đ„ Lave-vaisselle Bob : cycle court, rinçage long
Quand la French Tech mise tout sur le Made in France, mais finit en essorage intensif.
Bonjour Ă tous,
Cette semaine je voulais revenir sur le placement en redressement judiciaire de Daan qui produit les lave-vaisselle Bob, que jâai rapidement Ă©voquĂ© sur LinkedIn. Comme Ă chaque fois, jâai reçu les mĂȘmes commentaires :
Tu peux pas critiquer, tâas jamais montĂ© de boĂźte ;
Oui non mais eux au moins ils ont essayé ;
Câest typiquement français de critiquer les gens ;
Tâas rien compris Ă ce quâest une boĂźte industrielle ;
Tu connais pas le sujet.
SystĂ©matiquement, quand jâai analysĂ© des boĂźtes (Masteos, Luko, Blablacar, Blast, Ynsect etc.) jâai eu ces mĂȘmes commentaires.
Je ne vais pas réécrire ce que jâavais dĂ©jĂ dĂ©veloppĂ© yâa 15 jours, mais je note quâĂ chaque fois le sujet est le mĂȘme. Câest en rĂ©alitĂ© moins moi / lâĂ©crit qui est attaquĂ©, que la personne qui commente, qui se sent personnellement concernĂ©e.
Je nâai aucun souci Ă ĂȘtre repris quand je dis une connerie, dâautant que je sĂ©pare trĂšs clairement les faits de mes opinions. Mais refuser toute critique parce quâon sâen sent trop proche, en discrĂ©ditant de fait lâauteur, câest comme ceux qui prĂŽnent la libertĂ© dâexpression en disant quâon ne peut plus rien dire, mais censurent tout ce qui ne va pas dans leur sens (et je dis pas ça uniquement pour Elon Musk đ ).
En tout cas, Daan Technologies, câest le sujet de la semaine !
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Lavage Ă froid
L'histoire de Daan Tech commence en 2012, lorsqu'Antoine Fichet remporte le prix Les Entrepreneuriales avec un concept novateur : Rudy, un prototype de lave-vaisselle miniature pour petits espaces. Cette idĂ©e rĂ©pond Ă un besoin concret dans les appartements urbains oĂč la vaisselle manuelle reste une corvĂ©e quotidienne faute de place pour un Ă©quipement conventionnel.
La véritable aventure entrepreneuriale démarre en 2015, quand Antoine rencontre Damian Py. Ensemble, ils partagent une vision commune : concevoir des appareils électroménagers alliant durabilité, esthétique et fabrication française. Cette collaboration aboutit à la création officielle de Daan Technologies en août 2016, fusion de leurs prénoms.
Les premiers mois sont consacrés au perfectionnement du prototype dans une cave parisienne transformée en atelier. Leur détermination est rapidement récompensée : ils deviennent finalistes du Prix Pépite Tremplin 2016 et intÚgrent le programme French Tech Diversité, ce qui leur ouvre les portes de Station F et l'accompagnement précieux des accélérateurs WILCO et Réseau Entreprendre 93.
AprÚs deux ans de R&D, ils rencontrent Nicolas Ravallec en juillet 2017, directeur technique de S20 Industries, une usine vendéenne. En janvier 2018, ils s'installent dans cette usine pour lancer la phase de prototypage qui s'achÚve en août 2018. En octobre, les précommandes sont lancées.
L'annĂ©e 2019 marque un tournant dĂ©cisif. AprĂšs le dĂ©veloppement rĂ©ussi de leur prototype et une campagne de prĂ©commande fructueuse (6 000 unitĂ©s vendues avant mĂȘme la production), les entrepreneurs cherchent un partenaire industriel.
Mais en avril 2019 S20 Industries est placée en redressement judiciaire. Damian Py et Antoine Fichet prennent une décision stratégique courageuse : créer leur propre unité de production tout en restant fidÚles à leur ancrage territorial vendéen.
Cette restructuration inclut le recrutement de plusieurs anciens employés de S20 Industries, dont Nicolas Ravallec qui devient directeur général délégué en octobre 2019. Ce choix permet à Daan Tech de garder le contrÎle sur sa chaßne de fabrication tout en préservant le savoir-faire et l'emploi local.
La recherche d'un site de production les conduit finalement Ă Cugand en VendĂ©e, oĂč ils s'installent en mars 2020 dans une usine de 2 600 mÂČ. Ă peine Ă©tablis, ils doivent affronter la pandĂ©mie de COVID-19 et le confinement qui en dĂ©coule. MalgrĂ© ce timing dĂ©favorable, l'Ă©quipe persĂ©vĂšre en tĂ©lĂ©travail pour finaliser les derniers rĂ©glages techniques.
En mai 2020, le confinement levé, la ligne de montage s'installe et le 8 octobre 2020, exactement deux ans aprÚs le lancement des précommandes, les premiÚres livraisons commencent avec des retours positifs et un taux de service aprÚs-vente minimal.
Courant alternatif
Ă l'aube de l'annĂ©e 2019, un dĂ©bat fondamental commence Ă animer les fondateurs. D'un cĂŽtĂ©, Antoine Fichet, fervent dĂ©fenseur d'une production intĂ©gralement française, pour qui l'impact social reprĂ©sente la raison d'ĂȘtre de l'entreprise. De l'autre, Damian Py, plus pragmatique, qui considĂšre qu'une entreprise doit d'abord ĂȘtre Ă©conomiquement viable pour crĂ©er de l'emploi durable.
Cette tension idéologique se confronte à une réalité économique implacable :
Coût de production en Chine : environ 140⏠(dont 10⏠de transport)
CoĂ»t de production en France : prĂšs de 200âŹ
Différence : 60⏠par unité
Au cĆur de cette diffĂ©rence : le coĂ»t de la main-d'Ćuvre. En France, une heure de travail chargĂ©e coĂ»te entre 20 et 30âŹ, contre seulement 2 Ă 4⏠en Chine. Cependant, contrairement aux idĂ©es reçues, ce diffĂ©rentiel ne rend pas la production française irrĂ©mĂ©diablement non compĂ©titive - le surcoĂ»t rĂ©el se situe entre 30-50%, et non 200-300% comme souvent imaginĂ©, et il dĂ©pend de lâintervention humaine nĂ©cessaire.
Fan de Tesla, Damian Py cite la marque auto pour optimiser sa production : une conception intĂ©grĂ©e avec un chĂąssis monobloc rĂ©duisant le nombre de piĂšces et le temps d'assemblage. Pour un mini lave-vaisselle Bob, le temps de main-d'Ćuvre a ainsi Ă©tĂ© rĂ©duit Ă seulement 32 minutes par unitĂ©, limitant l'impact du diffĂ©rentiel salarial.
Mais le modĂšle Ă©conomique de l'Ă©lectromĂ©nager complique davantage l'Ă©quation. Parce quâhistoriquement ce type dâĂ©quipement est surtout vendu en grandes surfaces ou dans les magasins spĂ©cialisĂ©s, ce qui nĂ©cessite dâavoir une marge confortable pour que la distributeur puisse manger aussi.
Prix de vente final de Bob : 370 âŹ1 TTC (environ 308⏠HT)
Marge distributeur : environ 30%, soit 92âŹ
Marge Daan : 216 âŹ
L'impact sur la rentabilité est drastique :
Production en Chine : marge de 76⏠(25% du prix de vente HT)
Production en France : marge de 16⏠(5,2%)2
Cette différence de rentabilité, multipliée par des milliers d'unités, illustre l'ampleur du défi économique que représente le choix d'une production française.
Câest dâailleurs pour ça que Daan opte initialement pour un modĂšle de distribution D2C3, Ă l'image des DNVB4. En se passant des distributeurs traditionnels et de leur marge de 30 Ă 40%, l'entreprise peut utiliser ce delta dans ses propres canaux de distribution, son marketing et son service client.
Un modĂšle lĂ encore inspirĂ© de Tesla, qui sâest lancĂ© en vendant directement ses vĂ©hicules sans passer par des concessionnaires, maximisant ainsi ses marges tout en contrĂŽlant l'expĂ©rience client de bout en bout.
Mais lâapproche sĂ©duit, et afin de lancer sa premiĂšre vraie production, Daan fait une premier levĂ©e de fonds en 2019 auprĂšs de 17 business angels, dont Guillaume Lestrade, cofondateur de Meero. Actionnaire majoritaire avec 55%, Py descend Ă 40% et les BA montent Ă 27%, et 640K⏠sont levĂ©s.
Câest cette levĂ©e qui permet lâarrivĂ©e Ă Cugand et lâouverture de cette usine de 2 600mÂČ qui devient le symbole d'une ambition : dĂ©montrer la viabilitĂ© d'une production Ă©lectromĂ©nagĂšre française alors que le secteur est massivement fragilisĂ© par les dĂ©localisations.
Le défi reste entier : prouver que ce modÚle est viable sur le long terme, dans un marché dominé par des géants internationaux aux chaßnes de production globalisées.
Bleu, Blanc, Bob
L'évolution du positionnement de Bob illustre parfaitement les tensions entre pragmatisme commercial et idéalisme industriel. à ses débuts en 2017-2018, Bob était avant tout présenté comme une solution pratique à un problÚme concret : offrir un lave-vaisselle adapté aux petits espaces urbains. Comme se présentait initialement Daan.
« »Une jeune entreprise industrielle qui conçoit, fabrique et commercialise des appareils électroménagers innovants adaptés aux usages du XXIÚme siÚcle. »
L'argument principal était centré sur l'innovation et la praticité, avec une USP5 orientée client.
« Bob le mini lave-vaisselle, le lave-vaisselle le plus compact et le plus rapide au monde. »
Cette vision pragmatique s'adressait principalement aux occupants de petits logements, Ă©tudiants et jeunes couples urbains, bien que Daan avait aussi en tĂȘte la possibilitĂ© de sâadresser aux acteurs de la mobilitĂ© (camping car, par exemple).
Le prix de lancement en prĂ©commande de 199 ⏠(puis 299âŹ) reflĂ©tait cette volontĂ© d'accessibilitĂ©.
Mais progressivement, le discours a Ă©voluĂ©. Face aux difficultĂ©s de fabrication et aux dĂ©fis de la production en France, ce qui Ă©tait initialement une contrainte est devenu un argument commercial de premier plan. En 2020, alors que Bob commence tout juste Ă ĂȘtre livrĂ© aux premiers clients, la dimension Made in France prend une place plus importante dans la communication.
En mars 2021, cette évolution est pleinement visible dans le discours de Damian Py6.
"Depuis que nous sommes enfants, tous les produits sont fabriqués en Chine. Pour nous tous, les anciens sites industriels dans les années 50, 60, c'était quelque chose de mythique. Quand les gens qui ont connu cette époque parlent de l'industrie française, on entend une véritable fierté. Eh bien, nous, nous avons envie de réenchanter la production française, de retrouver la fierté de notre industrie."
Cette rhétorique patriotique, absente des premiers discours, devient centrale. Bob n'est plus seulement un lave-vaisselle pratique ; il incarne désormais le renouveau de l'électroménager français. Ce virage stratégique coïncide avec un contexte national favorable, marqué par les débats sur la réindustrialisation et la relocalisation suite à la crise sanitaire.
En novembre 2021, la consécration de ce positionnement est visible : Bob s'affiche officiellement comme « le seul lave-vaisselle fabriqué dans l'Hexagone », un statut qui devient central dans sa communication.
Et ça marche⊠au moins dans les mĂ©dias, et auprĂšs des officiels. Parce que durant le Covid, tout le monde sâest rappelĂ© que nous ne produisions plus rien en France, que nous dĂ©pendions trop de nos partenaires commerciaux, et bla-bla-bla. Mais qui sera vraiment prĂȘt Ă payer cet argument ?
NĂ©anmoins, le succĂšs commercial suit cette Ă©volution de positionnement, avec une clientĂšle qui se diversifie progressivement, comme lâexplique Damian Py fin 20217 :
« Les jeunes actifs, célibataires ou en couple sans enfants, habitants de grandes villes représentent notre premier marché. Nous réalisons aussi un tiers des ventes auprÚs des seniors qui ne remplissent pas tous les jours leurs gros lave-vaisselle et l'utilisent en appoint. »
Un cinquiĂšme des ventes se faisait auprĂšs des Ă©tudiants, malgrĂ© un prix en augmentation qui devient un frein pour cette catĂ©gorie⊠mais qui paradoxalement permet de commencer Ă convaincre des partenaires et donc potentiellement dâautres clients. D'abord vendu uniquement en ligne, Bob devient disponible chez Boulanger, Darty et dans certaines grandes surfaces non alimentaires.
Dans le mĂȘme temps, Py arrive Ă imposer l'international qui devient un axe de dĂ©veloppement majeur, avec des exportations en Belgique, Allemagne, Espagne, TaĂŻwan et Hong Kong. Le Japon, la CorĂ©e du Sud, le Canada et les Ătats-Unis sont programmĂ©s pour 2022. Sauf quâen Asie, des concurrents commencent Ă faire leur apparition. Et que si, dans lâhexagone, le Made in France peine parfois Ă convaincre, ce nâest absolument un argument Ă lâĂ©tranger.
Câest peut-ĂȘtre pour ça que lâargument Ă©cologique prend une place croissante dans le positionnement de Bob. Initialement mentionnĂ©es, les caractĂ©ristiques environnementales deviennent progressivement un axe majeur de diffĂ©renciation.
En 2021, Bob est prĂ©sentĂ© comme un appareil Ă©co-responsable qui « ne consomme que 0,35 kWh par cycle et n'utilise que 3L d'eau, soit cinq fois moins qu'un lavage Ă la main.» Un argument qui frĂŽle le greenwashing, puisque comparĂ© Ă un lave-vaisselle traditionnel, le nombre de litres dâeau par couvert est en rĂ©alitĂ© supĂ©rieur.
Cette sophistication du positionnement traduit le passage d'une simple réponse à un besoin pratique (un lave-vaisselle compact) à un porte-étendard d'un mode de vie à la fois urbain, écologique et patriotique, via un positionnement trÚs différent des acteurs du secteur⊠mais aussi trÚs restrictif.
Une cible marketing précise : célibataires, jeunes cadres, seniors et étudiants vivant dans des espaces réduits.
Un positionnement éco-responsable : économie d'eau, utilisation de plastique recyclé, consommation électrique réduite.
Le savoir-faire français comme argument de qualité et d'innovation.
Un design esthétique et fonctionnel disponible en plusieurs coloris pour s'intégrer dans tous les intérieurs.
Des fonctionnalités innovantes comme l'ouverture automatique pour le séchage.
Une communication cohérente avec le positionnement qui s'adresse aux émotions plus qu'à la raison.
Cependant, cette Ă©volution du positionnement, si elle a pu sĂ©duire un certain public, prĂ©sente des limites importantes qui commencent Ă se rĂ©vĂ©ler en 2022 quand les ventes commencent Ă baisser. Peut-ĂȘtre Ă cause dâun double paradoxe.
Le prix : Bob est plus cher quâun petit lave-vaisselle de 45cm alors quâil sâadresse Ă ceux qui vivent dans des espaces rĂ©duits, et donc qui ne sont pas non plus les plus riches (mĂȘme si le positionnement marketing voudrait lâinverse).
Lâencombrement : quiconque a vĂ©cu dans un petit espace sait que prendre 30x30cm sur son plan de travail en permanence, câest un sacrĂ© choix au quotidien !
Preuve que ces choix nâont pas vraiment Ă©tĂ© rĂ©flĂ©chis, alors que jâĂ©cris cette enquĂȘte, jâapprends par un cadre de lâentreprise que Bob est parfaitement adapté⊠aux cuisines encastrĂ©es. Ă la question de savoir pourquoi lâentreprise nâa jamais communiquĂ© Ă ce sujet, il me rĂ©pond :
« Bonne remarque, je vais faire le nécessaire. »
Parce que je vous invite Ă faire le test, et Ă regarder dans Google Images : Bob est toujours prĂ©sentĂ© posĂ© dans la cuisine. Et je crois que ce nâest pas anecdotique, et que cet intense repositionnement, martelĂ© depuis 2022, est une erreur que Daan, confrontĂ© Ă une vision limitĂ©e, nâa jamais su corriger, limitĂ© par sa vision.
PortĂ©e limitĂ©e de l'argument Made in France notamment lors du retour de lâinflation et de la baisse de la consommation des mĂ©nages.
Marché potentiel restreint. En se positionnant comme un produit premium, éco-responsable et Made in France, Bob s'adresse principalement à une clientÚle urbaine, sensible aux questions environnementales et disposant d'un pouvoir d'achat confortable, limitant considérablement son marché potentiel. Et surtout le marché aura été vite saturé.
Opportunités manquées. Le marché des mini lave-vaisselle est pourtant vaste (véhicules de loisirs, bateaux, marchés asiatiques aux logements traditionnellement plus petits), mais pour s'y implanter efficacement, Bob aurait dû adopter un positionnement plus fonctionnel, un prix plus compétitif et aller chercher des partenaires.
ModĂšle Ă©conomique fragile. La production en France, bien quâelle apporte une valeur perçue auprĂšs de certains consommateurs, gĂ©nĂšre des coĂ»ts nettement plus Ă©levĂ©s. Avec une marge rĂ©duite et un marchĂ© potentiel limitĂ© par son positionnement, la rentabilitĂ© Ă long terme devient questionnable.
Ces contradictions commencent à se refléter dans les résultats financiers de l'entreprise. Si Daan affichait une rentabilité en 2021, les ambitions de doubler la production en 2022 se heurtent rapidement à la réalité du marché. Les frais de structure importants liés à la production française, à l'équipe de développement et au marketing premium pÚsent lourdement sur les finances, tandis que les marges réduites par unité ne permettent pas d'absorber ces coûts sans une augmentation significative des volumes.
Cette situation financiĂšre tendue explique en partie les tensions entre les fondateurs :
D'un cĂŽtĂ©, une vision idĂ©aliste privilĂ©giant l'impact social et environnemental, mĂȘme au prix d'une rentabilitĂ© rĂ©duite ;
De l'autre, une vision plus pragmatique cherchant à assurer la viabilité économique de l'entreprise.
Qui veut (vraiment) ĂȘtre mon associĂ© ?
En rĂ©alitĂ©, dĂšs 2021, une fracture profonde commence Ă se dessiner au sein de Daan. Damian Py, ambitieux et tournĂ© vers l'international, souhaite accĂ©lĂ©rer le dĂ©veloppement de l'entreprise en levant des fonds significatifs pour conquĂ©rir les marchĂ©s Ă©trangers. En revanche, ses associĂ©s, avec Antoine Fichet en tĂȘte, restent fermement attachĂ©s aux valeurs fondatrices : production française, Ă©thique environnementale et ancrage territorial.
Cette divergence stratĂ©gique n'est pas simplement une question de financement, mais reflĂšte deux visions entrepreneuriales fondamentalement diffĂ©rentes. Comme le confirment plusieurs sources proches du dossier, Py voit dĂ©sormais Bob comme une startup Ă forte croissance devant rapidement s'imposer Ă l'international, quitte Ă assouplir certains principes fondateurs. Ă l'opposĂ©, Fichet et une partie du conseil d'administration considĂšrent l'entreprise comme un projet industriel de long terme, oĂč l'intĂ©gritĂ© du Made in France constitue l'ADN mĂȘme de la marque.
Au sein de lâentreprise, la mĂ©thode Py (alors actionnaire principal) commence Ă ĂȘtre remis en question par une partie des employĂ©s et certains partenaires. Dâautant que la question de lâavenir de lâentreprise se pose, impliquant des dĂ©cisions stratĂ©giques Ă prendre :
Vendre la boßte à un industriel et le laisser gérer ;
Lever des fonds pour partir Ă lâinternational ;
Lever des fonds pour recentrer sur la France avec dâautres produits.
DÚs 2020-2021, plusieurs offres de rachat en provenance d'Asie avaient déjà été formulées, dont une proposition particuliÚrement significative de 10M⏠cash d'un acteur industriel chinois. Ces offres avaient été systématiquement refusées par les business angels historiques, qui estimaient que le multiple n'était pas assez élevé par rapport au potentiel de l'entreprise.
Que se passe-t-il rĂ©ellement Ă ce moment-lĂ ? Difficile dâĂȘtre formel tant les avis divergent. Parce quâen rĂ©alitĂ©, et câest quand mĂȘme souvent le cas, on est ici face Ă des guerres dâĂ©go et dâargent, plus quâĂ des problĂ©matiques business. Plusieurs des levĂ©es de fonds envisagĂ©es prĂ©voient des cash-outs dâun ou plusieurs associĂ©s, ce qui dĂ©plaĂźt Ă dâautres qui aimeraient quâĂ ce stade, tout reste dans lâentreprise.
Lâimprobable IPO
Face aux rĂ©ticences rencontrĂ©es, Damian Py Ă©labore un projet ambitieux : une introduction en bourse IPO visant Ă lever 13M⏠sur une valo de 30MâŹ8. Cette opĂ©ration prĂ©sente un avantage stratĂ©gique majeur pour le dirigeant : transformer Daan de SAS9 en SA10 modifiant substantiellement la gouvernance.
Ce changement de statut aurait notamment pour consĂ©quence de supprimer les droits de veto dont disposaient certains investisseurs dans la structure SAS, renforçant considĂ©rablement le pouvoir de Py, qui dĂ©tenait alors environ 42 % du capital. Les business angels historiques, qui reprĂ©sentaient 17 % du capital, se sont fermement opposĂ©s Ă ce projet, qu'ils percevaient comme une manĆuvre visant Ă les Ă©carter des dĂ©cisions stratĂ©giques.
Une personne qui a travaillĂ© sur le dossier mâexplique que câĂ©tait⊠parfaitement vrai et presque assumĂ©. Puisquâil sâagit Ă©galement de racheter une partie des parts de Fichet afin de sâassurer du contrĂŽle.
Le plan de financement prévoyait 10M⏠d'augmentation de capital et 3M⏠en OC11, avec un objectif de free float12 supérieur à 33%. Cette structure impliquait une dilution d'environ 50% pour les actionnaires existants, bien que la banque d'affaires conseil, ait proposé une structure pour limiter la perte d'influence des fondateurs.
La simulation de dilution et contrÎle post-IPO révélait des changements significatifs dans l'équilibre des pouvoirs :
Actuellement :
Py : 41%
Fichet : 33%
BA : 26%
Avant lâIPO, Py rachĂšte des parts Ă Fichet :
Py : 63%đ
Fichet : 11% đ
BA : 26%
Cas de lâIPO sans obligation convertible :
Py : 42% đ
Fichet : 8% đ
BA : 17% đ
Flottant : 33%
Cas de lâIPO avec l'obligation convertible (3M⏠avec prime de 20%) :
Py : 37% đ
Fichet : 7% đ
BA : 15% đ
OC : 11%
Flottant : 30%
Outre le million dâeuro quâaurait coutĂ© lâopĂ©ration, la valorisation Ă 1,8x le CA13 a dâemblĂ©e Ă©tĂ© sujet trop faible, par ceux qui avaient dĂ©jĂ rejetĂ© lâoffre Ă 10MâŹ, et qui voyaient le potentiel de Bob. Mais lâĂ©lĂ©phant dans la piĂšce, câĂ©tait Ă©vident le risque dâexplosion des conflits de gouvernance dĂ©jĂ latents.
Si lâopĂ©ration nâa jamais Ă©tĂ© sĂ©rieusement envisagĂ©e, pour certains elle a Ă©tĂ© dĂ©cisive quant Ă lâopinion quâils se faisaient de Py.
L'offre de Yotta Capital et Oraxys (août 2021)
A lâĂ©tĂ© 2021, Yotta et Oraxys dĂ©posent une LOI14. Si le montant nâest pas clairement Ă©crit, lâidĂ©e est dâarriver Ă lever 6MâŹ. L'offre prĂ©cise une restructuration stratĂ©gique pour Daan , impliquant une gouvernance alignĂ©e avec les objectifs des investisseurs, mais sans mention explicite d'une opĂ©ration de cashout. Mais une source auprĂšs dâun des acteurs suggĂšrent que la question d'une sortie partielle de certains associĂ©s a Ă©tĂ© Ă©voquĂ©e dans les discussions suivant cette lettre d'intention, devenant un point de tension.
Sâil nâa pas Ă©tĂ© clairement possible dâavoir les raisons de la non poursuite de la LOI, un cadre actuel de Daan15 est assez catĂ©gorique :
« [Damien Py] est aussi Ă lâorigine de tensions avec les banques, certains fournisseurs, des clients/prospects. Jâai rĂ©cemment Ă©changĂ© avec des gens de la grande distribution qui mâont rĂ©vĂ©lĂ©, sans plus de dĂ©tails, que nous Ă©tions âgrillĂ©sâ chez eux»
L'Ă©pisode "Qui veut ĂȘtre mon associĂ© ?"
Mais peut-ĂȘtre que lâĂ©vĂšnement le plus marquant, câest le passage de Daan dans lâĂ©mission de M6. Lâentreprise cherche 500KâŹ, et 3 jurĂ©s16 acceptent et posent donc⊠1,5M⏠pour 15%. Un record. Mais une valo de 10MâŹ, soit⊠exactement ce que les historiques avaient refusĂ©.
En rĂ©alitĂ© lâĂ©mission se passe assez mal, et Ă la fin du deal, Py a une demande lunaire. Le duo accepte Ă condition de que Eric LarchevĂȘque les aides⊠à lancer leur propre cryptomonnaie. Ce Ă quoi il rĂ©pond « Câest une blague ? ». Et Simoncini dâenchaĂźner :
« Vous ĂȘtes complĂštement dingues. En fait, vous avez pris de la drogue ? [âŠ] Pour moi, Ă leur place c'est deal breaker. »
Eric LarchevĂȘque Ă©tait revenu un peu plus tard sur lâĂ©mission17.
« Damian Py et Antoine Fichet avaient une position, un comportement inappropriĂ©. On ne savait mĂȘme pas sâils plaisantaient ou pas. lls sont passĂ©s trĂšs prĂšs de ne pas avoir de deal. Peut-ĂȘtre quâils ont Ă©tĂ© eux-mĂȘmes dĂ©passĂ©s par les Ă©vĂ©nements. »
Bourbon en rajoute une couche en live, mais finalement le deal se fait sur 1,5M⏠pour 21% + 2% de BSCPE pour LarchevĂȘque, soit une valo de ⊠6,5MâŹ. Sauf que le jour de la diffusion LarchevĂȘque Ă©crit sur Twitter18 :
« Malheureusement (pour nous) cela ne s'est pas réalisé car Damian a préféré avancer avec un autre fonds qui payé plus cher. »
La grande ĂpopĂ©e
Sauf quâen rĂ©alitĂ© si le deal de QVEMA ne sâest pas fait, celui du mystĂ©rieux fonds non plus. LĂ encore, les raisons sont trĂšs mystĂ©rieuses.
Fichet et les BA auraient été trop gourmands ;
Py aurait négocié trop violemment avec des fonds ;
Trop de cashout était en jeu.
Comme souvent, difficile de faire le tri entre les versions de chacun. Reste quâil faudra attendre 6 mois de plus pour quâune LOI arrive sur la table, le 10 juin.
Ă la manĆuvre, câest ĂpopĂ©e Gestion, le fonds de Ronan Le Moal, ex-emblĂ©matique patron de CrĂ©dit Mutuel Arkea, et de Charles Cabillic, fondateur dâAlloVoisins. Deux dĂ©fenseurs de lâĂ©conomie locale.
Câest dâailleurs le FCPI ĂpopĂ©e Transitions I qui se positionne pour poser 3 Ă 8MâŹ, avec possibilitĂ© de rĂ©investissement via :
Une augmentation de capital destinée à financer le développement de l'entreprise ;
Un rachat de titres permettant d'offrir une liquidité à d'éventuels actionnaires sortants.
L'offre d'ĂpopĂ©e Gestion s'articule autour d'objectifs stratĂ©giques prĂ©cis :
Soutenir la croissance organique de Bob ;
Accompagner le lancement d'une gamme élargie de produits pour la cuisine et l'équipement de la maison ;
Explorer des possibilités de croissance externe par acquisitions.
Le tout avec un accompagnement opérationnel structuré via son accélérateur interne qui propose un soutien en stratégie digitale, ESG, internationalisation et croissance externe. Le fonds se positionne explicitement comme un « investisseur-entrepreneur local, challenging mais bienveillant », avec un accent fort sur l'ancrage territorial et une approche ESG responsable.
Sauf que si lâoffre arrive Ă cette date, câest parce que dans quelques jours aura lieu une AGE19 qui pourrait bien sceller la crise entre les associĂ©s qui grossit depuis des mois.
Un colifichet de valeur
Le 24 juin 2022, l'ordre du jour prévoit de trancher entre trois options clairement définies :
Maintien de Damian Py comme Président ;
Révocation de Damian Py et nomination d'Antoine Fichet comme Président ;
Aucun changement dans la gouvernance.
Damian Py prĂ©side lui-mĂȘme cette assemblĂ©e qui va dĂ©cider de son avenir, avec 100% du capital reprĂ©sentĂ©.
40% pour Py
33% pour Fichet, +3% de proches
20% pour les BA historiques
Lâissue des votes ne fait guĂšre de doute. HĂ©lĂšne Roux et Johann Terrier, parmi les historiques qui sont au board, souhaitent depuis longtemps remplacer Py par un dirigeant plus senior. Sans surprise, dâautres BA, comme Jean-Christophe Dubiez, qui a rĂ©cupĂ©rĂ© les parts dâun actionnaire dĂ©cĂ©dĂ© en 2020, et qui a refusĂ© de vendre Ă Py, nâira pas non plus dans son sens.
PremiÚre résolution : Quitus entier et sans réserve de la gestion de Damian Py pour l'exercice clos. Adoptée à l'unanimité.
DeuxiÚme résolution : Révocation de Damian Py de son poste de président (57,5% des votes en faveur).
TroisiÚme résolution : Nomination d'Antoine Fichet comme président et de Nicolas Ravallec comme directeur général. Adoptée à l'unanimité.
QuatriÚme résolution : Opération de levée de fonds à court terme dans les 6 mois. Adoptée à l'unanimité.
Py se fait donc sortir de sa propre boĂźte, quâil a incarnĂ© pendant des annĂ©es.
Fin.
Py conserve son ordinateur mais perd l'accÚs aux emails et données de l'entreprise
Il n'est plus autorisé à s'exprimer au nom de Daan Tech
Il reçoit une indemnité équivalente à 6 mois de salaire
La nouvelle direction s'engage Ă trouver un moyen de racheter ses parts
En Ă©change de ces conditions, Py s'engage « de bonne foi Ă ne pas dĂ©nigrer l'entreprise ni ses dirigeants, actionnaires, partenaires » - un engagement disons moyennement respectĂ©, selon des personnes restĂ©es dans lâentreprise.
Ses parts, elles, finiront dans la famille proche de Fichet.
Essorage maximal
Le problĂšme, câest que Py, Fichet ou autre : lâentreprise est en train de perdre de lâargent, comme le montre lâhistorique de ses comptes (y compris ceux qui nâont pas Ă©tĂ© dĂ©posĂ©s).
Les donnĂ©es rĂ©vĂšlent l'un des nĆuds fondamentaux du problĂšme de Daan : si la marge brute semble s'amĂ©liorer progressivement (44% en 2021, 48% en 2022, 50% en 2023), cette apparente bonne nouvelle cache une rĂ©alitĂ© plus complexe.
En 2021, année du succÚs commercial, le coût de production représentait 56% du chiffre d'affaires. Cette proportion s'améliore légÚrement les années suivantes, mais cette optimisation industrielle ne peut compenser l'effondrement du volume des ventes, qui chute de 21% en 2022, puis de 14% supplémentaires en 2023.
Cette situation illustre le dilemme Ă©voquĂ© dĂšs 2019 entre Antoine Fichet et Damian Py : un Bob produit en France coĂ»tait environ 200âŹ, contre 140⏠en Chine. MalgrĂ© les efforts d'optimisation de la production, cette diffĂ©rence structurelle limitait la rentabilitĂ© et la flexibilitĂ© face aux variations du marchĂ©.
Un facteur aggravant majeur apparaßt dans la gestion des RH. Entre 2021 et 2023, alors que le CA chutait de 32%, la masse salariale a presque doublé, passant de 1,07M⏠à 1,8M⏠: elle représentait 11% du CA en 2021, mais atteint 28% en 2023, un niveau critique pour une entreprise industrielle.
Cette évolution paradoxale s'explique par une embauche croissante entre 2021 et 2023 :
2021 : environ 25 employés
2022 : 40 employés (+60%)
2023 : 50 employés (+25%)
Cette expansion des effectifs, basĂ©e sur l'anticipation d'une croissance continue qui ne s'est jamais matĂ©rialisĂ©e, a créé une rigiditĂ© structurelle. Dans le contexte français, oĂč les ajustements d'effectifs sont complexes et coĂ»teux, l'entreprise s'est retrouvĂ©e piĂ©gĂ©e par sa propre stratĂ©gie d'embauche. Et donc dĂ©pendante des financements.
L'analyse des dĂ©penses marketing rĂ©vĂšle un troisiĂšme facteur critique dans l'Ă©chec financier de Daan. Ces dĂ©penses ont explosĂ© de 1,31M⏠en 2021 Ă 1,8M⏠en 2022 (+37%), puis Ă 1,9M⏠en 2023, alors mĂȘme que le chiffre d'affaires s'effondrait.
En proportion, ces investissements marketing sont passés de 14% du CA en 2021 (un ratio raisonnable pour lancer un produit innovant) à 24% en 2022, puis à l'insoutenable niveau de 29% en 2023.
Câest plutĂŽt classique en startup, parce quâon finance la croissance par les dĂ©penses marketing⊠sauf que câest une stratĂ©gie qui marche seulement quand on a un VC qui finance. Sauf que plus personne ne veut financer Daan.
Rinçage à sec
Début 2024, Daan se trouve dans une situation financiÚre catastrophique, bien loin de l'image qu'elle projette publiquement. Alors que les années 2022 et 2023 ont été marquées par un effondrement des ventes et une aggravation des pertes, l'entreprise continue néanmoins, dans sa communication externe, d'afficher une confiance sans faille, cultivant un récit de réussite de plus en plus déconnecté de sa réalité financiÚre.
Et câest lĂ que lâentreprise a lâidĂ©e de lancer un crowdfunding, via Crowdcube.
Selon la communication officielle fin mai 2024, la sociĂ©tĂ© emploie 53 salariĂ©s et annonce un chiffre d'affaires de 6,5 Ă 7M⏠pour 2023, prĂ©voyant une croissance Ă 8,5-9M⏠pour 2024. Elle projette mĂȘme un bond spectaculaire Ă 20M⏠pour 2025, avec un effectif qui devrait passer Ă 100 salariĂ©s. Cette communication optimiste occulte nĂ©anmoins la rĂ©alitĂ© financiĂšre beaucoup plus sombre : le chiffre d'affaires a en rĂ©alitĂ© chutĂ© de 14% en 2023, aprĂšs avoir dĂ©jĂ diminuĂ© de 21% en 2022.
Le 5 juin 2024, Daan lance sa campagne avec un objectif initial de 500KâŹ, mais visant officieusement 1M⏠comme l'annoncent ses dirigeants Fichet et Ravallec dans leurs communications aux mĂ©dias fin mai20. Dans sa communication marketing, l'entreprise met en avant un dĂ©marrage prĂ©sentĂ© comme fulgurant : dĂšs le 11 juin, elle annonce avoir rĂ©uni 600K⏠en seulement 24 heures. Ă la clĂŽture de la campagne le 26 juin, Daan parvient Ă lever un total de 780K⏠auprĂšs de 821 investisseurs.
Un élément crucial, que les investisseurs particuliers auraient sans aucun doute souhaité voir mis en avant, est subtilement enfoui dans la documentation détaillée de l'opération Crowdcube : la société était en déficit depuis 2022, avec des fonds propres négatifs s'élevant à -1,61M⏠en 2023. Cette information capitale est présentée de façon technique dans les annexes financiÚres, bien loin des messages promotionnels enthousiastes qui dominent la communication publique de la campagne. L'entreprise se trouvait donc dans l'obligation légale de reconstituer son capital sous deux ans, sous peine de dissolution. Cette levée de fonds participative visait donc autant à financer la croissance qu'à sauver l'entreprise d'une situation financiÚre critique.
Ou alors, il nâĂ©tait quâun moyen de renflouer les caisses de lâentreprise en faisant financer un bridge par les clients, en attendant un investissement miracle improbable.
Du cĂŽtĂ© de lâentreprise, en off, on mâassure que la dĂ©gradation est arrivĂ©e plus tard. Mais comment y croire ? LâAG sur les comptes de 2022 qui a lieu en septembre 2023 constate que les capitaux propres sont infĂ©rieurs Ă la moitiĂ© du capital social.
Dâautant plus que cette levĂ©e de fonds s'appuie sur une valorisation pre-money de 6,53M⏠(intĂ©grant la conversion d'obligations convertibles), un chiffre qui tranche avec la rĂ©alitĂ© financiĂšre de l'entreprise dont le chiffre d'affaires se situe entre 6,5 et 7MâŹ. Un aspect crucial de cette opĂ©ration, rĂ©vĂ©lĂ© dans la documentation dĂ©taillĂ©e mais peu mis en avant lors de la communication publique, concerne la conversion de 491K⏠d'obligations convertibles Ă©mises entre aoĂ»t 2023 et janvier 2024, avec des dĂ©cotes allant de 5% Ă 20% selon la durĂ©e de dĂ©tention.
La structure de l'actionnariat mérite également attention : Antoine Fichet, via sa holding La Réunion SAS, détient 52,74% du capital, conservant ainsi un contrÎle total sur les décisions stratégiques. Les nouveaux investisseurs particuliers, malgré leur nombre (821), se retrouvent donc minoritaires avec peu de poids décisionnel, comme le précise d'ailleurs explicitement la documentation.
Pour justifier cette valorisation, Daan met en avant un projet d'expansion ambitieux qui prévoit d'atteindre 20M⏠de chiffre d'affaires dÚs 2025, et annonce une nouvelle offre destinée aux professionnels, citant déjà Orange et Havas parmi ses premiers clients.
L'entreprise présente trois objectifs pour l'utilisation de ces fonds : accélérer le développement international (avec des bureaux déjà ouverts au Japon et en négociation pour la Corée du Sud), financer la R&D pour développer plus rapidement de nouveaux produits (citant qu'il a fallu "quatre ans pour Bob, trois ans pour Joe"), et créer une business unit dédiée aux professionnels avec deux commerciaux pour développer la location de lave-vaisselle en France et aux Pays-Bas.
Antoine Fichet Ă©voque Ă©galement dans la presse Ă©conomique un projet immobilier d'envergure, temporairement dĂ©couplĂ© du projet industriel : la construction d'une nouvelle usine robotisĂ©e de 8 000 mÂČ Ă Montaigu, dont le permis serait dĂ©posĂ© en 2025 pour une mise en service fin 2026 ou dĂ©but 2027. En attendant, la production de Joe est prĂ©vue dans les locaux actuels de Cugand (2 600 mÂČ) avec l'installation d'une nouvelle ligne fin 2024.
Sauf quâen rĂ©alitĂ©, Joe comme Montaigu devaient dĂ©jĂ ĂȘtre financĂ©s⊠par les opĂ©rations de 6 Ă 10M⏠qui ont toutes Ă©tĂ© avortĂ©es entre 2021 et 2022. On ne voit alors pas trĂšs bien comment ce petit million pourrait relancer ces projets alors que lâentreprise est dans le rouge.
Paradoxalement, cette communication extrĂȘmement optimiste masque plusieurs risques majeurs identifiĂ©s dans la documentation dĂ©taillĂ©e de l'opĂ©ration mais peu mis en avant dans la communication grand public :
Un déficit persistant depuis 2022 et un objectif de retour à la profitabilité qualifié d'"incertain" ;
Des fonds propres négatifs de -1,61M⏠en 2023 imposant une obligation légale de recapitalisation dans les deux ans sous peine de dissolution ;
Des risques de dilution pour les petits actionnaires, notamment via l'émission prévue de 12% de BSPCE qui réduiraient encore leur part ;
Une concurrence intense face aux grandes marques d'électroménager comme Midea (Chine) et Smeg (Italie) ;
Des problÚmes de chaßne d'approvisionnement et des coûts de production élevés ;
Une dépendance aux ventes en ligne B2C et aux coûts d'acquisition client associés.
Parce que si yâa un besoin urgent de recapitalisation, puisque Daan a levĂ© plus de 6M⏠de dette, donc une Ă©chĂ©ance majeure arrive mi 2025.
Cycle terminé
En dĂ©cembre 2024, soit moins de 6 mois aprĂšs le financement, un AJ est nommĂ© pour rĂ©nĂ©gocier la dette avec les banques. Et deux mois aprĂšs, le 27 fĂ©vrier 2025, lâentreprise est officiellement en cessation de paiements et demande son placement en redressement judiciaire. Qui aurait pu prĂ©voir que ce bridge nâaura servi Ă rien ?
Le jugement rendu le 5 mars 2025 par le Tribunal de Commerce révÚle l'ampleur de la crise :
Un passif déclaré de 6,15M⏠;
Un actif dĂ©clarĂ© de 7,4MâŹ, dont la partie disponible est insuffisante pour couvrir les dettes exigibles ;
Une équipe réduite à 41 salariés, contre 50 en 2023 ;
Une date de cessation des paiements retenue au 18 février 2025, avec comme premiÚre dette non honorée, la TVA.
Le tribunal a placé l'entreprise en redressement judiciaire, fixant une période d'observation de deux mois pour évaluer sa viabilité.
Dans sa communication au tribunal, Daan identifie cinq causes principales à ses difficultés.
Ce constat officiel contraste violemment avec la communication de l'entreprise moins d'un an auparavant, lorsqu'elle prĂ©sentait aux investisseurs particuliers un avenir radieux avec un triplement du chiffre d'affaires, le doublement des effectifs, l'ouverture de nouveaux marchĂ©s et la construction d'une usine de 8 000 mÂČ.
Mais cette reconnaissance soulÚve des questions éthiques majeures concernant la campagne de crowdfunding de juin 2024. Comment justifier d'avoir sollicité l'épargne de 821 particuliers, principalement des clients enthousiastes et non des investisseurs aguerris, en présentant des perspectives de croissance aussi optimistes, alors que moins d'un an plus tard l'entreprise se retrouve en cessation de paiements avec 6,15M⏠de passif ? Le contraste entre la documentation détaillée mais complexe mentionnant les risques et la communication publique axée sur la réussite et l'avenir radieux pose question sur la transparence de l'opération.
Face à cette situation critique, Daan présente un plan de redressement articulé autour de trois axes principaux.
De quoi convaincre le juge, qui a estimĂ© que l'entreprise conserve un potentiel de redressement, mais a clairement averti que, sans solution viable, une liquidation judiciaire pourrait ĂȘtre envisagĂ©e lors de la prochaine audience fixĂ©e au 7 mai 2025.
Spin cycle à plein régime
DĂšs l'annonce du redressement judiciaire le 5 mars 2025, Daan adopte une stratĂ©gie de communication Ă double visage : une transparence forcĂ©e face au tribunal oĂč elle reconnaĂźt ses erreurs stratĂ©giques, mais une communication publique Ă©motionnelle et souvent trompeuse qui minimise la gravitĂ© de sa situation.
Dans son email aux actionnaires, l'entreprise met en avant "un chiffre d'affaires 2024 de 6,7MâŹ, en croissance de 3% versus 2023", mais passe sous silence le rĂ©sultat net - un silence rĂ©vĂ©lateur quand on sait que la perte Ă©tait de -1,6M⏠en 2023. Selon mes informations, et bien que le bilan 2024 ne soit pas clĂŽturĂ©, les pertes seraient globalement identiques.
Sur son site web, Daan déploie une stratégie de communication hautement émotionnelle avec sa campagne « EN FRANCE, ON FABRIQUE ». Le message d'introduction, « Sans vous, Bob jette l'éponge ! », établit d'emblée un ton dramatique qui privilégie le sentiment patriotique à l'analyse rationnelle.
Cette communication présente plusieurs omissions stratégiques :
Aucune mention explicite du redressement judiciaire, simplement évoqué comme une "situation critique" ;
Présentation de la situation comme un "combat contre le systÚme" financier hostile à l'industrie française ;
Exagération de l'impact social avec "200 emplois" concernés alors que l'entreprise n'emploie qu'une quarantaine de salariés.
Mais un dĂ©tail a particuliĂšrement retenu mon attention : il est question de « financement participatif ». En creusant, difficile de trouver le moindre call-to-action, et tout ça paraĂźt trĂšs flou. Dâautant que les contradictions sur lâargumentaire ne manquent pas :
L'entreprise affirme que "le développement de Joe, notre four multi-cuisson, est terminé", tout en admettant avoir besoin de 2,7M⏠simplement pour l'outillage industriel ;
Le systÚme de précommande de Joe pour seulement 1⏠révÚle une stratégie désespérée : "Nous avons besoin de 5 000 précommandes pour financer la derniÚre étape d'industrialisation" ;
L'entreprise annonce avoir besoin de vendre 6 000 unités de Bob pour contribuer au financement de Joe, sans préciser si ces ventes génÚrent actuellement une marge suffisante.
Commentaire en dessous dâun publication LinkedIn dâAntoine Fichet
Mais ce qui nâest pas clairement dit, câest quâen rĂ©alitĂ©, avoir Ă©chouĂ© pendant 2 ans Ă faire entrer dâautres investisseurs professionnels, Daan souhaite refaire⊠une levĂ©e dâau moins 500K⏠auprĂšs de sa communautĂ©.
Et franchement : câest grave.
Faute d'avoir su convaincre les investisseurs institutionnels, plus aguerris Ă dĂ©celer les fragilitĂ©s rĂ©elles de son modĂšle Ă©conomique, Daan transfĂšre volontairement (une nouvelle fois) le risque de son sauvetage Ă des investisseurs particuliers moins bien informĂ©s. En sollicitant Ă nouveau les particuliers pour un deuxiĂšme bridge en 8 mois, sans la MOINDRE garantie, Daan joue plus dâ1M⏠dâinvestisseurs non avertis Ă la roulette russe.
Parce que :
Quand bien mĂȘme les 500K⏠seraient rĂ©unis, lâentreprise ne serait pas sauvĂ©e ;
Et mĂȘme si les 5M⏠au total arrivaient, ça ne sauvera toujours pas lâentreprise qui perd plus dâ1,5M⏠/ an et qui doit refinancer plusieurs millions dâeuros de dette en 2 ans.
Tout ça pour investir dans une entreprise oĂč Antoine Fichet, via sa holding La RĂ©union SAS, conserve un contrĂŽle absolu avec 52,74% du capital, rendant symbolique le pouvoir des nouveaux investisseurs particuliers sollicitĂ©s.
Tout ça alors quâil aurait Ă©tĂ© opportun de faire cette campagne de relance des ventes yâa un aâŠ
Cette dissonance entre communication optimiste auprÚs du grand public et diagnostic officiel auprÚs du tribunal pourrait également poser question en matiÚre de responsabilité juridique, particuliÚrement au vu de la transparence exigée lors de levées de fonds auprÚs du public. Les obligations d'information claire, exacte et non trompeuse semblent ici mises à mal par cette stratégie de double discours.
Parce que la suite, qui devrait ĂȘtre actĂ©e en mai prochain est loin de garantir une issue positive.
Si le montant sâapproche des 5MâŹ, lâentreprise va demander la prolongation de la pĂ©riode dâobservation, en attendant dâavoir un plan clairement viable ;
Si le montant est trop loin, ce qui semble ĂȘtre le cas le plus probable (sauf Ă voir surgir un sauveur qui ne se serait jamais manifestĂ© en 4 ans), alors lâentreprise cherchera un repreneur ou finira liquidĂ©e.
Parmi les acteurs qui pourraient ĂȘtre intĂ©ressĂ©s ou experts du M&A, tous me disent quâil y a peu de chance quâune reprise ait lieu. Les tribunaux voudront sauvegarder lâemploi, la boite nâest pas rentable, donc pour un rachat Ă un euro symbolique, câest entre 2 et 3M⏠pour relancer la boĂźte au bas mot. Le tout pour une marque qui nâa jamais vraiment percĂ©, qui nâest pas massivement connue du grand public⊠et qui a dĂ©sormais beaucoup de concurrents, notamment chinois.
Un administrateur judiciaire, habitué de ce type de dossier me confiait que le plus probable soit que les stocks soient vendus par le Crédit Agricole, qui a une garantie dessus, et que tout finisse dans une solderie comme les meubles de Made à leur époque.
Ah shit, here we go againâŠ
Finalement, Daan est une sorte de condensĂ© de facteurs dâĂ©checs et de red flags, sans quâon puisse pour autant dire que câest une mauvaise entreprise.
Parce que lâĂ©chec de Daan ne remet pas forcĂ©ment en cause le Made In France : la preuve, lâentreprise a su ĂȘtre rentable Ă ses dĂ©buts, et la conception Bob a Ă©tĂ© pensĂ©e pour rĂ©duire lâimpact de la main dâĆuvre.
Pour autant miser sur cet argument, et celui (parfois limite) de lâĂ©cologie est une erreur : câest se couper dâune partie majeure du public qui vient chercher une solution Ă son problĂšme, avant de rĂ©gler celui de la France (ou du monde). Eh oui, ça fait chier, parce que les mĂȘmes tapent sur des casseroles pour soutenir les agriculteurs ou les infirmiĂšres, mais refusent de consommer (ou de voter) selon leurs dĂ©clarations.
Daan, câest avant tout lâĂ©chec dâassociĂ©s incapables Ă se mettre dâaccord sur une vision commune pour des guerres qui amĂšneront sans aucun doute Ă ce que tout le monde perde 100% de sa mise.
Daan câest lâĂ©chec du all-in marketing face au pragmatisme. Parce que dans dĂ©veloppement durable⊠bah yâa durable. Et donc si les enjeux (essentiels) dĂ©fendus par lâentreprise ne tiennent pas dans le temps faute de rentabilitĂ©, alors ils ne rĂ©soudront aucun problĂšme.
Mais surtout, Daan, câest un Ă©niĂšme crowdfunding trĂšs problĂ©matique. Câest tout bonnement incroyable que le patron envisage aujourdâhui de faire raquer une nouvelle fois des particuliers. Ce nâest pas leur rĂŽle.
Comment lâAMF peut-elle laisser prospĂ©rer des acteurs du crowdfunding dont le seul mĂ©tier est de vendre leur agrĂ©ment pour se gaver en frais, sans la moindre transparence, et se cacher derriĂšre âoui mais câĂ©tait Ă©crit dans le document de 400 pages que vous avez pas luâ.
La chute probable de Daan n'est pas celle d'un symbole national, mais celle d'un modÚle d'affaires qui a privilégié l'image sur la substance, la croissance sur la rentabilité, et le récit sur la réalité.
Je mâappelle Benjamin Charles, et je fais du conseil en branding, positionnement et crĂ©ation de contenus pour des entreprises de la finance, de lâimmobilier et du web3.
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La fabuleuse histoire de Bob, le mini lave-vaisselle connecté, écolo et 100% made in France, Annabelle Grelier, France Culture, 22 mars 2021
Made in France : Bob le lave-vaisselle veut conquérir le monde, Clotilde Briard, Les Echos, 11 novembre 2021
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Letter Of Intent : déclaration d'intention
Qui nâĂ©tait pas prĂ©sent Ă cette pĂ©riode dans lâentreprise
Eric LarchevĂȘque, Marc Simoncini et Delphine AndrĂ©
Eric LarchevĂȘque au bord de la rupture face aux crĂ©ateurs de Bob dans Qui veut ĂȘtre mon associĂ© ? : "Leur comportement Ă©tait inappropriĂ©", Benjamin Rabier, TĂ©lĂ© Loisir, 5 janvier 2022
Assemblée générale extraordinaire
Le fabricant du lave-vaisselle Bob veut lever 1 million d'euros auprÚs des particuliers, Véronique Yvernault, LSA, 4 juin 2024
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