đ„ Masteos : Anatomie dâune chute
Retour sur l'effondrement à 65M⏠d'une des plus grosses proptechs françaises.
Depuis la remontĂ©e des taux, lâĂ©cosystĂšme startup tremble. Parce que ce modĂšle dâentreprise est basĂ© sur le financement de leur croissance par des fonds de venture capital (VC) qui tentent de rĂ©cupĂ©rer leur mise x10 x50 voire x100, espĂ©rant avoir investi dans le prochain Facebook.
Ce modĂšle a une limite qui porte un nom : le runway. Câest-Ă -dire lâespĂ©rance de vie financiĂšre dâune entreprise en fonction de sa trĂ©sorerie. Entre 2019 et 2022, chaque startup connaissait sa date limite, et donc Ă quel moment boucler son tour de financement.
Le retournement de marché a tout changé.
Et il y a des entreprises particuliÚres touchées par ce changement : les fintechs et les proptechs.
Parce quâune hausse des taux a pas mal de consĂ©quences :
La hausse des rendements garantis : avec une obligation dâĂ©tat Ă 4 ou 5% (contre 0,5% 1 an avant), quel intĂ©rĂȘt dâinvestir sur du risquĂ© Ă 5 ou 6% ?
La hausse des taux fait baisser le prix de lâimmobilier et ralentit la production de crĂ©dit (câest prĂ©cisĂ©ment lâobjectif). Mais le marchĂ© immobilier rĂ©sidentiel est fortement portĂ© par la production de crĂ©dit (et inversement).
à la croisée des mondes, on retrouve évidemment les réseaux de mandataires comme IAD, qui ont pu gérer leurs couts parce que leurs créateurs de valeurs ne sont pas salariés, mais également les nombreux vendeurs de locatifs clé en main.
Mais pourquoi ImAvenir, Bevouac, Investisseur Locatif, Ouiker, Beanstock ou Masteos ne sont pas dans la mĂȘme situation dĂ©but 2024 ?
Parce que la plupart des startups qui galĂšrent depuis quelques mois, sont celles qui ont levĂ© des fonds. Ă lâinstar de Hosman (10M⏠levĂ©s) qui serait au bord du dĂ©pĂŽt de bilan, les 65M⏠levĂ©s par Masteos nâauront pas suffi Ă sauver lâentreprise.
Et si, en rĂ©alitĂ©, câest mĂȘme ça qui avait causĂ© sa perte ?
â±ïžAvant que lâombreâŠ
Lâhistoire de Masteos remonte Ă un an avant sa crĂ©ation en 2019, chez un concurrent.
Ă lâĂ©poque Bevouac nâa que quelques mois, et parmi ses premiers collaborateurs se trouvent Thierry Vignal et Maxime Hanquier, futurs co-fondateurs de Masteos. Un moment immortalisĂ© par une photo partagĂ©e par Martin Menez (toujours Ă la tĂȘte de Bevouac) Ă lâoccasion dâun post LinkedIn rappelant gentiment que son entreprise, elle, allait bien. Ils nâarriveront pas Ă se mettre dâaccord sur leur possible association, et finiront par quitter lâentreprise.
Je sais pas si vous vous rappelez 2019⊠Je vous parle dâun temps que les stagiaires analystes VC ne peuvent pas connaĂźtre. CâĂ©tait une Ă©poque de taux bas, de marchĂ© immobilier en surchauffe, oĂč le Covid nâexistait pas, et avant que les Ă©normes levĂ©es de startup nâarrivent en France.
Câest loin hein ?
Ă la mĂȘme Ă©poque, les rĂ©seaux immobiliers ârecrutentâ des mandataires Ă foison pour couvrir le territoire. Tout se vend, tout se finance.
Mais tout ça nâexiste que grĂące Ă une anomalie de marchĂ© : des taux directeurs Ă 0%.
Aucune personne normalement constituĂ©e, passĂ©e par une Ă©cole de commerce ou ayant pris des cours de finance ne peut lâignorer. Pas plus quâil nâest possible dâignorer que câest une situation temporaire.
Et la pĂ©riode Covid nâa fait quâaggraver la situation :
En obligeant les banques centrales Ă continuer la politique de taux bas pour relancer lâĂ©conomie ;
Par la politique mondiale, massive, hors norme et inédite de création monétaire et de rachat de dette.
à ce niveau on ne peut plus dire que le ver était dans la pomme, mais que le pommier était pourri par la racine.
Quâen savaient Thierry Vignal (actionnaire Ă 47% Ă la crĂ©ation) et Maxime Hanquier (53%) ? « Pas grand-chose », selon le premier. « Si les taux Ă©taient montĂ©s Ă 2% au lieu de 4%, Masteos aura survĂ©cu », selon le deuxiĂšme.
Mais ni eux, ni les actionnaires historiques comme Pierre Entremont ne sont dupes. Si Masteos a permis Ă 1â600 personnes dâinvestir dans lâimmobilier, câest grĂące Ă une martingale temporaire qui existait dĂ©jĂ depuis un moment.
Parce que Masteos est venu se mettre une niche oĂč existait un autre business : les formations. Pendant des annĂ©es des mecs ont vendu, en promettant richesse et libertĂ©, des mĂ©thodes pour investir dans lâimmobilier, souvent Ă la limite du lĂ©gal. Ă base de rĂ©sidence principale qui finalement devient du locatif, de doublette de crĂ©dits, de surestimation des travaux et fausses factures pour sortir du cash du crĂ©dit, etc.
LâidĂ©e du locatif clĂ© en main avait dĂ©jĂ repris par certains dâentre eux, comme Kevin Savonni avec Revenus Locatifs, mais de maniĂšre trĂšs cadrĂ©e et mesurĂ©e. Masteos, lui, voulait lâindustrialiser.
đžFree Money
Au départ, Masteos avait un autre projet que raconte Maxime Hanquier :
« On voulait monter une boite de coliving pour challenger le modÚle, mais on manquait de cash : on était au RSA ! Alors pour faire tourner la boite on a commencé par faire des deals comme on faisait avec Bevouac. En moins de 2 mois, on a fait 10 ventes. »
Thierry Vignal a plutĂŽt un profil de gestion et de communication externe. Maxime Hanquier est plutĂŽt spĂ©cialisĂ© en marketing et acquisition. Et ce qui devait ĂȘtre un side project devient finalement leur coeur de mĂ©tier.
Courant 2020, Tanguy de FerriĂšres qui dirige lâentreprise depuis peu entre au capital en prenant 5,6% des parts. Il est suivi par JĂ©rĂŽme Manuguerra, en charge des travaux (qui quittera lâentreprise en 2022), puis des actionnaires de Happy Property, qui cĂšdent un blog immo en Ă©change dâun peu dâactions. Le dirigeant, SĂ©bastien Gal deviendra CPMO, avant de quitter Masteos pour crĂ©er Prello Ă lâĂ©tĂ© 2021, notamment parce quâil ne croyait pas Ă la scalabilitĂ© du modĂšle.
Sont alors actionnaires :
Thierry Vignal (33%)
Maxime Hanquier (38%)
Tanguy de FerriĂšres (4%)
JérÎme Manuguerra (24%)
Sébastien Gal, Kevin Bruneau, Ludovic de Jouvancourt (>0,1%)
Masteos nâest pas tout Ă fait rentable, lâĂ©quilibre nâest pas loin. Le problĂšme, câest son BFR. Parce que lâimmobilier est un cycle long. Il faut 2 mois pour quâun lead passe Ă lâaction, Ă peu prĂšs pareil pour quâil signe un deal, et encore 2 fois ça pour que la transaction soit payĂ©e. Et Masteos avec. Soit 6 Ă 10 mois pour un client. Environ 14 mois aprĂšs un recrutement.
Câest pour financer ce BFR que Masteos fait un seed en BSA de 1,1MâŹ, annoncĂ© sur dĂ©cembre 2020 sur son site internet via un article cryptique. Le ticket dâentrĂ©e est fixĂ© Ă 5â000âŹ.
Le principal investisseur est Manoury (300â000âŹ), LLC amĂ©ricaine dirigĂ©e par Infravia. On retrouve Ă©galement Olivier Daligault (Meilleurs Agents), Pierre Entremont (Frst), Maxime Lesaulnier (Onefinestay), Benjamin Bitton (2C Finance), Bilal El-Alamy (Equisafe, futur PyratzLabs et Dogami), Guillaume Lestrade (Meero), Reda Berrehili (Mixotv, Onefinestay), ainsi que plusieurs salariĂ©s de Masteos.
Un des premiers collaborateurs qui a passĂ© plus de 2 ans dans lâentreprise explique lâengouement interne :
« La seule grande réussite de Masteos, c'est d'avoir recruté presque exclusivement des gens passionnés et convaincus de pouvoir aider des personnes à accroßtre leur patrimoine grùce à l'investissement locatif. »
Rapidement, le VC français Daphni suit avec 3M⏠via Daphni Yellow (issu dâune fusion avec le fonds de Marc Simoncini) qui venait de closer 80M⏠avec Accor, Bouygues ou encore Macif.
LâidĂ©e officielle est de dĂ©velopper la tech, ce qui permettrait de valoriser lâentreprise, et donc de recruter une Ă©quipe dĂ©diĂ©e. Mais la rĂ©alitĂ© est un peu diffĂ©rente.
« Câest toujours les investisseurs qui sont venus nous voir et pas nous qui sommes allĂ©s les chercher », confie Maxime Hanquier
Câest dâailleurs le cas de quasiment toutes les grosses levĂ©es de cette pĂ©riode oĂč le FOMO rĂšgne. Au point quâon finit par se demande si les BP sont créés pour les levĂ©es⊠ou lâinverse.
Câest mi 2022 que tout va sâaccĂ©lĂ©rer : Masteos annonce une sĂ©rie A Ă 40M⏠logiquement leadĂ©e par DST Global, qui fait Ă©galement entrer Kima, le fonds de Xavier Niel (Free) et Jeremie Berrebin (Zilo, Leetchi).
Moins mĂ©diatique que Sequoia ou a16z, DST gĂšre 50mds$. Créé en 2009, il est dirigĂ© par Youri Milner un Russe qui a cofondĂ© Mail.ru, vendu pour devenir VK. Son fonds a investi assez tĂŽt dans Facebook, Twitter, Snapchat, Spotify ou Alibaba, et a fait dâĂ©normes plus-values lors des ventes de WhatsApp Ă Facebook ou ByteDance (TikTok).
« Une lĂ©gende de la Silicon Valley, qui a de quoi faire rĂȘver nâimporte quel patron de startup au monde » explique un co-fondateur de licorne.
đŸ Non-wisdom of the crowd
Quand un des meilleurs VC du monde entre au capital dâune startup, on peut imaginer la longueur des dues diligences. Non seulement parce quâon parle de beaucoup dâargent, mais surtout parce que ça envoie un signal gigantesque au marchĂ©.
Pourtant, tous les investisseurs semblent ignorer le contexte macroéconomique.
« Quand la sĂ©rie se boucle1, ils ne se rendent mĂȘme pas compte que les taux sont en train d'augmenter et que ce n'est pas du tout le bon moment », selon Thierry Vignal.
Les 20M⏠font forcĂ©ment tourner la tĂȘte : les fondateurs se retrouvent Ă avoir des parts importantes dâune boite valorisĂ©e 100MâŹ.
« Pour 20MâŹ, nâimporte qui couche avec sa mĂšre », ironise (lucide) Thierry Vignal. « Ă partir du moment oĂč un mec te propose 20MâŹ, quelles que soient les raisons, tu dis oui. Moi, j'ai dit oui. »
Parce que si beaucoup aiment Ă dire « pour tout lâor du monde, je ne fais pas ci » ou « mĂȘme pour XMâŹ, je ne fais pas ça », combien ont vraiment Ă©tĂ© dans une situation oĂč lâoffre Ă©tait vraiment sur la table ?
Pourtant, quelques mois plus tĂŽt, la Russie a envahi lâUkraine. Une situation que connait parfaitement Youri Milner puisquâil a renoncĂ© Ă la nationalitĂ© russe, en partie pour Ă©chapper aux sanctions.
De son cĂŽtĂ©, lâinflation est en train dâexploser depuis 2021, et en France lâIPC est en train de dĂ©passer 6%.
Il nây a AUCUN scĂ©nario possible oĂč les taux nâaugmentent pas.
Aucun.
Vraiment.
Et si une hausse des taux aura un impact mondial, ça le sera encore plus sur lâimmobilier qui met du temps Ă rĂ©agir, surtout sur le rĂ©sidentiel. Un marchĂ© auquel Masteos est exposĂ© Ă 100%. Dâautant que lâinflation est dĂ©jĂ en train de peser trĂšs fort sur le cout des matĂ©riaux, et donc des travaux.
Câest dâailleurs une autre Ă©trangetĂ© de cette sĂ©rie.
Masteos est valorisĂ© 100MâŹ, soit 10 fois moins que Shine, par exemple. De lâavis de plusieurs personnes de lâĂ©poque, les ratios Ă©taient bon. Parce que Shine faisait Ă peine 4M⏠de CA, quand Masteos faisait 20MâŹ. Mais 50% Ă©tait un CA travaux, ce qui en faisait une grosse PME du BTP.
Pourtant Ă cette pĂ©riode, Masteos est Ă son apogĂ©e : en juin 2022 lâentreprise fait 250 deals. Mais lâĂ©quilibre (5MâŹ/mois), câest plus du double. Lâentreprise burn 2⏠pour espĂ©rer en gĂ©nĂ©rer 1.
Et on est ici face à 2 énormes problÚmes :
Des VC ont estimé une boite en utilisant des ratios et des méthodes SaaS ;
Masteos est une boite de gestion locative et de travaux, câest-Ă -dire des mĂ©tiers qui ne sont pas du tout scalables.
Un point qui avait dĂ©jĂ posĂ© problĂšme Ă âlâĂ©poque royaltiesâ Ă CĂ©dric OâNeill, fondateur de Bricks.
« Câest trĂšs difficile de gĂ©rer des locataires particuliers. Tu te retrouves avec une armĂ©e mexicaine qui doivent gĂ©rer Ă la main, donc ça grĂšve ta renta. »
Un point confirmĂ© par le gĂ©rant dâune SCPI rĂ©sidentiel.
En rĂ©alitĂ© il suffit de connaitre un tout petit peu lâimmobilier et de regarder 10 minutes le business plan pour se rendre compte quâil ne faut pas investir dans Masteos. Pas parce que câest une mauvaise boite. Mais parce quâelle ne peut pas faire ce quâun VC attend dâun investissement startup.
Câest ce qui avait dĂ©cidĂ© CĂ©dric OâNeill a basculĂ© du modĂšle proptech Ă celui de fintech en devant intermĂ©diaire et non gestionnaire.
« On nâa pas su choisir si on Ă©tait une startup ou une boite opĂ©rationnelle. Au moment oĂč on lĂšve fort, on aurait dĂ» faire ce choix, et recruter un codir en consĂ©quence » avoue Maxime Hanquier.
Pourtant, les deux dirigeants ont plutĂŽt des profils startup, et dĂ©lĂ©guer lâopĂ©rationnel Ă©tait Ă la fois dans lâair du temps, et dans la logique du monde des travaux.
Reste que des millions sont cramĂ©s en marketing pour crĂ©er une marque et faire de lâacquisition de leads. Ou 500K⏠pour acquĂ©rir un logiciel qui, selon toutes les personnes interrogĂ©es, nâavait aucun sens. Ou des bureaux (dans lâancien hĂŽtel particulier oĂč avait filmĂ© la Star Academy) Ă 80â000⏠/ mois.
« On sentait que lâargent coulait Ă flot et que la boite ne comptait pas les dĂ©penses. Tout le monde Ă©tait bien payĂ©, certains avaient des voitures de fonction. CâĂ©tait la belle vie. » raconte un ex-salariĂ©.
âïž Y a-t-il un pilote dans l'avion ?
Est-ce que les dirigeants en sont conscients ? Thierry Vignal parle dâune forme de dĂ©sarroi qui frĂŽle lâamateurisme.
« Moi, je n'y connais rien. C'est ma premiÚre boite. Je rentre de Londres, je n'ai jamais fait de startup. J'ai été analyste en banque. J'ai aidé des potes à acheter des apparts à Rouen, au Havre, à Lille. J'étais trÚs bien. J'étais avec mon copain, Gégé, le roi du placo. »
Maxime Hanquier concĂšde que les dirigeants de startups sont globalement mal formĂ©s, notamment Ă la gestion des entreprises, et aux lois qui les rĂ©gissent. Et sans doute Ă ce quâimplique de lever des fonds.
Parce quâune fois que câest fait, il faut faire de la croissance. Et toutes les startups finissent dans une espĂšce de tourbillon.
DÚs que tu as un gros fonds, les autres suivent les yeux fermés ;
Plus tu lĂšves dâargent, plus on veut tâen donner ;
Plus tu as dâargent, plus tu en crames ;
Plus tu en crames, plus tu fais de la croissance artificielle ;
Plus tu fais de croissance, plus on te refile de pognon, etc.
Cette course contre le runway semble difficilement compatible avec lâĂ©tablissement une stratĂ©gie long terme.
« Personne ne prend du recul. Une fois que tu es embarqué dans une trajectoire, tu as un board tous les mois, tu avances, tu es le nez dans le guidon, tu regardes des KPIs » raconte Thierry Vignal
Ce qui peut expliquer des errements stratégiques étonnants.
Alors que tout le monde âubĂ©riseâ le marchĂ© en faisant bosser de faux indĂ©pendants, quâIAD explose le marchĂ© avec des mandataires qui ne leur coute rien, Masteos⊠fait le chemin inverse !
Avec une cinquantaine de commerciaux sur le terrain, en CDI, mais également du personnel pour les travaux, comme des plombiers. Une fausse impression de contrÎle qui coute cher.
« Ce nâest pas pour rien quâil nâexiste aucune boite nationale qui fait des travaux en dehors des groupes de BTP : câest surtout un mĂ©tier local qui se gĂšre localement et qui nâa aucune opportunitĂ© de scale » explique Thierry Vignal
Tout ses concurrents le confirment. Plusieurs salariés également.
Masteos aura accumulĂ© jusquâĂ 100 ouvriers, et avec 20 personnes aux RH pour gĂ©rer tout le monde.
« à 16h, ils partaient faire des chantiers au black. Et ils étaient cas contact COVID un jour sur deux » raconte Thierry Vignal, sans amertume, prenant la responsabilité à son compte.
Ces problĂšmes de recrutement se retrouvent Ă©galement au siĂšge, oĂč plusieurs salariĂ©s de lâĂ©poque parlent de personnes seniors avec des profils âstratĂ©gieâ et rarement des opĂ©rationnels pour les mettre en place.
Mais tous les salariĂ©s interrogĂ©s racontent la mĂȘme ambiance agrĂ©able.
« Jâai Ă©tĂ© agrĂ©ablement surpris par la bienveillance. Il y avait un bon Ă©tat dâesprit, et chacun essayait de faire son taf. »
Mais beaucoup parlent du manque de vision de la direction. Deux dâentre eux la symbolisent par une citation quâils attribuant Ă Maxime Hanquier
« Moi, je ne sais pas, câest pour ça que je recrute des gens qui savent »
Une belle preuve dâhumilitĂ© sur lâaspect mĂ©tier, mais dont lâabsence de direction claire finit par crĂ©er des guerres politiques entre C-level qui ont tous leurs propres visions.
Le problĂšme câest que tout ça coute cher.
« A posteriori, la levée avec DST était une erreur. Elle a servi à recruter pour licencier derriÚre », concÚde Maxime Hanquier.
Une embauche coute, tous frais compris, entre 15 et 20KâŹ. Masteos en a fait 300. Sauf quâil en a licenciĂ© tout autant⊠avec un cout Ă©quivalent. Une opĂ©ration Ă 10M⏠pour rien, hors salaire, que personne nâavait visiblement vu venir.
Mais personne parmi les fonds nâavait la moindre expĂ©rience en immobilier. Mais plus largement : combien de VC ont une expĂ©rience entrepreneuriale ?
Ni Daphni, ni DST, ni aucun membre du board nâa vu le problĂšme.
Pas plus que Thierry Vignal qui faisait le tour des plateaux télé.
đ« Ready or not, here I come, you can't hide
Si le tour de Daphni misait sur la tech (dĂ©veloppĂ©e par 25 personnes « sans direction claire », selon un membre de lâĂ©quipe), celui de DST devait financer un dĂ©veloppement Ă lâinternational.
Mais le produit nâest pas mĂ»r et lâhyper croissance nâest pas toujours bien gĂ©rĂ©e au quotidien : les clients finissent par sâen plaindre.
Un manager de lâentreprise indique alors avoir alertĂ© sa direction, afin de trouver des solutions sur lâĂ©volution du produit : « mais ça ne l'intĂ©ressait pas », dĂ©plore-t-il.
Plus dâune dizaine de tĂ©moignages clients me sont parvenus, parlant dâerrements dans les travaux, mais surtout dâun suivi plus quâapproximatif oĂč les Ă©quipes de Masteos nâĂ©taient plus joignables au moindre conflit. La quasi-totalitĂ© sâest finalement directement adressĂ©e au mĂ©diatique patron Thierry Vignal. Un client a mĂȘme alertĂ© un des VC.
Ces mĂ©contentements, visiblement frĂ©quents Ă©galement sur la partie gestion locative, font peur Ă Masteos qui tient Ă son image de marque. De nombreuses compensations de loyers sont accordĂ©es aux clients pour sauvegarder lâimage de marque.
Ă cela sâajoute un marchĂ© immobilier en baisse, des montants investis qui baissent. AprĂšs plus de 6 mois, lâEspagne et la Belgique peinent Ă faire 10 transactions par mois, et les pays sont abandonnĂ©s.
En France, plusieurs villes ouvertes sont finalement fermĂ©es. Angers nâexistera que 6 mois, le temps de faire un seul vente. Alors que, lĂ encore, si tout marchait bien sur le tableau Excel, la rĂ©alitĂ© du terrain a Ă©tĂ© plus cruelle. Comment imaginer prendre des parts de marchĂ© dans une ville bouchĂ©e, sans mĂȘme prendre le temps dâenvoyer quelquâun quelques semaines pour sonder le terrain ?
đ Down the rabbit hole
Ăvidemment, quand lâentreprise commence Ă perdre beaucoup dâargent, les investisseurs se rĂ©veillent.
Non jâdĂ©conne.
MĂȘme quand Masteos se met Ă perdre 1 ou 2M⏠par mois, personne ne rĂ©agit.
Pire : dĂ©but 2023, Masteos refait un tour de table menĂ© par le fonds dâEDF, rejoint par SWEN (Arkea) et NCI, afin de faire de la rĂ©novation Ă©nergĂ©tique. Un sujet hautement intĂ©ressant, porteur et stratĂ©gie⊠Mais le timing interroge.
Le marchĂ© immobilier pro vient de sâeffondrer, le rĂ©sidentiel est Ă lâarrĂȘt, les taux continuent de monter⊠et il nây a aucune porte de sortie avant au moins un an !
Maxime Hanquier le justifie :
« Le fonds EDF nâest pas lĂ pour faire des multiples, mais pour trouver dse synergies avec EDF et qui peut avoir un impact positif dans leur domaine. Mais câest des process longs. Il y a beaucoup de juridique, avec des enjeux nationaux. »
Le mois de lâannonce, Masteos est dĂ©jĂ complĂštement hors-piste avec un burn de 5MâŹ, soit plus de 2 fois ce qui Ă©tait prĂ©vu, avec lâobjectif de stabiliser Ă 1MâŹ.
« Le gros souci de Masteos câest que quand les dĂ©cisions sont prises elles ont un impact 6-10 mois plus tard. Les boards Ă©taient focus sur lâurgence parce quâon Ă©tait mal les prochains mois » explique Maxime Hanquier
Un SaaS peut continuer Ă vivre avec une Ă©quipe sales rĂ©duite. Si Masteos supprime un commercial dans une ville, lâactivitĂ© sâarrĂȘte. Câest lâune des raisons qui fait que lâactivitĂ© est assez peu scalable, dâailleurs.
Pourtant Daphni avait imposĂ© Claude Lesterlin en tant que CFO (parti chez Brut en octobre dernier), qui se prĂ©sente lui-mĂȘme comme « garant auprĂšs des fonds actionnaires du capital investi ».
Oups.
Au board suivant, le chiffre est annoncé. Personne ne bouge. Personne ne sourcille. Personne ne réagit.
Parce que VC câest un mĂ©tier de grosses couilles. Alors tout le monde fait le bonhomme. Et lĂ oĂč nâimporte qui dirait « mais bordel qui est le con qui a fait ça ? » puis « ok, comment on faire pour rattraper ce merdierâŠÂ» aucune dĂ©cision nâest prise.
Pourquoi ?
Les raisons ne sont pas trĂšs claires, mais clairement irrationnelles. Il a un fort Ă©go et une sorte de concurrence, y compris dans les boards avec des VC concurrents. Mais surtout il y a une volontĂ© de se dire que rien nâest grave, que tout ira mieux, quitter Ă sâenfermer dans un incroyable dĂ©ni moutonnier, entre mensonge collectif, contagion mentale et biais de confirmation.
Ou alors, plus rationnellement, tout le monde savait que câĂ©tait fini.
Le burn a réduit drastiquement le runway ;
Les objectifs financés de la série A ne sont plus atteignables.
Donc il va falloir refinancer rapidement une entreprise qui a échoué.
Les rares rĂ©ponses des VC semblent hors sol. Alors quâil faut rĂ©duire les couts, Daphni imposent des C-Level hors de prix.
Pour restructurer ? Exit Maxime Hanquier, et bonjour Thomas Maudet pour 370K⏠chargés par an.
Trop de gens ? Exit MaĂ«lle Lang, et bonjour StĂ©phanie Fraise (ex-BlablaCar, Dailymotion) pour 250KâŹ. Elle quittera lâentreprise en novembre pour rejoindre OpenClassrooms.
Besoin de croissance ? Bonjour Manuel Lesueur, nouveau CMO Ă 300KâŹ.
etc.
Pour réduire les couts, les VC viennent de rajouter 3M⏠de masse salariale.
Un exemple parmi dâautres.
đ§± Another Brick in the Wall
Ce type de situation finit par dĂ©motiver pas mal de fondateurs de startups, dont Thierry Vignal. Pas uniquement parce quâil a baissĂ© son salaire, mais aussi parce quâil est endettĂ© Ă titre personnel pour lancer Masteos.
Câest aussi le modĂšle des dirigeants, qui sont intĂ©ressĂ©s sur leurs parts plutĂŽt que leurs salaires.
Sauf que ses parts valent⊠à peu prÚs rien.
Pour comprendre pourquoi, il faut entrer dans une notion un peu technique : la liquidation preference liquid pref / LP).
Pour faire simple, il sâagit dâune garante financiĂšre de certains investisseurs sur les autres qui leur permet dâĂȘtre prioritaires en cas de vente.
Tant que la LP nâest pas atteinte, les autres ne perçoivent rien.
Dans le cas des fondateurs de Masteos, le âmurâ de LP est de 64MâŹ. Câest-Ă -dire que si lâentreprise Ă©tait vendue moins, alors ils ne percevraient pas le moindre euro sur leurs parts, quand mĂȘme bien ils restent les plus gros actionnaires.2
Ce tabou semble ĂȘtre Ă©norme dans lâĂ©cosystĂšme, alors que tout le monde est au courant. Dâautant que la plupart des fondateurs (contrairement Ă CĂ©dric O) ne cash out pas lors des levĂ©es, parce que câest souvent mal vu.
Pourtant, dĂšs lors que la valorisation rĂ©elle sâĂ©loigne de la valorisation du tour, le mirage des millions de cash out se dissipe face au mur de liquid pref. Et selon un avis partagĂ© par beaucoup, les valorisations 2020-2022 sont tellement dĂ©lirantes, quâil nây a aucune chance pour que ces entreprises la retrouvent un jour.
â Crowfunding : « Lâerreur de ma vie»
Cette liquid pref resurgit sur un autre sujet.
En janvier 2023, Masteos ouvre son capital au grand public via Crowdcube. Thierry Vignal ne cache pas quâil lâa aussi fait parce que dâautres lâavaient fait, comme Qonto. Pour des raisons purement marketing.
Mais le timing interroge : quand la levĂ©e dĂ©bute et se clĂŽture, lâentreprise va dĂ©jĂ trĂšs mal. De quoi lĂ©ser les 714 investisseurs qui ont mis 1,5MâŹ, dont Masteos nâavait mĂȘme pas besoin ?
Il sâagit surtout dâune longueur administrative. Cette levĂ©e Ă©tait synchronisĂ©e avec celle dâEDF : un dossier prĂ©sentĂ© Ă lâĂ©tĂ© 2022 et closĂ© au Q2 2023. Mais Ă lâĂ©tĂ© 2022, les chiffres Ă©taient Ă leur apogĂ©e.
Une situation qui dĂ©sole Thierry Vignal aujourdâhui.
« Je regrette Ă©normĂ©ment d'avoir fait Crowdcube pour plusieurs raisons. Je pense que le jeu du VC, Ă partir du moment oĂč les particuliers ne savent pas ce que c'est qu'une liquid pref, ils ne doivent pas jouer. Donc, je fais un Ă©norme mea culpa sur Crowdcube. C'Ă©tait l'erreur de ma vie. Et honnĂȘtement, si j'avais gagnĂ© le moindre centime, j'essaierais de le rendre. »
Maxime Hanquier confesse que les plus gros actionnaires via Crowdcube sont des proches des fondateurs, des dirigeants ou des salariés.3
Pour seul document, Crowdcube avait prĂ©sentĂ© un PowerPoint promotionnel sans le moindre chiffre. Sans expliquer ce quâest la LP⊠et sans mĂȘme donner le pacte dâactionnaire.
Depuis, Crowdcube a quittĂ© la France en toute discrĂ©tion, laissant les nombreux investisseurs sans rĂ©ponse dans les forums du site.Edit du 4 juillet 2024 : Crowdcube nâa jamais quittĂ© la France.
La question mĂȘme dâouvrir le capital dâentreprises non cotĂ©es pose question. Ă lâheure oĂč un jeu tĂ©lĂ© sur M6 fait croire quâil est possible de placer des sommes Ă 6 chiffres en Ă©change dâun pourcentage, sur lâunique base dâune personne qui parle 5 minutes, câest un jeu dangereux. Qui lâest dâautant plus quand plusieurs intervenants de ce jeu, se servent de cette promotion pour monter une plateforme dâinvestissement gamifiĂ©e.
Une SCPI est considĂ©rĂ©e comme un produit complexe pour lâAMF. Le private equity non.
« Je ne pense pas quâil faille laisser nâimporte qui investir. Crowdcube est rĂ©gulĂ© et contrĂŽlĂ©, mais les gens sây perdent. Masteos câest un projet complexe, avec 4 business units, de lâinternational, un cap-table compliquĂ©e⊠» pense Maxime Hanquier
đ« This is this end, my only friend
En avril 2023 la situation est incontrĂŽlable. Non seulement lâentreprise est beaucoup trop Ă©loignĂ©e de son BP, mais son burn est tellement Ă©levĂ© quâelle ne pourra pas finir lâannĂ©e.
Le licenciement massif dĂ©bute, et avec lui le cout cachĂ© de la productivitĂ© qui sâeffondre. Un cadre de Luko me lâexplique :
« Depuis les premiĂšres annonces sur la mauvaise santĂ© de lâentreprise, la productivitĂ© a baissĂ©. Certains cherchent du taf, et dâautres sont dĂ©motivĂ©s. »
Avant de conclure (pour le plus grand plaisir de mon égo) :
« Chacune de tes publications a coutĂ© cher Ă la boite, parce que câest au moins une demi-journĂ©e par salariĂ© Ă lire, Ă Ă©changer avec les autres, et autant de dĂ©motivation. MĂȘme pour ceux qui nây croyaient pas. »
Sentiment partagé par Thierry Vignal :
« Tâen as pour 5M⏠à resizer. Et pendant ce temps, tu ne fais pas de vente. Parce que les mecs, pendant qu'ils sont virĂ©s, ils ne vendent pas. »
Cette situation est difficilement lisible dans un BP. Mais ces changements, tout comme lâimpressionnante masse salariale de 30M⏠au pic, nâont jamais Ă©tĂ© anticipĂ©s.
LâĂ©quation est dĂ©sormais insoluble.
đ Bridge over troubled water
Fin 2023, de nouveaux investisseurs sont appelés pour injecter des fonds.
Mais le deal sâĂ©ternise parce que les premiers investisseurs ne veulent pas abandonner leur LP, alors que câest Ă©videmment une condition essentielle des entrants. La term sheet Ă 4,7M pour un bridge est validĂ©e⊠en dĂ©cembre. De quoi tenir en 2024.
Sauf que lâentreprise est Ă court de cash depuis un mois et ne peut mĂȘme pas payer les salaires de dĂ©cembre. Elle est lĂ©galement en cessation de paiement. Un membre du board me raconte que quand Thierry Vignal a annoncĂ© la nouvelle, plusieurs investisseurs ont demandĂ© quâil recule au maximum le dĂ©pĂŽt de bilan. Pourtant, câest une obligation lĂ©gale Ă faire dans les 45 jours.
Maxime Hanquier explique quâil est arrivĂ© que les salaires doivent dĂ©caler dâun jour ou deux en attendant un virement, et quâen ce sens lâentreprise aurait pu dĂ©jĂ ĂȘtre plusieurs fois en cessation de paiement.
Parce quâen rĂ©alitĂ© les startups seraient habituĂ©es Ă ces situations, et quâil est normal quâelles naviguent dans un flou financier. Câest en tout cas ce que dĂ©crivent beaucoup dâhabituĂ©s de lâĂ©cosystĂšme.
« SUREMENT PAS ! » a grondé un juge du tribunal de commerce de Bobigny cet hiver en réponse à un dirigeant.
Parce quâĂ force de croire quâune entreprise nâa pas besoin dâĂȘtre rentable, que lâargent gratuit est normal, quâil faut crĂ©er des licornes et quâil est sain de financer de lâultracroissance sans rĂ©sultats, nombreux sont ceux qui pensent quâune startup est une entreprise Ă part.
Le Code du commerce et les juges qui lâappliquent rĂ©pĂštent lâinverse Ă chaque audience. Et les audiences sont cinglantes.
En cas de dĂ©claration tardive dâune cessation de paiement, le dirigeant peut ĂȘtre rendu personnellement responsable de lâaggravation des dettes, en plus dâĂȘtre interdit de gĂ©rer une sociĂ©tĂ©.
On assiste alors Ă un dĂ©salignement complet des intĂ©rĂȘts avec un mandataire social qui cherche Ă Ă©viter sa propre condamnation, et des investisseurs qui poussent au maximum pour Ă©viter les pertes, sachant quâils ne seront jamais lĂ©galement responsables devant un tribunal de commerce.
âïž Deux salles, deux audiences
Mi-janvier, Masteos a Ă©tĂ© placĂ© en redressement judiciaire, avec une pĂ©riode dâobservation jusquâen avril. LâintĂ©rĂȘt, câest dâĂ©purer une partie de la dette, de ne plus payer de loyer, dâavoir une partie des salaires payĂ©e par les AGS, etc.
Les actionnaires ont trĂšs mal pris la nouvelle.
Lâun dâeux a mĂȘme accusĂ© Thierry Vignal de dĂ©tournement dâactifs, sous-entendant quâil pourrait privilĂ©gier un repreneur qui lâarrangerait. Alors quâil nâaurait pas le droit dâĂȘtre actionnaire dâune nouvelle structure repreneuse en tant que dirigeant de lâancienne.
Mais alors : qui peut reprendre, et surtout quoi ?
Comme souvent dans les startups, les actifs sont maigres. Il y a la marque, un rĂ©seau de mandataires, quelques meubles et une tech qui a coutĂ© 10MâŹ. Elle couterait aujourdâhui 3 Ă 4M⏠pour ĂȘtre refaite entiĂšrement.
Les quelque 200 000 emails valent autour de 1⏠lâunitĂ©.
Le stock de meubles vaudrait autour de 500 000⏠pour une activité qui a généré 3,5M⏠de CA en 2022.
Reste la gestion de 1â700 locataires qui rapporte 1M⏠/ an. De loin le plus intĂ©ressant.
3 offres ont été déposées pour la totalité des 4 activités :
Lâasset manager Novaxia : 41 salariĂ©s repris sur 98, pour
10â000â009âŹ1â000â009âŹ45 ;Attentif Immo (acquĂ©reur de Brickmeup en 2023) : 13â000⏠sans mention de reprises de salariĂ©s ;
MRZ (Investissement Locatif) : 29 salariĂ©s, 200â000âŹ.
ClÎture des offres le 8 février, pour un examen le 13 et un jugement le 27.
đĄ A change is gonna come
De quoi lâĂ©chec de Masteos est-il le reflet ? Thierry Vignal ne se cache pas derriĂšre son petit doigt.
« Je pense que jâai Ă©tĂ© mauvais, genre vraiment. Jâai mal dĂ©pensĂ©. »
Son co-dirigeant est plus nuancĂ© et parle dâune mauvaise conjoncture.
« 6 mois avant ou 6 mois aprÚs, on a le temps se couper les dépenses. Ou de faire autrement. »
Mais quel est le rĂŽle dâun VC dans cette situation ? En tant que gestionnaire pur compte de tiers, puisque ce nâest pas leur argent quâils investissent6, ils se doivent de faire en sorte que lâinvestissement se passent bien.
Sur tous les sites des VC, on peut lire des phrases du type âproviding capitalâ ou âaccelerationâ. Aucun de parle dâaccompagnement ou dâactions plus concrĂštes. Pourtant, des dizaines de tĂ©moignages tendent Ă dĂ©montrer que les VC font de plus en plus dâingĂ©rence, notamment depuis 2019.
Depuis un moment dĂ©jĂ , Thierry Vignal nâa par exemple plus accĂšs Ă la carte pro de Masteos, et doit faire valider chaque dĂ©cision, alors quâil est prĂ©sident et donc mandataire social. Un ex-salariĂ© me glisse mĂȘme quâil aurait Ă©tĂ© exclu du Comex pendant un temps. Dâautres relativisent cette position.
« L'ingĂ©rence est insupportable, mais c'est quand on a une direction faible pour ne pas dire amateur, c'est lĂ que les VC s'engouffre le plus... » rĂ©pond un ex manager de lâentreprise.
Sâil nâen est pas lâexemple le plus flagrant, lâĂ©chec de Masteos est aussi celui des excĂšs dâun systĂšme et dâune pĂ©riode, oĂč lâespoir de multiples, financĂ© par lâargent gratuit des banques centrales, dĂ©versait des investissements dĂ©lirants sur des entreprises complĂštement incompatibles avec un track VC.
Parce que personne nâa remis en cause les investissements et les valorisations qui se font entre des Ă©lites qui sâauto-convainquent quâelles savent, alors que la quasi totalitĂ© des IPO depuis 10 ans montrent que les tours en equity Ă©taient survalorisĂ©s.
Thierry Vignal lâillustre avec une phrase amusante :
« Je crois que si tu avais dix plaquistes, tu te rendrais plus vite compte qu'il y a un problÚme dans les chiffres que si tu as dix polytechniciens. »
Une rĂ©alitĂ© que beaucoup refusent. Tout le monde sait que ces dĂ©cideurs sortent des mĂȘmes Ă©coles, de milieux familiaux identiques, etc.
Mais il y a un Ă©lĂ©ment selon moi dĂ©terminant, câest le lieu de vie.
Tu ne PEUX PAS comprendre ce quâest la vie dâun Français quand tâes enfermĂ© Ă Station F et que tâes content dâavoir trouvĂ© un 30m2 pas trop cher pour 1â200⏠grĂące Ă son salaire de 50K⏠pour bosser sur un SaaS auquel personne ne comprend rien.
Parce que la vraie vie ne ressemble pas à ça.
Et si tu ne le comprends pas, je reste persuadé que tu seras incapable de faire un produit adapté pour le grand public.
Parce que 100% des gens qui habitent Ă Paris nâont pas besoin dâavoir des courses en quelques minutes alors quâil y autant de Franprix que de rats.
Parce que câest un non sens Ă©cologique qui va Ă lâencontre du sens de lâhistoire.
Parce que câest un dĂ©lire social oĂč tu fais bosser des pseudos entrepreneurs Ă qui tu proposes 10â000⏠sâils crĂšvent sous les rues dâun camion.
Parce que câest justement loin de Paris quâil existe des gens qui ont besoin quâon leur livre des courses, mĂȘme si câest pas en quelques minutes.
De la mĂȘme façon, tu ne peux pas te rendre compte de lâhĂ©rĂ©sie dâavoir des dizaines et des dizaines de salariĂ©s du bĂątiments, sans avoir quelquâun qui les gĂšre au quotidien sur place, si tu nâas jamais fait de travaux.
Mais lâĂ©cosystĂšme va de travers, portĂ© par des mĂ©dias complaisants qui relaient des communiquĂ©s de presse, adoubĂ© par des politiques qui ne perdent pas une occasion de rĂ©cupĂ©rer une rĂ©ussite Ă leur compte.
Il se complait Ă glorifier des valorisations qui nâont aucun sens, et met au ban ceux qui veulent construire un modĂšle diffĂ©rent, en cherchant la rentabilitĂ©.
Il glorifie le paraĂźtre et les concours de zizis en omettant la rĂ©alitĂ© des VC dont la survie ne tient quâau Spray & Pray, et qui serrent les fesses en espĂ©rant avoir 2 ou 3 futurs Facebook qui viendront Ă©ponger les 95% de casse.
Un autre modĂšle existe.
Je mâappelle Benjamin Charles, et je fais du conseil en branding, positionnement et crĂ©ation de contenus pour des entreprises de la finance, de lâimmobilier et du web3.
đ Me contacter, ou rĂ©pondre Ă ce post : benj@mincharl.es
đ Me laisser un brief pour un projet pro
đ Prendre RDV en visio pour prĂ©senter un projet ou un service (250⏠le call)
Début 2022
Disclaimer conflit dâintĂ©rĂȘts : et moi aussi (call me French Softbank)
Correction 06/02/24 18H45 - Montant proposé
Pour ceux qui mâont plusieurs fois demandĂ© pourquoi les offres nâĂ©taient de 1⏠symboliques, mais parfois 3 ou 4⏠câest parce quâil y a souvent plusieurs filiales et plusieurs actifs. Dans le cas de Masteos, il y a 4 sociĂ©tĂ©s (SAS, gestion, transaction, travaux). Transactions, par exemple, est valorisĂ©e 3⏠: 1⏠pour lâincorporel, 1⏠pour le corporel, 1⏠pour le stock.
Le fonds de DST qui a investi chez Masteos ne lĂšve pas dâargent, mais gĂšre lâargent de ses dirigeants.
TrÚs bel article qui met en avant les incohérences du systÚme qui profite seulement à certains qui savent bien raconter l'histoire.
top, résumé de l histoire sympa à lire ;=)
dĂ©solant tout de mĂȘme, mais c'est clair que cette pĂ©riode de financement a vu des deals totalement dĂ©connectĂ©s de la rĂ©alitĂ© Ă©conomique et sociale... comme en 2000 ;=) et comme ce le sera pour la prochaine bulle ;=)