💥 Devialet : les dessous du redressement judiciaire
Comment la marque s'est effondrée en 15 ans ?
Bonjour à tous,
C’est peu dire que les difficultés de Devialet ont fait grand bruit à la rentrée 2024. À peine un an après l’éviction surprise de sa direction, la procédure de sauvegarde qui a fuité cet été en a surpris plus d’un.
Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, je voudrais rappeler aux désormais 33’500 abonnés (et aux autres) que ce qui permet l’existence de cette newsletter, la plongée dans les financements réels de Ynsect, l’analyse de la chute de Luko, ou encore les indiscrétions sur les SCPI, ce sont les informations que je glane et analyse, mais surtout les sources qui m’accordent leur confiance en me contactant.
L’objectif de cette newsletter n’est pas de publier des informations brutes. Ce n’est pas non plus de rédiger un article sur des sujets largement traités dans la presse qui, dans son ensemble, fait correctement son travail, mais le plus souvent dans des formats assez courts. Il s’agit au contraire de prendre des sujets froids ou de traiter des sujets chauds à contre-courant J’en veux pour preuve que les deux sujets les plus lus dans Les Echos startup1 (Ynsect, Blast) avaient été traités avant ici en longueur.
Si plusieurs newsletters ou chroniques LinkedIn ont déjà fait l’objet de pressions, celle sur Blast a été l’objet de deux référés, pour des prétendus faits de diffamation et d’atteinte au secret des affaires. Une procédure qui, pour le moment, a donné lieu à trois audiences, à beaucoup de temps perdu et à plusieurs milliers d’euros de frais d’avocat (50 % de plus que le CA généré par Zero Bullshit en 18 mois).
Le premier jugement rendu, dans le dossier du secret des affaires, a conclu qu’il n’y avait « pas lieu à référé sur les demandes de Blast » et a condamné la société aux dépens, à me verser 5’000 € au titre des frais de justice. Mais un appel est possible, de même qu’une demande de jugement au fond.
Dans ses conclusions, Blast a demandé l’identité d’une source, en demande comment j’avais « obtenu » certaines informations.
J’ai refusé.
Pour la source. Parce que personne n’a à subir les retombées d’une information juste “dans le cadre d’un débat d’intérêt général” selon les mots du jugement. Même si cette source qui avait affirmé son soutien initialement a subitement disparu.
Pour la newsletter. Parce que qui voudrait donner des informations à un média qui livre des noms à la première pression venue ?
Pour moi. Parce que j’estime que mon travail, même s’il n’est pas journalistique au sens strict du terme, et même s’il est couvert par les mêmes « dispositions » applicables aux journalistes, toujours selon le même jugement, n’a aucun sens s’il s’arrête à la simple publication, sans engagement.
Bien que ce jugement vienne une nouvelle fois sacraliser la liberté d’expression, et confirmer l’intérêt de ces articles dans le cadre de débat d’intérêt général (les cas de Luko, Ynsect ou Blast ont largement été commentés dans le petit milieu spécialisé, et les informations publiées ici reprises et citées), le sort des journalistes et plus largement des créateurs de contenu n’a jamais été aussi précaire.
C’est pourquoi, et sans obligation aucune, afin de garder Zero Bullshit accessible gratuitement il est toujours possible :
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👂 Ecoute-moi si tu peux
Pierre-Emmanuel Calmel est de ces entrepreneurs comme on n’en fait plus. Ingénieur formé à l’ENSEA, saxophoniste, passionné d’électronique, il se (la) raconte peu. Mais contrairement à l’univers tradi des startups où l’on sort d’une école, on cherche un problème et on lève des fonds, Calmel, lui, a créé la boîte qu’il aimait pour faire le produit dont il rêvait : un système hi-fi exigeant et simple.
Employé chez l’ex-géant telco canadien Nortel qui a depuis fait faillite, Calmel met au point la technologie ADH2, qui deviendra le brevet majeur de Devialet.
Inventée par Devialet, l’ADH Intelligence est la première technologie d’amplification hybride qui associe le raffinement de l’amplification Analogique (ou Classe A) avec la puissance et la compacité de l’amplification Numérique (ou Classe D). Les deux types d’amplification fonctionnent en parallèle, pour des performances décuplées.
- Communication officielle Devialet
En 2006, son ex-collègue de chez Nortel, Mathias Moronval, également ingénieur, le rejoint dans l’aventure. Puis arrivent d’autres passionnés :
Emmanuel Nardin, designer ;
Quentin Sannie, entrepreneur ;
Manuel de La Fuente, commercial.
Au début des années 2010, le quintet met au point son premier produit. Le problème, c’est que le D-Premier, vendu 12’000 € pièce, ne part qu’à 700 exemplaires en 2011. Puis 600 en 2012. Devant l’échec (relatif), l’équipe met au point un système moins cher (5’000 €), qui leur permet de tomber dans le marché certes haut de gamme de la hi-fi, mais en dessous de l’inaccessible.
Ainsi nait en 2012 le prototype de la fameuse Phantom.
Le design est incroyable.
Le son est excellent.
Devialet convainc notamment Bernard Arnault (LVMH), Jacques-Antoine Granjon (Veepee), Xavier Niel (Free) et Marc Simoncini (Meetic) de financer un premier tour à 15M€, qui vient compléter un seed de 1,4M€. De quoi travailler pendant près de 3 ans au développement de la Phantom qui sera présentée au monde en 2014.
En France, c’est le très chic (et oublié depuis) concept-store colette qui aura l’exclu. À Londres, ce sera Harrods. Une manière d’affirmer clairement le positionnement : non pas haut de gamme, comme peuvent l’être de nombreuses marques audiophiles, mais lorgnant du côté du lifestyle.
En 2014, après plusieurs lancements réussis à l’international dont plusieurs flagships, un nouveau tour de table est bouclé pour 25M€, faisant notamment entrer certains salariés. Deux ans après, 100M€ sont posés, notamment par Foxconn, Renault, Sharp, Playground3, Atomico4, Gynko5 et Korelya6, afin de se concentrer sur l’Asie.
Le succès est phénoménal, surtout pour ce niveau de prix (1 700 € pour la Phantom, 2 600 € pour la version Gold). Alexandre Bompard, alors patron de la FNAC, reçoit les dirigeants qui imposent que l’enceinte soit exposée et testable pour avoir la distribution. Une stratégie utilisée par Nintendo lors du lancement de la Wii. Bompard cède. Devialet débarque dans tous les FNAC de France.
Les actionnaires cherchent alors un dirigeant solide avec une vraie vision afin de seconder les fondateurs qui s’éclipsent doucement, laissant Calmel seul maître à bord. Le choix s’arrête sur Frank Lebouchard, ancien patron de Demos et DGA de Castorama. Mais selon un membre du board d’alors, c’est surtout ses neuf ans passés à la tête des Cinémas Gaumont Pathé (où il avait été remplacé sans ménagement par le multioscarisé François Ivernel) qui ont convaincu les actionnaires. Voilà une personne qui connaît l’image, le son et surtout l’expérience que recherchent les fans de produits culturels. Un choix fortement appuyé par Henri Seydoux, patron de Parrot et frère de Jérôme Seydoux, le tout-puissant propriétaire de Pathé, à l’initiative… du limogeage de Lebouchard. Cela dit, les Seydoux ne sont pas connus pour être très « famille ».
Dans le même temps, le marché explose. Parce que Devialet sort du marché de la hi-fi un peu poussiéreuse où pullulent nombre de marques que le grand public ne connaît même pas. D’autant que le Bluetooth devient une norme mainstream, et que la plupart des constructeurs ne savent pas (ou mal) le gérer. Ce qui est d’ailleurs toujours le cas aujourd’hui.
Les enceintes sont partout.
Tout le monde en parle.
Alors, tout va bien.
🤌 Still the water
Pourtant, de premières questions innocentes se posent en 2019, lorsqu’un nouveau tour à 51M€ (16M€ equity, 35M€ d’obligations auprès de la BEI7) est réalisé afin de soutenir la R&D et l’international. Côté equity, c’est Korelya qui leade l’opération, rejoint par le suisse Ginko, du tour précédent. Ces tours permettent à plusieurs cofondateurs de sortir, notamment Quentin Sannié.
Ce qui titille certains, c’est : pourquoi faire un tour deux fois inférieur au précédent ? Réponse de Lebouchard : diminuer l’ouvertures de flagships et se concentrer sur des corners et des partenaires locaux. Moins prestigieux, mais plus rentables et moins couteux.
Reste que, quand il s’agit de parler chiffres, plus personne ne répond. L’entreprise n’a, comme souvent, jamais publié ses comptes, et les rares chiffres de CA qui circulent (2012 : 3,5M€, 2013 : 5M€, 2014 : 10M€, 2015 : 33M€, 2020 : 70M€) ne sont jamais certifiés ni confirmés.
Mais pour Lebouchard, l’Asie et notamment la Chine (10 % des ventes en 2021) reste un point de mire qui correspond, en plus, aux ambitions et à l’expertise de Korelya. L’arrivée de Foxconn au capital a permis d’accoucher du Sound Joy, une enceinte connectée codéveloppée par Huawei qui sort en 2022, sur le même segment que le JBL Flip. Mais en plus cher. Et avec un design parfaitement identique. Un four.
Reste que, malgré les insolentes déclarations de la marque et des dirigeants, le cash ne rentre pas.
Ce qui permet à la marque de bouffer depuis 2018, c’est la vente de licences en Asie, et un partenariat avec Free (propriété de Xavier Niel, actionnaire via Kima de Devialet) pour lancer le Player Devialet avec la Freebox Delta. Facture : 480 €.
Il y a quelques semaines, Niel avait reconnu l’échec du lancement qu’il attribuait à un positionnement tarifaire trop élevé :
« À un moment, je pense qu’on s’embourgeoise. On pense que tout va bien, que les Français sont tous très riches, on fait donc une box à 500 €. Puis, un matin, on se lève et on se rappelle que l’on vend un produit à l’ensemble des Français. La réalité, c’est que la grande majorité des Français galèrent de quelques euros. »8
Et ce n’est pas le seul problème de Devialet.
📉 Pédale douce
En réalité, Devialet est comme ces chanteurs dont on a oublié jusqu’au nom, et dont on fredonne un refrain au hasard d’une radio. Une marque avec un produit, qu’elle n’arrive pas à renouveler, et dont les différentes tentatives peinent à exister.
Quand le Français peine à vendre pour 100M€, Sonos affiche 1,6G$ et Bose 3G$. La qualité n’est pas la même. Le positionnement n’est pas aussi premium. Mais le marché du « luxe grand public » est beaucoup moins porteur, et l’immense majorité des consommateurs n’entendent même pas la différence.
D’autant qu’en 15 ans, Devialet est devenue une société internationale, dont la holding Devialet SA détient 8 sociétés en Europe (UK, DE, FR (La Manufacture Devialet)), aux USA, et en Asie (SG, Taïwan, HK, Japon), dont l’expansion coûte de plus en plus cher.
En septembre 2022, Devialet lève 50M€ pour (encore) développer la Chine, via Crédit Mutuel Equity et Bpifrance (Large Venture), grâce à un partenaire local. Sur BFM Business, Franck Lebouchard parade et affirme9 :
« Pour Devialet, c'est relativement facile d'être rentable dans le sens où il suffit que j'accélère un peu moins nos investissements marketing et R&D. »
Visiblement, il a dû oublier sur quelle pédale appuyer, puisque le CA du groupe, passé de 91,7M€ à 118M€ de 2021 à 2022, redescend à 111,4M€ sur l’exercice 202310. Et avec toujours plus de pertes : de -24M€ en 2021 à -25,2M€ en 2023.
En interne, la situation est d’autant plus compliquée que la vision de Lebouchard est très loin de celle, très « produit », des rares fondateurs restants.
Mais que s’est-il passé depuis 8 ans, alors que l’entreprise affirmait partout autour de 2016 être rentable ? Propos confirmés par plusieurs sources internes et au sein des investisseurs.
Les avis divergent grandement. Ou peut-être doivent-ils être mis l’un sur l’autre. Pour un analyste qui avait participé à un deal, la marque a très mal géré sa diversification et, encore pire, son expansion. Pour un business angel associé, Lebouchard aurait multiplié les mauvaises décisions en oubliant le produit pour se concentrer sur la distribution.
« Pendant qu’on voyait du -20, -25M s’afficher, Lebouchard s’évertuait à vendre de la tech sous licence à BYD, alors que ça faisait plus d’image que de CA. »
Un cofondateur est encore plus cinglant.
« Lebouchard a oublié ce qui avait fait le succès de Devialet. Pour lui, le bon produit c’est celui qui allait se positionner sur un segment de marché porteur. Alors qu’à notre échelle, c’était à nous d’imaginer le bon produit pour le marché. »
Il est vrai que les nombreux lancements de Devialet font flop. La marque arrive trop tard sur le marché du nomade et n’anticipe par les innovations majeures. Dont la réduction de bruit qui n’arrive qu’en 2021 avec les Gemini, alors qu’il est déjà la norme depuis un moment chez Bose, Sony ou Apple. Et là encore, le prix est bien trop élevé pour un produit qui, cette fois, est très en dessous de ses concurrents.
C’est sans doute ces accumulations qui expliquent que, chez toutes les personnes interrogées, Franck Lebouchard fait l’unanimité contre lui. Depuis 5 ans, il aime à raconter partout que l’EBITDA est positif, alors que tout le monde sait au board que le covid a fini de tuer une (sa) stratégie branlante.
Depuis le partenariat avec Free (dont le patron, Xavier Niel, est investisseur via Kima) en 2018, Devialet vivote parmi des annonces sans envergure, et surtout sans résultat. A part l’échec de la collab’ avec Huawei et une vague licence avec BYD, il ne reste pas grand chose des promesses du tour à 100M€ avec Foxconn, le plus gros sous-traitant chinois en électronique.
Mi-septembre 2023. Franck Lebouchard présente, lors d’une wannabe keynote, la deuxième version des Gemini au Palais Garnier, voulant faire écho au prestige du lieu. Il apprendra brutalement son départ quelques jours plus tard. Dans la foulée, l’information est communiquée aux salariés par email le 9 octobre immédiatement après le conseil d’administration. C’est Charles-Henry Tranié, administrateur du groupe depuis 2012, qui va prendre les rênes temporairement. Cet ancien VC, spécialiste de la tech et des telcos, est aussi (surtout?) un proche de Marc Simoncini, avec lequel il a été associé.
Dans la foulée Pierre-Emmanuel Calmel, le dernier cofondateur encore en poste quitte le groupe. Devialet explique laconiquement qu’il s’agit d’« une nouvelle phase de développement ».
🌟This is the end, my friend
Il faut dire que depuis le covid, la situation de l’entreprise s’est fortement tendue. La production a drastiquement chuté, puis le chiffre d’affaires, qui n’a jamais arrêté de chuter.
Comme de nombreuses entreprises, Devialet a souscrit des PGE. Fin 2024, il lui reste plus de 10,2 M€ à rembourser à BNP, SoGé et Caisse d’Épargne Normandie. Auxquels s’ajoutent une ligne à 11 M€ syndiquée par Natixis, et deux prêts de Bpifrance.
C’est Jacques Demont qui est choisi en janvier 2024 pour reprendre les rênes. L’ancien patron de Tesla en France a rapidement séduit les actionnaires grâce à sa fibre startup-tech, tout en ayant l’expérience du presque-luxe, pour avoir passé près de dix ans chez Nespresso, dont cinq à diriger le Canada, et deux ans chez l’horloger Tissot.
Lors de l’annonce en janvier, personne ne relève de problème particulier. Le Figaro reprend les mots du communiqué de presse en citant BYD, Huawei ou encore les 250 brevets11 et Les Echos s’avancent même sur la rentabilité présumée (à tort) du groupe12.
« Devialet aurait pu redevenir rentable, avec de simples coupes dans le P&L, mais ce n'était pas mon objectif »
Dans la même interview accordée à Florent Vairet des Echos13, Demont dément (🙄) la chute de 20% de CA évoquée par Challenges14. Alors certes c’est pas 20%, mais selon les chiffres consolidés du groupe que je me suis procuré, c’est pas si loin…
Quant à la holding, c’est assez proche :
🌞Summer body
À l’aube de l’été 2024, Devialet sollicite en urgence une procédure de conciliation de quatre mois. Le conciliateur est El Queen Hélène Bourbouloux. La procédure est actée au 25 juin 2024, mais rien ne fuite durant tout l’été. Même au sein de l’entreprise, où des rumeurs circulent pourtant, rien n’est officiellement confirmé. Depuis le changement de management six mois auparavant, la situation ne s’est pas améliorée, et Devialet n’a plus qu’un mois de trésorerie.
Comme un signe du destin, en écho, l’usine Bosch de Mondeville, qui produit notamment des enceintes Devialet, ferme en juillet.
C’est Challenges qui sort l’exclu le 8 octobre 202415. Quelques jours après, le 21 octobre, la procédure est prorogée d’un mois, jusqu’au 25 novembre afin de finaliser l’accord de lockup en cours. La veille, Devialet sollicite l’ouverture d’une procédure de sauvegarde accélérée, révélée par Les Echos16, validée par le tribunal une semaine plus tard.
La procédure vient entériner un financement leadée par le fonds Korelya, sur un tour de 30M€ avec extension possible de 10M€. Sont présents Bpifrance, Jaïna (Marc Simoncini), Kima (Xavier Niel), Orefa (Didier Albanel), Agache (Bernard Arnault) et Alpha Swiss . L’accord comprend 4 clauses :
Une réduction de capital à zéro, avec annulation des instruments financiers détenus par les actionnaires : toutes les actions sont annulées, donc tous les porteurs d’anciennes actions sortent pour 0€, au profit des nouveaux actionnaires. De tous les anciens perdent tous les droits (action, dividendes, vote, obligations etc.). Une bonne grosse table rase qui éjecte violemment les 2 fondateurs restants (6,5%) et les 82 employés et ex-employés (7.3%) ;
Un classique bridge de 5M€ en obligations (par Korelya, Bpi, Alpha et GNSA) le temps de la procédure ;
30M€ de BSA en capital :
Korelya : 12M€ (dont 2 substituables) ;
Bpifrance : 5M€ ;
Alpha Swiss : 6M€ ;
Kima, Orefa, Jaïna, Agache : 7M€ (pour le pool) ;
Et 10M€ pour d’éventuels entrants ;
Ouverture de 700K€ maximum pour les managers éligibles.
Du côté de la dette, les 3 PGE (BNP 3,7M€, SoGé 3,8M€, Caisse d’Epargne Normandie 2.7M€) sont rééchelonnés. Début 2024, le dispositif, dont près d’un tiers des entreprises n’arrivent pas à rembourser17, avait été revu pour être remboursable jusqu’en 2026. Devialet obtient un étalement jusqu’en juin 2030.
Natixis et ses 11M€ consent à un paiement de deux échéances dues dans le semestre, et repousse la maturité du prêt d’un an.
Quant à Bpifrance, la banque publique accorde un an de franchise pour le prêt innovation (600K€) et un an de maturité supplémentaire, sans toucher au PTZI (300K€).
Mis au vote, le plan récolte 86% des votes, ce qui correspond probablement aux 29 investisseurs (78%) et aux 67 business angels (6,5%).
A la même époque, le concurrent Cabasse lance lui pour 3M€ d’OC à 10% sur 5 ans pour monter en gamme. Et avec un EBITA positif.18
💡On avance, on avance on avance…
Durant tout 2024, Devialet a largement réduit ses effectifs et a fermé 320 points de vente non profitables. 780 autres fermetures vont être prochainement annoncées. De quoi réduire la voilure… mais pas relancer l’activité.
Pour s’en sortir, Devialet compte sur l’étoffement de sa gamme, stratégie qui jusqu’ici n’a pas permis de redémarrer, mais veut surtout miser beaucoup sur l’expérience client et le marketing. Une stratégie notamment voulue par Bernard Arnault qui verrait d’un bon œil une nouvelle pépite du luxe dans son portefeuille (en croco). La première recrue en date est l’arrivée de Kamel Ouadi au poste de CMO, qui après être passé chez Vuitton, a occupé le même poste de CMO chez Christie’s, Puig et surtout vient de chez Bang & Olufsen. Xavier Courbouleix complète le casting en tant que CFO.19
À l’inverse, nombre de cadres historiques se sont fait sortir juste avant l’été 2024, notamment une grosse partie des 16 bénéficiaires des 9 000 actions gratuites généreusement distribuées par l’ancienne direction. Parmi eux Maxence B. (en charge de la stratégie), Nathalie C. (brand), Erwan G. (produit) et d’autres cadres ou ex-membres du comex.
EDIT 13/01/2025 : plusieurs des personnes citées sont parties volontairement
Mais à ce stade, les actionnaires espèrent pouvoir sauver l’entreprise bien que les scénarios restent très aléatoires.
Durant l’été, un plan dit « révisé » estime l’entreprise entre -3,5M€ et 5,7M€ selon la méthode de valorisation intrinsèque et -24,8M€ et 5,7M€ selon la méthode de valorisation analogique.
Le conseil d’administration propose lui en septembre dernier un autre plan dit « best case », qui affiche respectivement -3,1M€ / 11,5M€ et -11,1M€ / 44,5M€.
Tout en gardant deux scénarios liquidatifs :
Cessions des actifs : -9.1M€ à -5,7M€
Réalisations des actifs isolés : -1,2M€ à 0,5M€
Reste qu’à la suite de cette restructuration, et avec un actif de 10,2M€ supérieur de 2,4M€ à son passif exigible, Devialet n’est pas en cessation de paiement et peut dérouler son plan.
🙄 What’s next doctor?
Dans Les Échos, Jacques Demont citait l’association Clooney / Nespresso des années 2000 dont il a vu les effets de l’intérieur, pour évoquer sa recherche d’égérie, après avoir sollicité Roc Nation, label de Jay-Z. Depuis des années il se murmure que le rappeur-producteur a toujours eu le seum de voir Dre et Iovine vendre les casques Beats à Apple pour 3G$. Et que c’est ce qui l’avait convaincu d’entrer dans le tour à 10M€ en 2016.
Dans le même tour était entré Renault, propriétaire d'Alpine dont le modèle A290 sera également équipé en Devialet, à l’instar de la licence avec BYD.
Et puis il y a la Mania, enceinte issue d’une collection capsule avec Fendi (qui contient d’affreuses références à Fila, again), propriété du groupe LVMH, vendue 2’400 €.
Tout en espérant que la première enceinte le premier produit de l’ère Demont sortie fin 2024, l’Astra, trouvera son public. Affiché 16 000 € et positionné comme le premier produit ampli Devialet très haut de gamme, elle bénéficie également d’une version à 20 000 € sous licence Opéra de Paris. Sorte d’étrange pèse-personne qui développe 2 x 300 W, elle devra convaincre rapidement.
EDIT 27/01/2024 : correction sur le produit
Sans quoi elle devrait être le dernier produit d’une saga qui aura quand même levé 200M€.
Je m’appelle Benjamin Charles, et je fais du conseil en branding, positionnement et création de contenus pour des entreprises de la finance, de l’immobilier et du web3.
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Les articles « start-up » les plus lus en 2024, Charlie Perreau, Les Echos, 30 décembre 2024
Analog Digital Hybrid
Fonds d’Andy Rubin, concepteur d’Android
Fonds de Niklas Zennström, cofondateur de Skype et Kazaa
Fonds suisse spécialiste des objets connectés notamment, dont Foxconn est l’un des principaux partners.
Fonds français cofondé par l’ex-ministre de la culture Fleur Pellerin et Antoine Dresch ex-DG UBS et Morgan Stanley, qui investit en Europe et en Asie
Banque européenne d'investissement
Xavier Niel et sa vision optimiste sur la crise politique actuelle, France Culture, 6 décembre 2024
Devialet lève 50 millions d'euros pour accélérer sa croissance et se développer à l'étranger, BFM, 14 septembre 2022
Les exercices vont de mars à mars. Il semblerait que certaines communications ont confondu année civile et année d’exercice pour donner des chiffres plus “adaptés”.
Un nouveau directeur général pour le groupe français Devialet, Lucas Mediavilla, Le Figaro, 30 janvier 2024
La pépite française du son haut de gamme nomme Jacques Demont en tant que directeur général, Marina Alcaraz, Les Echos, 30 janvier 2024
Devialet : la levée de fonds qui doit sauver la pépite de la French Tech, Florent Vairet, Les Echos, 26 novembre 2024
“Le chiffre d'affaires, d'une centaine de millions d'euros, est en baisse de 20 %. L'entreprise conteste ces chiffres.”
Devialet abat son plan de la dernière chance, Adrien Schwyter, Challenges, 10 octobre 2024
Le spécialiste du son Devialet, star de la French Tech, en difficulté, Adrien Schwyter, Challenges, 8 octobre 2024
La levée de fonds qui doit sauver Devialet, Les Echos
Face aux difficultés de remboursement, les PGE pourront être rééchelonnés jusqu'en 2026, La Tribune, 7 janvier 2024
Cabasse espère lever 3 millions d'euros pour muscler son bilan et développer ses solutions audio haut de gamme, Investir, 10 octobre 2024
Les Echos, carnet, 29 novembre 2024
Tout mon soutien dans l'affaire Blast. Et bravo pour le travail.
Merci pour ce récit. Triste pour Pierre-Emmanuel Calmel, dont ce projet était le rêve quand nous étions à l'ENSEA (il travaillait déjà dessus, c'était de loin le meilleur d'entre nous techniquement et le plus passionné par son sujet). Un beau produit avec une qualité acoustique de dingue, mais d'après ce que je comprends, de mauvaises décisions en phase de développement de l'entreprise et surtout de trop nombreux revirements de positionnement, ça ne pardonne pas. Espérons que ce projet trouvera enfin son market fit.