sujet. Et spĂ©cifiquement celui du crowdfunding.
Quant Ă PS Trustee, alors lĂ , ça devient plus discutable. La sociĂ©tĂ© a Ă©tĂ© créée par un CGP et un spĂ©cialiste de lâimmo, ex nihilo, pour assurer la gestion. Pourquoi ? Ce nâest pas toujours trĂšs clair. DĂ©jĂ , lâargent, Ă©videmment. Parce quâon va le voir, mais yâa de jolis honoraires Ă rĂ©cupĂ©rer. Mais selon une source proche dâun des crĂ©ateurs de PS Trustee, ce serait aussi une maniĂšre de voir passer des dossiers immo qui vont ĂȘtre vendus Ă la casse. Et donc de possiblement faire une bonne affaire. Pas vraiment de quoi rassurer sur lâintĂ©rĂȘt de vraiment dĂ©fendre la masse.
Reste que Capsens doit organiser 201 AG pour les 201 projets, afin de remplacer Koregraf. Et en profiter au passage pour⊠augmenter ses honoraires. Et tenter de grapiller quelques frais supplémentaires.
Du cĂŽtĂ© dâInter Invest on se dĂ©fend de frais exorbitants. Evidemment en valeur absolue ça se compte en millions. Mais en pourcentage, on parle 7-8% sur la durĂ©e, soit 2 Ă 3% annualisĂ©s sur le capital, soit 50% de plus quâun gĂ©rant de fonds.
Pour les investisseurs, ce sont des gros montants. On parle de personne qui ont mis quelques milliers ou dizaines de milliers dâeuros. Et qui voient des frais supĂ©rieurs Ă ces montants, sur des projets Ă 500-700-900KâŹ. Sans point de comparaison. Sans Ă©chelle de valeur. Et sans vĂ©ritablement comprendre Ă quoi ça correspond. Parce que clairement la communication pose vĂ©ritablement problĂšme.
Pour les dizaines de milliers dâinvestisseurs, ces trois noms sont sortis du chapeau, et demandent des frais dont ils nâavaient jamais entendu parler, alors quâils dĂ©couvrent la rĂ©alitĂ© de leur investissement. De quoi rĂ©volter quelques centaines dâinvestisseurs, regroupĂ©s dans un forum et un Discord, qui tentent de se faire entendre, en publiant des avis nĂ©gatifs sur Inter Invest, en parlant Ă des journalistes, en crĂ©ant une association ou en imaginant des recours judiciaires.
Beaucoup fantasment alors sur la capacitĂ© Ă faire condamner Koregraf. Ou Inter Invest. Ou lâAMF. Ăa sort des articles de loi pas tout compris ou dĂ©bat sur des points juridiques qui ne changeront pas grand chose. Parce que la rĂ©alitĂ© de ce type de dossier, câest que la masse, qui nâest pas la frange la plus bruyante, finit par accepter ce quâon lui propose. Comme Tudigo, dâailleurs, dont lâAG du SPV a validĂ© les propositions faites et dĂ©jĂ en place, malgrĂ© les alternatives crĂ©dibles.
A ce propos, je vois dâailleurs quelques avocats sâagiter autour de ces dossiers, promettre des class actions tout en facturant de bons gros honoraires. Parce quâils disent voir que yâa eu des manquements de plateformes, et quâils ont un assureur qui pourra payer.
Tout ça semble trĂšs faux, ou a minima trĂšs exagĂ©rĂ©. Dans les centaines de dossiers que jâai vu, chez Koregraf ou ailleurs, les manquements sont souvent ceux des emprunteurs, et moins des plateformes. Quant Ă la responsabilitĂ© des plateformes, il nâapparait que rarement Ă©vidente, et la rĂ©alitĂ©, câest surtout que les investisseurs ont fait des mauvais placements, et ça, personne nâira les rembourser. Dâautant que ces procĂšs sont longs. TrĂšs longs. 5 ans. 10 ans. Quâen face, ça ne sera plus les plateformes, qui seront mortes, mais des assureurs qui feront tout pour ne pas payer. Et que ça pourrait aussi couter trĂšs chers aux investisseurs, si ça se finit comme le procĂšs de lâUPRA contre les auditeurs dâAtos : les investisseurs, de bonne foi, ont Ă©tĂ© condamnĂ©s aux dĂ©pens pour prĂšs de 2M⏠de frais de justice15.
Câest pour ça quâaux investisseurs qui mâavaient contactĂ©, jâavais plutĂŽt conseillĂ© de nĂ©gocier les frais, plutĂŽt que dâimaginer judiciariser une affaire qui nâa que peu de chance dâaboutir Ă quoi que ce soit.
Note conflits dâintĂ©rĂȘts : jâai servi de mĂ©diateur (bĂ©nĂ©volement) entre plusieurs reprĂ©sentants des investisseurs de Koregraf et les dirigeants dâInter Invest, afin quâils puissent nĂ©gocier tout ou partie des frais proposĂ©s.
Parce quâeffectivement, la grille tarifaire16 semblait un peu Ă©levĂ©e, et surtout peu adaptĂ©e aux cas particuliers.
Pour les projets dits sains
20K⏠HT pour le représentant de la masse (PS Trustee)
4,20% sur les sommes recouvrées (15-63)
0,48% pour les frais de transfert (Capsens)
Pour les projets dits en difficulté
2K⏠/ trimestre pour la représentant de la masse (PS Trustee)
5K⏠+ 2.5% sur les sommes recouvrées (15-63)
0,48% pour les frais de transfert (Capsens)
Rapidement, plusieurs problĂšmes remontent :
Les montants sont trÚs élevés pour les petits projets
La notion de projet en difficultĂ© est floue, alors quâun projet qui a 15 jours de retard, ou un autre qui est en liquidation ne peut pas ĂȘtre traitĂ© de la mĂȘme façon.
Les investisseurs envoient alors des centaines de communications, sâorganisent pour voter contre les propositions pour chacun des projets. Dâautres veulent carrĂ©ment demander lâannulation ou le report des votes, ou mĂȘme devenir eux-mĂȘmes reprĂ©sentants de la masse⊠for free. Il suffit de passer quelques minutes Ă lire le bordel dans le Discord pour comprendre quâun reprĂ©sentant de la masse amateur, ne peut que mal finir.
Cela dit, ce nâest pas totalement incomprĂ©hensible non plus, parce que dans les cas des projets en difficultĂ©, il a Ă©tĂ© proposĂ© aux investisseurs dâenvoyer des fonds, pour financer le recouvrement. Fonds qui seront rĂ©munĂ©rĂ©s, et remboursĂ©s en prioritĂ©, ce qui a occasionnĂ©, lĂ encore, de trĂšs nombreux commentaires parce que tout ça nâĂ©tait pas trĂšs clair17.
Reste quâaprĂšs une nĂ©gociation entre deux reprĂ©sentants, Inter Invest (qui nâa plus rien Ă gagner dans lâhistoire) et les diffĂ©rents acteurs, une nouvelle tarification est proposĂ©e, ainsi que des concessions sur certains projets afin que tout ça soit plus cohĂ©rent.
Deux jours aprĂšs ce revirement, câest WiSeed qui changeait Ă©galement les conditions de son recouvrement. La plateforme (comme WeShareBonds) Ă©tait pourtant citĂ©e depuis des jours comme ayant pris en charge lâintĂ©gralitĂ© des frais et faisait figure de modĂšle pour les investisseurs.
« Historiquement, WiSEED prenait en charge les frais de procédure (avocats, auxiliaires de justice, frais de saisie immobiliÚre) et se remboursait sur les sommes recouvrées. Cette approche était envisageable lorsque les cas restaient exceptionnels.»
DĂšs lors, on peut se poser la question de lâintĂ©rĂȘt de ces plateformes⊠Si elles ne prennent de lâargent que sur la collecte, et que le moindre euro qui nâest pas au BP doit ĂȘtre avancĂ© pour les investisseurs⊠alors Ă quoi servent ces plateformes ?
Dâautant quâon nâa pas fini dâentendre parler de ces frais vu le montant astronomique des pertes Ă venir.
Point Bison Pas TrÚs Futé
Parce que tout ce bordel va coĂ»ter cher. Selon mes estimations, basĂ©es sur les 22 plateformes pour lesquelles jâai pu recouper les donnĂ©es (ce qui exclut Bricks, Buildr, October, SoWeFund, Proximea, Prexem, MyOptions, Miimosa, Wevest ou encore WeShareBonds) qui reprĂ©sentent 7,1G⏠dâobligations les pertes vont ĂȘtre considĂ©rables.
Officiellement, toutes plateformes confondues, les pertes sont de 100MâŹ.
Mais prĂšs de 700M⏠sont dâores et dĂ©jĂ en procĂ©dures collectives
Plus de 580M⏠sont en retard de plus de 6 mois ;
363M⏠de moins de 6 mois. On a donc 1,6G⏠de problÚmes sur 7,1G⏠collectés. Avec prÚs de 42% chez Koregraf, 39% pour Lymo, 36% chez Baltis, 35% pour Upstone, 32% pour Raizers, ou 23% pour Anaxago. La plateforme actuellement en process de cession accuse à elle seule 98,4M⏠de perte (15%) et 50M⏠en procédures collectives.
En regardant les probabilitĂ©s de perte18, on peut estimer que les Ă©pargnants vont laisser un milliard dâeuros sur la table.
UN PUTAIN DE MILLIARD DE PUTAIN DâEUROS.
Tout ça pour des Ă©pargnants qui pensaient investir dans lâimmobilier, avec les garanties fantasmĂ©es, sans comprendre quâils finançaient des opĂ©rations de PME qui nâĂ©taient pas finançables par les banques.
Tout ça parce quâon a oubliĂ© de dire clairement aux Ă©pargnants les risques qui Ă©taient associĂ©s avec des rendements Ă 8-9-10-12% afin de pas freiner la collecte.
Lâarchitecture du mensonge
Ces failles ne nuisent pas seulement aux investisseurs individuels, mais à la crédibilité et à la viabilité de l'ensemble du secteur du crowdfunding obligataire. Sans réforme structurelle, c'est toute une filiÚre prometteuse de la finance alternative qui risque de s'effondrer sur ses propres contradictions juridiques.
Si tout ça est trĂšs confus et trĂšs complexe, câest tout simplement parce que, comme je le rĂ©pĂšte depuis bientĂŽt 3 ans : lâintĂ©gralitĂ© de ce PSFP est un Ă©norme non-sens, qui cause plus de problĂšme quâil nâen rĂ©sous :
En plaçant la plateforme en Ă©norme situation de conflit dâintĂ©rĂȘt oĂč elle est rĂ©munĂ©rĂ©e sur la collecte, sans intĂ©rĂȘt de proposer des bons projets ;
En laissant les acteurs gĂ©rant leurs procĂ©dures dâextinction sans le moindre contrĂŽle ;
En nâintervenant jamais sur les communications commerciales erronĂ©es voire mensongĂšres, qui ont tantĂŽt minimisĂ© les risques, tantĂŽt fait passer le crowdfunding immobilier pour un investissement en immo, alors que câest un financement de PME ;
En nâoffrant aucun cadre au fractionnement immobilier qui âfait avecâ en contournant plus ou moins une rĂ©glementation non adaptĂ©e ;
En mĂ©langeant les actifs financiers (obligations et equity notamment) alors que si la mĂ©thode de collecte est la mĂȘme, les enjeux, les risques et la maniĂšre de les apprĂ©hender nâont rien Ă voir ;
En autorisant, voire en promouvant, le concept de SPV pourtant abandonné depuis un moment ;
En autorisant des accumulations dĂ©lirantes de frais, parfois cĂŽtĂ© porteurs de projet, parfois cĂŽtĂ© investisseurs, rendant la lecture extrĂȘmement floue des risques rĂ©els.
Au milieu de tout ça, le lobby des plateformes Financement Participatif France, qui a récemment intégré France Fintech a gravement échoué à sa mission.
En Ă©tant incapable dâimposer Ă ses adhĂ©rents dâafficher les indicateurs de performance ;
En donnant des indicateurs par annĂ©e, en nombre important, illisibles pour le grand public, avec une opacitĂ© totale sur lâĂ©volution des chiffres ;
En refusant de clarifier la problématique spécifique du fractionnement immobilier ;
En étant incapable de trouver une maniÚre de présenter les résultats du crowdequity ;
En laissant proliférer des communications agressives, trompeuses et mensongÚres qui ont mis en retrait les risques pourtant bien réels ;
En acceptant un statut commun pour toutes les plateformes, alors mĂȘme que leur mĂ©tier Ă©taient diffĂ©rents ;
En ne mettant jamais clairement sur la table la non-adéquation des cadres réglementaires avec les activités des opérations.
Mais heureusement les régulateurs vont taper fort sur la table et condamner, forçant tous les responsables à assumer leur responsabilité.
Non jârigole.
Evidemment pas.
Parce que comme dâhabitude, les rĂ©glementations ont surtout Ă©tĂ© faites pour protĂ©ger ceux qui les Ă©crivent. Certes, des gĂ©rants ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© condamnĂ©s pour des manquements, jâen ai parlĂ© plusieurs fois dans le cadre des SCPI. Mais ces sociĂ©tĂ©s, globalement sĂ©rieuses malgrĂ© quelques abus, existent toujours.
LâAMF est actuellement en train dâenquĂȘter. Les rapports vont arriver dans 1 ou 2 ans, possiblement conjointement avec dâautres rĂ©gulateurs. Les condamnations, si yâen a, arriveront dans 2 ou 3 ans. Les boites nâexisteront plus. Yâaura plus un seul euro Ă aller chercher. Et ceux la plupart des propriĂ©taires, eux, nâauront rien perdu. Câest pas leur pognon qui Ă©tait en jeu.
Cette situation appelle une réforme urgente du cadre juridique du PSFP.
L'indépendance obligatoire : imposer la nomination d'un représentant de la masse totalement indépendant de la plateforme.
La responsabilité clarifiée : renforcer le devoir d'information initiale avec une responsabilité claire des plateformes PSFP, ouvrant droit à des actions individuelles en cas de manquement.
La séparation des pouvoirs : dissocier clairement les fonctions de sélection, de commercialisation et de représentation.
Le contrÎle procédural renforcé : systématiser les audits sur le respect des procédures d'émission par les plateformes, notamment concernant les certificats de dépÎt des fonds et le respect des schémas juridiques annoncés.
La communication sur les risques : obliger les plateformes à expliquer clairement ce dans quoi investissent les investisseurs, et les risques exposés, en sanctionnant les risques cachés ou mis loin des promesses.
Le crowdfunding nâest certes pas mort. Certains continuent Ă collecter, voire Ă afficher de belles performances.
Enerfip
BienprĂȘter
Lendopolis
Lendosphere
Et peut ĂȘtre quelques autres acteurs plus petits
ConsidĂ©rez que câest un conseil en investissement (ou pas) si vous le souhaitez. . Et il nâest pas question de mettre au pilori chaque plateforme qui, comme La PremiĂšre Brique, a subi des pertes (ou bientĂŽt). Câest normal. Un placement Ă 10% sans risque nâexiste pas. Mais si certains ont des pertes Ă moins de 5% et dâautres Ă plus de 20%, ce nâest pas un hasard. De mĂȘme que ce nâest pas un hasard qui les SCPI qui se sont planter en 2023-2025 sont celles des mĂȘmes gĂ©rants, sont celles qui ont le plus collectĂ©.
Et tout comme une bonne partie des CGP ont une énorme part de responsabilité pur avoir vendu de la merde pour se gaver en commission, ceux qui ont relayé des plateformes de merde, en pseudo-analysant des projets de merde pour prendre des commissions (de merde) devraient aussi se remettre en cause.
Mais lĂ encore, pas de conclusion. Juste le mĂȘme constat. Encore une fois.
Depuis que jâai commencĂ© Ă Ă©crire, je traite sur des sujets qui mettent en avant des problĂšmes, alors que mon mĂ©tier depuis 18 ans, câest dâapporter des solutions Ă mes clients.
Voila pourquoi je travaille depuis peu avec un partenaire qui accompagne et finance les litiges financiers, patrimoniaux ou familiaux complexes, au sein dâune structure qui regroupe un pool dâexperts (dont moi), adossĂ©e Ă un groupe au capital de plus de 100MâŹ.
Pour ĂȘtre clair : si tâas un litige financier complexe qui peut sâavĂ©rer long et couteux, nous pouvons y regarder, et la rĂ©munĂ©ration ne sera quâau succĂšs.
Je mâappelle Benjamin Charles, et je fais du conseil en branding, positionnement et crĂ©ation de contenus pour des entreprises de la finance, de lâimmobilier et du web3.
đ Me contacter, ou rĂ©pondre Ă ce post : benj@mincharl.es
đ Me laisser un brief pour un projet pro
đ Prendre RDV en visio pour prĂ©senter un projet ou un service (300⏠le call)
Vendredi 25 avril, Mathilde Iclanzan, directrice gĂ©nĂ©rale de Wiseed, annonçait dans LâAgefi faire âĂ©voluer [le] business modelâ, mais jâai vu lâinfo trop tard, je nâai pas accĂšs Ă lâarticle, et ça ne change (Ă mon avis) pas le fond.
Wiseed fait Ă©voluer son business model, GaĂ©tan Pierret, LâAgefi, 25 avril 2025
Selon les chiffres que jâai pu confirmer et recouper entre les acteurs
Code du commerce articles L228-38 Ă L228-90, et R228-60 Ă R228-86
Caisse de Prévoyance des Agents de la Sécurité Sociale et Assimilés
CA Versailles, 20 octobre 2022, n° 22/00881
Article L.228-54 du Code de commerce
21 mars 2023, RG n° 21/01956
30 mai 2024 RG n°23/17840
Conseil en Investissements Participatifs
Absence de certificat de dépÎt des fonds requis par le droit des sociétés
Au 21 février 2025, selon les chiffres de Koregraf
Plan de continuitĂ© dâactivitĂ©
Ce qui, Ă©videmment, nâest pas une remise en cause du fait quâelle existe bien
Update sur le procĂšs de lâUPRA contre les auditeurs dâAtos pour rĂ©paration des pertes boursiĂšres, Atos Bourse, 5 fĂ©vrier 2025
Les chiffres sont ceux qui ont été retrouvés dans les différentes propositions.
Le fait de savoir âqui perçoit quoiâ reste complexe, parce que les contrats, par exemple, ne font jamais explicitement rĂ©fĂ©rence Ă la sociĂ©tĂ© de recouvrement.
Pour ĂȘtre tout Ă faire transparent, je nâai pas creusĂ© outre mesure, jâavais dĂ©jĂ passĂ© beaucoup trop de temps sur le sujet, et ça ne changeait pas le fond.
En fonction des chiffres données par les plateformes, dont certains sont trÚs anciens et peuvent ne pas refléter la réalité actuelle.
Avec comme hypothĂšse de les probabilitĂ©s dâaggravation calculĂ©es sur la pĂ©riode 2022-2024 sur le risque de perte :
20% pour les retards de moins de 6 mois ;
60% pour les retards de plus de 6 mois ;
85% pour les procédures collectives.
Hors crowdequity.